Un arrêt important sur la prescription désormais applicable en matière de crédit immobilier :
"Vu l'article L. 137-2 du code de la consommation,
Attendu qu'en vertu de ce texte, l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, suivant acte authentique du 27 mai 2003, M. X... a souscrit deux emprunts auprès du Crédit du nord, devenu la Banque Kolb ; que la déchéance du terme a été prononcée le 10 février 2006, à la suite d'impayés ; que, le 12 juillet 2010, la banque lui a délivré un commandement de payer aux fins de saisie immobilière ;
Attendu que, pour débouter M. X... de sa demande tendant à voir constater la prescription de la créance et juger nul le commandement, l'arrêt retient que le texte précité ne concerne pas les crédits immobiliers et que les créances en cause seront prescrites en cinq ans à compter de l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, soit en juin 2013 ;
Qu'en statuant ainsi, quand les crédits immobiliers consentis aux consommateurs par des organismes de crédit constituent des services financiers fournis par des professionnels, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 octobre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la Banque Kolb ; la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit novembre deux mille douze.
MOYEN DE CASSATION
Moyen produit par Me Foussard, avocat aux Conseils, pour M. X...
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a refusé de constater la prescription de la créance et rejeté la demande visant à l'annulation du commandement du 12 juillet 2010 ;
AUX MOTIFS QU' « ainsi que l'a rappelé le juge de l'exécution aux termes d'une motivation particulièrement pertinente, la durée de la prescription est déterminée par la nature de la créance, sans égard pour la forme en laquelle elle est passée ; qu'il est constant que l'acte authentique en cause date de 2003 ; que l'article L 110-4 du code de commerce dans sa version antérieure à la loi du 17 juin 2008 dispose que les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non commerçants se prescrivent par dix ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes ; que le même article dans sa rédaction actuelle prévoit que cette prescription est dorénavant de 5 ans ; que l'article 26 de la loi du 17 juin 2008 relatif à la mise en place des nouvelles règles de prescription précise que les dispositions de ladite loi qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ; que, ensuite, contrairement à ce que soutient Monsieur X..., l'article L137-2 du code de la consommation qui prévoit que l'action de professionnels, pour les biens ou services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrivent par deux ans, ne concerne pas les crédits immobiliers ; que la réponse ministérielle publiée le 21 avril 2009 , versée aux débats, prend soin à cet égard de préciser "sous réserve de l'appréciation souveraine des juridictions" ; qu'en effet, il ressort des débats parlementaires et plus particulièrement du rapport fait par Monsieur Emile Y..., député, au nom de la Commission des Lois Constitutionnelles, de la Législation et de l'Administration Générale de la République, sur la proposition de loi portant réforme de la prescription en matière civile, que cette disposition est venue remplacer l'article 2272 du code civil qui a été abrogé pour permettre l'insertion de ce délai dans le code de la consommation et en ajoutant les services pour prendre en compte la réalité économique contemporaine ; que l'article 2272 alinéa 4 précisait notamment que l'action des marchands, pour les marchandises qu'ils vendaient aux particuliers non marchands, se prescrivait par deux ans ; que tout indique qu'il n'était pas question dans l'esprit du législateur de prévoir un délai de 2 ans pour les crédits immobiliers qui ne sont pas visés comme étant un service moderne qu'il faudrait prendre en considération comme une nouveauté économique ; qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que les créances en cause seront prescrites en cinq ans à compter de l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 soit en juin 2013 ; que partant, c'est à tort que Monsieur X... conteste la validité du commandement valant saisie immobilière délivré le 12 juillet 2010 par la Banque Kolb et de la procédure subséquente » (arrêt, p. 3-4) ;
ALORS QU'aux termes de l'article L. 137-2 du code de la consommation, issu de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 : « L'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans » ; qu'inséré sous un titre III relatif aux « conditions générales des contrats », il pose une règle générale, sans l'assortir d'exceptions ou de restrictions, s'agissant des services fournis par un professionnel à un consommateur ; qu'en refusant d'appliquer ce texte, en soustrayant sans raison les crédits immobiliers pour refuser de constater la prescription née de l'inaction du créancier entre le 18 juin 2008 et le 18 juin 2010, les juges du fond ont violé l'article L. 137-2 du code de la consommation."
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