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jeudi 16 mai 2013

Responsabilité de l'Architecte des Bâtiments de France

La responsabilité de l'Architecte des Bâtiments de France est retenue par cet arrêt :

"Vu la requête, enregistrée le 12 juillet 2010, présentée pour M. Charles B et Mlle Frédérique A, domiciliés ... ;

M. B et Mlle A demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800552 du Tribunal administratif de Dijon du 6 mai 2010 qui a rejeté leur demande tendant à ce que la commune d'Epagny (Côte-d'Or) soit condamnée à leur verser une somme de 28 383,88 euros, outre intérêts, en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis dans le cadre de leur projet de construire une maison d'habitation sur le territoire de cette commune ;

2°) de condamner la commune d'Epagny à leur verser :

. une somme de 30 383,88 euros, outre intérêts à compter du 23 novembre 2007 sur la somme de 28 383,88 euros et capitalisation des intérêts sur cette somme à compter de l'enregistrement de la requête ;

. une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Les requérants soutiennent que l'immeuble protégé, en l'occurrence le tympan de la porte latérale sud de l'église d'Epagny, se situe à l'intérieur de celle-ci, après une porte extérieure, qui ne constitue pas l'entrée principale ; que ce tympan n'est visible que depuis l'intérieur de l'église ; que, par suite, depuis aucun lieu public, il ne peut être vu en même temps que le terrain d'assiette de leur projet ; qu'il est également impossible d'apercevoir le terrain depuis l'immeuble protégé ou d'apercevoir ce dernier depuis le terrain ; qu'en estimant le contraire, le Tribunal a entaché sa décision d'inexactitude matérielle et d'erreur de droit ; que, dans ces conditions, c'est à tort que le maire s'est cru lié par les avis émis par l'architecte des bâtiments de France, qui ne constituaient, en réalité, que des avis simples, pour refuser à deux reprises le permis demandé puis assortir le permis finalement délivré de prescriptions particulièrement coûteuses ; que les illégalités entachant les trois décisions successives engagent la responsabilité de la commune d'Epagny, laquelle est dotée d'un plan d'occupation des sols ; qu'aucune part de responsabilité ne peut leur être imputée, dès lors qu'ils n'ont fait que se soumettre aux exigences de l'administration, tout en protestant néanmoins, ce qui aurait dû attirer l'attention de l'administration ; qu'ils ont dû acquitter une plus-value qui est directement consécutive au retard de réalisation du chantier, pour un montant de 4 467 euros ; que les prescriptions imposées ont généré un surcoût de 5 127 euros ; qu'en raison du retard apporté à leur projet, ils ont supporté treize mois supplémentaires de loyer, pour un total de 8 838,50 euros ; qu'en raison du renchérissement de leur projet et des pertes de loyer, ils ont dû souscrire un nouvel emprunt, d'un coût de 8 451,38 euros ; qu'enfin, ils ont subi des troubles dans les conditions d'existence et sollicitent à ce titre une réparation de 3 500 euros ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 22 novembre 2010, présenté pour la commune d'Epagny, représentée par son maire, qui demande à la Cour :

- de rejeter la requête ;

- subsidiairement, de condamner l'Etat à la garantir des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;

- de condamner M. B et Mlle A à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La commune soutient que la requête est mal dirigée ; qu'en effet, les requérants mettent en cause l'illégalité fautive dont seraient entachés les avis de l'architecte des bâtiments de France ; que ces avis constituent la cause exclusive des dommages invoqués ; qu'en conséquence, seule la responsabilité de l'Etat peut être recherchée ; qu'en tout état de cause, aucune illégalité susceptible d'engager sa responsabilité n'a été commise ; que le projet est situé dans le périmètre de protection et dans le champ de visibilité de l'église, dont le tympan de la porte latérale sud a fait l'objet d'une inscription à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques ; que les requérants n'ont jamais contesté cette situation lors de leur demande de permis de construire ; que c'est donc à juste titre que l'architecte des bâtiments de France s'est prononcé, par ses avis et prescriptions ; qu'en l'absence de mise en oeuvre par les requérants de la procédure prévue par l'ancien article R. 421-38-4 du code de l'urbanisme, qui aurait permis, le cas échéant, de lever rapidement tout obstacle, la légalité desdits avis ne peut être contestée ; que l'instruction des demandes successives de permis a été rapide ; que M. B et Mlle A auraient pu rapidement obtenir un permis de construire s'ils avaient accompli les diligences nécessaires et s'étaient assurés de la conformité de leur projet ; qu'ils n'ont pas eu recours à un architecte et n'ont pas demandé un certificat d'urbanisme avant de solliciter un permis de construire ; qu'ils ont accepté un risque qu'ils connaissaient, l'acte de vente du terrain du 20 avril 2005 mentionnant la situation particulière de la parcelle, dans le périmètre de protection d'un monument historique, et la possibilité de prescriptions ; que les requérants ne précisent pas les conditions dans lesquelles ils ont été amenés à envisager de construire sur son territoire, plutôt que sur le territoire de la commune de Saussy, lieu initialement envisagé ; que les deux premiers chefs de préjudice ne sont pas démontrés par les pièces produites ; qu'il conviendrait de se livrer à une appréciation globale de la situation, au regard du coût du projet précité envisagé en premier lieu ; que lesdits chefs de préjudice n'auraient pas été subis si M. B et Mlle A avaient pris soin de mettre en oeuvre la procédure prévue par l'ancien article R. 421-38-4 du code de l'urbanisme et de s'assurer de la conformité de leur projet aux règles d'urbanisme ; qu'en outre, les surcoûts allégués correspondent à une plus-value pour le patrimoine des requérants, qui ne peut donner lieu à réparation ; que, de même, dès lors que toutes les précautions nécessaires n'ont pas été prises, les autres chefs de préjudice invoqués devront également être écartés ; qu'en outre, les requérants ne démontrent pas qu'ils ont dû acquitter des loyers supplémentaires ; que le lien de causalité entre le prêt supplémentaire allégué et les fautes invoquées n'est pas établi ; qu'au surplus, il conviendrait de tenir compte de l'éventuelle déductibilité des intérêts d'emprunt de l'impôt sur le revenu ; que, subsidiairement, elle demande à être garantie par l'Etat de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre, dès lors que les fautes qu'aurait commises l'architecte des bâtiments de France, dans l'appréciation de la covisibilité entre le projet et l'immeuble protégé, seraient la cause exclusive du dommage ; que son appel provoqué est recevable, l'Etat ayant déjà été appelé en garantie devant le Tribunal ;

En application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, par une ordonnance du 7 mars 2011, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 avril 2011 ;

Vu le mémoire, enregistré le 4 avril 2011, présenté par le ministre de l'écologie, qui déclare que la requête n'appelle aucune observation de sa part ;

Vu le mémoire, enregistré le 22 septembre 2011, présenté pour M. B et Mlle A, tendant aux mêmes fins que précédemment ;

Les requérants soutiennent, en outre, que la Cour ne pourra que rejeter l'appel en garantie formée par la commune d'Epagny, dès lors que c'est la responsabilité de cette commune qui est recherchée ; que la commune est dotée d'un plan d'occupation des sols et les décisions contestées ont été prises au nom de celle-ci ; qu'aucun périmètre de protection n'existe en l'espèce, dès lors que le tympan faisant l'objet de la protection est situé à l'intérieur de l'église ;

En application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, par une ordonnance du 28 septembre 2011, la clôture de l'instruction a été reportée au 25 octobre 2011 ;

Vu le courrier du 12 octobre 2011, par lequel, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées du fait que la Cour envisage de relever d'office le moyen tiré de l'irrecevabilité des conclusions nouvelles en appel des requérants, tendant à l'allocation d'une somme supplémentaire de 2 000 euros par rapport à la demande de première instance ;

Vu le mémoire, enregistré le 19 octobre 2011, présenté pour la commune d'Epagny, représentée par son maire, tendant aux mêmes fins que précédemment ;
La commune soutient, en outre, que les requérants n'établissent pas que leur préjudice se serait aggravé après le jugement du Tribunal ; que les conclusions nouvelles qu'ils présentent en appel sont, par suite, irrecevables ;

Vu le mémoire, enregistré le 20 octobre 2011, présenté pour M. B et Mlle A, par lequel ceux-ci déclarent limiter leurs conclusions indemnitaires à la somme de 28 383,88 euros demandée en première instance ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 21 novembre 2011, présentée pour M. B et Mlle A, et celle enregistrée le 23 novembre 2011, présentée pour la commune d'Epagny ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code du patrimoine ;

Vu la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 novembre 2011 :

- le rapport de M. Chenevey, premier conseiller ;

- les observations de Me Chaton, représentant M. B et Mlle A ;

- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

- la parole ayant à nouveau été donnée à la partie présente ;

Considérant que M. B et Mlle A ont déposé le 7 mars 2005 une demande de permis de construire une maison d'habitation sur un terrain situé sur le territoire de la commune d'Epagny (Côte d'Or) ; que ce terrain est situé dans le périmètre de protection du tympan de la porte latérale sud de l'église du village, qui a été inscrit à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques ; que l'architecte des bâtiments de France, dès lors consulté sur le projet, a émis, le 24 mai 2005, un avis défavorable ; que, par un arrêté du 7 juin 2005, à la suite de cet avis, le maire de la commune d'Epagny a rejeté ladite demande de permis de construire ; qu'après avoir modifié leur projet, M. B et Mlle A ont présenté le 12 septembre 2005 une nouvelle demande de permis ; qu'à nouveau, cette dernière a fait l'objet d'un avis défavorable de l'architecte des bâtiments de France, le 6 octobre 2005, et d'un nouvel arrêté de refus de permis de construire, le 27 octobre 2005 ; qu'après avoir à nouveau modifié leur projet, M. B et Mlle A ont déposé une troisième demande de permis de construire, sur laquelle l'architecte des bâtiments de France a, cette fois, le 16 mai 2006, émis un avis favorable, assorti de quelques prescriptions ; que, par un arrêté du 19 juin 2006, le maire de la commune d'Epagny a accordé le permis de construire demandé, en imposant le respect de ces prescriptions ; que M. B et Mlle A, qui estiment avoir subi des préjudices, du fait du retard apporté abusivement à leur projet et des prescriptions inutiles qui leur auraient été imposées, ont saisi le Tribunal administratif de Dijon d'une demande de condamnation de cette commune à leur verser la somme de 28 383,88 euros, outres intérêts ; que, par un jugement du 6 mai 2010, le Tribunal a rejeté cette demande ; que M. B et Mlle A relèvent appel de ce jugement, en demandant, dans le dernier état de leurs conclusions, comme en première instance, la condamnation de la commune à leur verser ladite somme de 28 383,88 euros, outre intérêts et capitalisation des intérêts ; que la commune d'Epagny, qui conclut au rejet de la requête, demande subsidiairement à la Cour de condamner l'Etat à la garantir des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;

Sur la recevabilité de la demande :

Considérant que la commune d'Epagny est dotée d'un plan local d'urbanisme ; que les deux refus de permis de construire des 7 juin et 27 octobre 2005, puis le permis assorti de prescriptions qui a été accordé le 19 juin 2006, ont été délivrés par le maire, agissant au nom de la commune ; que, par suite, contrairement à ce que soutient cette dernière, même si les requérants excipent de l'illégalité des avis successifs de l'architecte des bâtiments de France, autorité de l'Etat, la demande n'est pas mal dirigée et la responsabilité de la commune est susceptible d'être engagée ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'aux termes des dispositions alors applicables de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme : Conformément à l'article 13 bis de la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques modifiée, lorsqu'un immeuble est situé dans le champ de visibilité d'un édifice classé ou inscrit, il ne peut faire l'objet, tant de la part des propriétaires privés que des collectivités et établissements publics, d'aucune construction nouvelle, d'aucune démolition, d'aucun déboisement, d'aucune transformation ou modification de nature à en affecter l'aspect, sans une autorisation préalable. Le permis de construire en tient lieu s'il est revêtu du visa de l'architecte de bâtiments de France ; qu'aux termes des dispositions alors en vigueur de l'article R. 421-38-4 du même code : Lorsque la construction est située dans le champ de visibilité d'un édifice classé ou inscrit, le permis de construire ne peut être délivré qu'avec l'accord de l'architecte des bâtiments de France (...) ; qu'aux termes du 3° de l'article 1er de la loi susvisé du 31 décembre 1913, dont les dispositions ont été reprises à l'article L. 621.2, puis à l'article L. 621-30-1 du code du patrimoine : Est considéré (...) comme étant situé dans le champ de visibilité d'un immeuble classé ou inscrit tout autre immeuble, nu ou bâti, visible du premier ou visible en même temps que lui et situé dans un périmètre de 500 mètres (...) ;

Considérant, d'une part, qu'il est constant que le projet de construire une maison d'habitation de M. B et Mlle A est situé dans le périmètre de 500 mètres du tympan de la porte latérale sud de l'église d'Epagny, lequel a été inscrit à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques par un arrêté du 5 mars 1970 du ministre de la culture ; qu'il est également constant que le projet n'est pas visible depuis cet immeuble protégé, lequel est situé derrière une porte ouvrant au sud, alors que le projet est situé au nord de l'église ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment des photographies produites par la commune d'Epagny elle-même, que, du fait de sa situation derrière une première porte, au dessus d'une porte ouvrant sur un bas-côté de l'église, ledit tympan n'est visible que depuis des points de vue très proches de cette première porte, dans l'hypothèse dans laquelle celle-ci est ouverte ; que, depuis ces points de vue rapprochés, le projet de M. B et Mlle A n'est plus visible, la façade sud de l'église barrant toute vue sur le nord, où se situe le terrain d'assiette de ce projet ; que, dans ces conditions, contrairement à ce que l'architecte des bâtiments de France a estimé, entachant ainsi ses avis d'irrégularité, le projet, qui n'est pas visible depuis ledit immeuble protégé, ni visible en même temps que lui, n'est pas situé dans le champ de visibilité de cet immeuble ; que, contrairement à ce que soutient la commune d'Epagny en défense, la circonstance que les pétitionnaires se soient abstenus de mettre en oeuvre les dispositions alors applicables de l'article R. 421-38-4 du code de l'urbanisme, instaurant une procédure de contestation des avis de l'architecte des bâtiments de France devant le préfet de région, ne fait pas obstacle à l'invocation de l'exception d'illégalité d'un avis émis par l'architecte des bâtiments de France à l'appui d'un recours indemnitaire ;

Considérant, d'autre part, qu'il résulte de ce qui précède que les trois avis successifs précités de l'architecte des bâtiments de France présentaient le caractère de simples avis consultatifs, que le maire de la commune d'Epagny n'était pas tenu de suivre ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment des mentions des arrêtés précités des 7 juin et 27 octobre 2005 et du 19 juin 2006, que le maire de la commune d'Epagny a refusé à deux reprises le permis demandé, puis a accordé un permis en imposant le respect des prescriptions émises par l'architecte des bâtiments de France, en raison du fait qu'il s'est estimé, à tort, lié par les avis de ce dernier ; que, ce faisant, le maire a commis une erreur de droit ; que, dès lors, les refus de permis de construire du 7 juin et du 27 octobre 2005 sont entachés d'illégalité ; que le permis de construire du 19 juin 2006 est illégal en tant qu'il impose à M. B et Mlle A le respect des prescriptions édictées par l'architecte des bâtiments de France dans son avis du 16 mai 2006 ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que la demande de permis de construire aurait pu être légalement refusée, ou que le projet aurait pu être assorti de prescriptions, si le maire avait eu conscience du fait que celui-ci n'est pas situé dans le champ de visibilité du tympan de l'église ; que les illégalité fautives précitées sont susceptibles d'ouvrir un droit à réparation aux requérants, en raison du retard apporté à leur projet et des surcoûts générés par les prescriptions auxquelles ils ont dû satisfaire en modifiant ce dernier ;

Sur le partage de responsabilité :

Considérant que la commune d'Epagny fait valoir que M. B et Mlle A n'ont pas pris toutes les précautions nécessaires et ont accepté un risque qu'ils connaissaient ; que, toutefois, dès lors que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, aucune situation de covisibilité n'existe en l'espèce, il ne peut être reproché aux pétitionnaires de ne pas avoir pris toutes les précautions nécessaires en présence d'une telle hypothèse ; que, contrairement à ce que soutient la commune, l'acte de vente du terrain a été précédé d'un certificat d'urbanisme positif, qui est mentionné dans l'acte et a été annexé à ce dernier ; que, si M. B et Mlle A n'ont pas recouru à un architecte pour déposer leur demande de permis de construire, il n'est pas contesté que celle-ci pouvait être légalement établie sans être présentée par un architecte ; que, néanmoins, après le premier refus de permis qui leur a été opposé, M. B et Mlle A, qui n'ont pas mis en oeuvre la procédure précitée prévue par l'article R. 421-38-4 alors applicable du code de l'urbanisme pour contester devant le préfet de région l'avis défavorable du 24 mai 2005 de l'architecte des bâtiments de France, ont déposé une nouvelle demande de permis de construire sans cependant se conformer à toutes les prescriptions mentionnées dans cet avis ; qu'en s'abstenant ainsi de contester ce dernier, sans pour autant satisfaire à toutes les exigences formulées par l'architecte des bâtiments de France, M. B et Mlle A ont commis une négligence qui a retardé le règlement de l'affaire ; que, dans les circonstances de l'espèce, cette négligence est de nature à exonérer, à hauteur d'un quart, la responsabilité de la commune d'Epagny ;



Sur les préjudices :

Considérant, en premier lieu, que M. B et Mlle A soutiennent que le retard apporté à leur projet à entraîné une augmentation du coût de la construction, d'un montant de 4 467 euros ; qu'à l'appui de leurs allégations, ils produisent des attestations des 17 octobre 2007 et 27 avril 2009 de la société Babeau-Seguin, avec laquelle ils ont signé un contrat de construction d'une maison ; que, toutefois, ces attestations ne comportent aucune explication précise sur les raisons de l'augmentation ainsi alléguée du coût du projet et les modalités de calcul de cette augmentation ;

Considérant, en deuxième lieu, que les requérants font valoir que les prescriptions qui leur ont été inutilement imposées ont entraîné un surcoût de la construction ; que l'attestation précitée du 27 avril 2009 détaille les augmentations de coût liées à ces prescriptions, d'un montant total de 5 127 euros ; que, la commune d'Epagny, qui ne conteste pas les éléments ainsi produits, soutient qu'une plus-value a été apportée au patrimoine des requérants et que celle-ci ne peut donner lieu à indemnisation ; qu'elle n'apporte cependant aucune précision à l'appui de ses allégations, de nature à permettre d'établir la plus-value ainsi alléguée ; que la commune d'Epagny ne peut utilement invoquer la circonstance que le projet que M. B et Mlle A avaient initialement envisagé sur le territoire de la commune de Saussy se serait révélé moins onéreux ; que, dans ces conditions, il y a lieu de retenir ladite somme de 5 127 euros ; que le partage de responsabilité précité ne doit pas être appliqué à ce chef de préjudice, la négligence imputable aux requérants ayant une incidence sur le retard apporté au projet, mais étant sans influence sur le fait que les intéressés ont dû réaliser des travaux qui n'étaient pas prévus initialement, du fait des prescriptions qui leur ont été inutilement imposées ;

Considérant, en troisième lieu, qu'un retard a été apporté au projet de M. B et Mlle A, à compter du 7 juin 2005, date du premier refus de permis de construire, à partir de laquelle, si un permis avait été délivré, ils auraient pu commencer les travaux, jusqu'au 19 juin 2006, date de délivrance du permis, à partir de laquelle ils ont effectivement pu entreprendre les travaux ; que, par suite, les requérants sont fondés à soutenir qu'ils subissent un préjudice en raison du fait qu'ils ont dû payer treize mois supplémentaires de loyer, pour le logement qu'ils occupaient à Dijon ; que, compte tenu des éléments de justification produits, en l'absence de toute contestation précise de la commune d'Epagny, il y a lieu d'évaluer ce chef de préjudice à la somme demandée de 8 838,50 euros ; que, par suite, compte tenu du partage de responsabilité précité, la somme à retenir à ce titre doit être fixée à 6 629 euros ;

Considérant, en quatrième lieu, que M. B et Mlle A soutiennent qu'en raison du renchérissement de leur projet et des frais supplémentaires de loyer, ils ont dû souscrire, en juillet 2007, un nouvel emprunt, d'un montant de 21 000 euros et d'un coût de 8 451,38 euros ; que, cependant, les requérants n'apportent aucun élément suffisant de justification pour établir que le retard apporté à leur projet et le surcoût des travaux les ont effectivement contraints à souscrire ce nouvel emprunt ;

Considérant, en cinquième lieu, que, dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation des troubles dans les conditions d'existence subis par les intéressés, résultant des difficultés auxquelles ils se sont heurtés et du retard apporté à leur projet, en évaluant ce préjudice à la somme demandée de 1 500 euros ; que, compte tenu de la part de responsabilité à la charge des requérants, la commune d'Epagny doit, à ce titre, être condamnée à leur verser la somme de 1 125 euros ;


Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune d'Epagny doit être condamnée à verser à M. B et Mlle A la somme totale de 12 881 euros ;

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

Considérant que M. B et Mlle A ont droit aux intérêts de la somme de 12 881 euros à compter de la date de la réception par la commune d'Epagny de la demande préalable d'indemnité, soit à compter du 23 novembre 2007 ; que les requérants ont présenté une demande de capitalisation des intérêts devant la Cour par mémoire enregistré le 12 juillet 2010 ; qu'à cette date, les intérêts étaient dus pour une année entière ; que les intérêts échus au 12 juillet 2010, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B et Mlle A sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande ; que, dès lors, il y a lieu d'annuler ce jugement ;

Sur l'appel en garantie dirigé contre l'Etat :

Considérant que l'architecte des bâtiments de France, placé sous l'autorité du ministre de la culture, est en l'espèce intervenu pour émettre l'avis requis par les textes applicables, et non pour participer à l'instruction de la demande de permis de construire, dans le cadre de la convention passée entre la commune d'Epagny et l'Etat, en application de l'article L. 421-2-6 du code de l'urbanisme, dont les dispositions ont été reprises à l'article L. 422-8 du même code, pour la mise à disposition des agents de l'Etat pour l'instruction des demandes d'autorisation et actes relatifs à l'occupation du sol ; que, par suite, la responsabilité de l'Etat résultant des fautes commises par l'architecte des bâtiments de France doit être engagée dans les conditions du droit commun, et non seulement en cas de refus ou de négligence d'exécuter un ordre ou une instruction du maire ;

Considérant, que, compte tenu des fautes respectives commises par l'architecte des bâtiments de France, qui a irrégulièrement estimé que le projet de M. B et Mlle A se situe dans le champ de visibilité du tympan de l'église de la commune d'Epagny, et du maire de cette dernière, qui s'est cru, à tort, lié par les avis émis par cette autorité administrative de l'Etat, il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en condamnant l'Etat à garantir ladite commune de la moitié des condamnations prononcées à l'encontre de celle-ci ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. B et Mlle A, qui ne sont pas, dans la présente instance, parties perdantes, soient condamnés à payer à la commune d'Epagny la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de cette commune le versement d'une somme globale de 1 200 euros au bénéfice des requérants sur le fondement de ces mêmes dispositions ;




DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Dijon du 6 mai 2010 est annulé.
Article 2 : La commune d'Epagny est condamnée à verser une somme de 12 881 euros à M. B et Mlle A. Cette somme portera intérêts à compter du 23 novembre 2007. Les intérêts échus à la date du 12 juillet 2010, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : L'Etat est condamné à garantir la commune d'Epagny de la moitié de la condamnation prononcée à l'encontre de celle-ci par l'article 2.
Article 4 : La commune d'Epagny versera à M. B et Mlle A une somme globale de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. Charles B et Mlle Frédérique A, à la commune d'Epagny, au ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, et au ministre de la culture et de la communication. Copie en sera adressée au préfet de la Côte d'Or."

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