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samedi 11 juin 2016

Un arrêt intéressant sur le secret du délibéré de la Cour d'Assises

"Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 et 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, 226-13 et 226-31 du code pénal, 304, 356, 358, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a condamné pénalement un juré pour violation du secret professionnel ;

" aux motifs que le complément d'information sollicité par la défense pour établir le bien fondé des anomalies du délibéré justifiant les révélations du juré à la presse ne peut être ordonné au regard du caractère illégal de la preuve recherchée ; qu'au fond, si le prévenu assume la responsabilité des révélations par voie de presse qui sont à l'origine de la présente poursuite, il fait, néanmoins, valoir différents moyens qui seraient, selon lui, absolutoires de sa culpabilité ; qu'en premier lieu, il développe la remise en cause du vote ayant abouti à la déclaration de culpabilité de l'accusé poursuivi dans le cas d'espèce ; qu'il critique ainsi les modalités du vote mais il imagine également ce qu'aurait pu être celui-ci, si son déroulement avait été conforme à ses voeux ; que ce disant, toutefois, le juré n'a pas compris le principe du délibéré et la nature des responsabilités qui étaient les siennes ; qu'il a manifestement été déstabilisé par une plaidoirie de la défense incitant au vote blanc ; que c'est donc de manière erronée qu'il se considère comme fondé à dénoncer une violation supposée par le président de la cour d'assises des articles 356 et 358 du code de procédure pénale ; que l'avocat du prévenu, qui était également celui du condamné, a vainement sollicité du garde des sceaux une enquête administrative relative à l'affaire ; que les conseils du prévenu ont encore considéré que leur client avait en fait dénoncé des violations de la loi, notamment, quant aux modalités du vote de la cour d'assises ; qu'ils s'indignent de ce que le secret absolu qui protège les délibérations serait de nature à couvrir des violations du code de procédure pénale qu'ils assimilent à des infractions ; que le fait qu'ils s'érigent ainsi en juge du délibéré – affranchis du principe du contradictoire – ne saurait davantage justifier le comportement de M. X... qui, une fois de plus, tire de son absence d'adhésion à une décision collégiale, le droit de remettre en cause des règles qu'il a juré de respecter ; que ses avocats, dont il est toujours difficile d'oublier qu'ils ont été ceux de l'accusé, vont jusqu'à considérer que le secret du délibéré n'aurait pour objet que de couvrir les turpitudes des magistrats professionnels ; qu'abstraction faite de leur conception discutable de leur propre déontologie, cet excès décrédibilise l'ensemble de leur argumentation, qui instrumentalise largement la naïveté du prévenu ; qu'ils soulignent à nouveau le caractère « contraint » du serment qu'aurait prêté ce dernier, refusant ainsi de prendre en compte la décision de la Cour de cassation qui a refusé de transmettre au Conseil constitutionnel la question relative à l'impossibilité d'une « objection de conscience » des jurés ; qu'il est intéressant de relever que cette question, qui pourrait être de principe, est immédiatement associée dans les écritures prises en faveur du prévenu, à la prohibition supposée par la présidente, dans le cas d'espèce, du vote blanc ; que cette confusion entre le général et le particulier, de même qu'entre la théorie et la pratique, relève la difficulté dialectique de la défense de M. Thierry D...qui peine à exploiter le rapport entre l'incompréhension de sa mission par celui-ci et les règles de droit remises en cause ; que la cour retiendra qu'il ressort de son propre récit que rien n'a de fait interdit à M. X... d'exprimer le vote qui lui apparaissait le meilleur ; que la violation de son serment paraît traduire sa frustration quant à la décision rendue contre son avis par la cour d'assises à la composition de laquelle il appartenait ; que cette transgression, eu égard, en regard de son expression dans la presse, est d'abord et surtout une trahison des jurés qui ont prêté le même serment que le sien et des magistrats qui l'ont recueilli ; qu'en conséquence, la décision des premiers juges sera confirmée tant en ce qui concerne sa culpabilité qu'une peine exactement appréciée ;

" 1°) alors que le serment des jurés prévu par l'article 304 du code de procédure pénale porte en substance sur la liberté et la nécessaire impartialité de leur jugement, la conservation du secret des délibérations ne venant qu'en dernier lieu ; qu'une divulgation précisément fondée sur le sentiment d'une atteinte aux exigences fondamentales du serment ne peut, sans restriction ni réserve, consommer l'infraction visée à l'article 226-13 du code pénal ; qu'en refusant au prévenu la possibilité d'établir le bien fondé de ses moyens de défense, la cour a privé son arrêt de toute base légale et méconnu les textes cités au moyen ;

" 2°) alors que l'hostilité manifestée par la cour d'appel à l'endroit tant des avocats du requérant auxquels elle a prêté un comportement anti-déontologique, que du requérant lui-même, taxé de naïveté, est elle-même étrangère à l'exigence d'impartialité requise de la part d'une juridiction de jugement " ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, du jugement qu'il confirme et des pièces de procédure qu'un quotidien national a publié, sous l'intitulé " la présidente essayait d'orienter notre vote ", le compte-rendu d'un entretien avec un journaliste dans lequel M. X..., membre du jury d'une cour d'assises statuant en appel, faisait des révélations sur le déroulement du délibéré et mettait en cause le comportement de la présidente ; qu'en particulier, il accusait celle-ci d'avoir dissuadé les jurés de voter " blanc ", d'avoir organisé un premier tour de scrutin à main-levée au cours duquel plusieurs jurés avaient exprimé leur indécision, d'avoir qualifié ce scrutin de " moment d'égarement ", et d'avoir ensuite, dans la perspective du vote à bulletin secret, incité les jurés indécis à se prononcer en faveur de la culpabilité de l'accusé ; qu'il ajoutait qu'au moment de la fixation de la peine, après que l'accusé eut été déclaré coupable, les magistrats professionnels avaient insisté pour que soit prononcée une peine ferme qui ne soit pas inférieure à celle prononcée par la cour d'assises statuant en premier ressort ; que M. X... a été poursuivi en application de l'article 226-13 du code pénal pour violation du secret du délibéré ; que le tribunal est entré en voie de condamnation ; que le prévenu et le procureur de la République ont interjeté appel de cette décision ;

Sur le moyen, pris en sa première branche :

Attendu que la défense a demandé à la cour d'ordonner un supplément d'information afin d'entendre toutes les personnes ayant participé au délibéré, ces auditions devant permettre de vérifier l'exactitude des révélations de M. X... ; que, pour rejeter cette demande, l'arrêt énonce, notamment, qu'une telle mesure d'instruction serait illégale dans la mesure où elle conduirait les magistrats et les jurés à rompre leur serment ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision sans méconnaître les dispositions légales et conventionnelles visées au moyen ;

Qu'en effet, une dérogation à l'obligation de conserver le secret des délibérations, édictée par l'article 304 du code de procédure pénale, ne saurait être admise, même à l'occasion de poursuites pour violation du secret du délibéré, sans qu'il soit porté atteinte tant à l'indépendance des juges, professionnels comme non-professionnels, qu'à l'autorité de leurs décisions ;

D'où il suit que le grief ne saurait être accueilli ;

Sur le moyen, pris en sa seconde branche :

Attendu qu'en faisant état, à propos des explications fournies par le prévenu, de sa " naïveté ", et en exprimant des réserves sur la stratégie de défense de ses avocats, la cour d'appel n'a pas employé de termes ni formulé de commentaires incompatibles avec le devoir d'impartialité ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ; 
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-cinq mai deux mille seize ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre."


L'intérêt de l'enfant est-il de porter le nom paternel ?

Selon cet arrêt l'intérêt de l'enfant n'est pas toujours de porter le nom de son père :


"Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 19 mars 2015), que, le 13 mai 2011, est née l'enfant A..., reconnue par sa mère, Mme X... ; que, le 25 août 2011, cette dernière a assigné M. Y... en établissement du lien de filiation à l'égard de l'enfant ; qu'une expertise biologique ayant conclu à la paternité de l'intéressé, un tribunal a, notamment, dit que M. Y... était le père de l'enfant, dit que l'autorité parentale serait exercée exclusivement par la mère, fixé la résidence habituelle de l'enfant au domicile de cette dernière et dit qu'elle se nommerait désormais A... X... Y... ;

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu d'adjoindre, pour l'enfant, le nom du père à celui de sa mère alors, selon le moyen :

1°/ que l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale dans toutes les décisions le concernant, notamment quand il s'agit pour une juridiction de lui attribuer un nom dans le cadre d'une action judiciaire relative à sa filiation ; qu'en refusant à A... le droit de porter le nom de son père accolé à celui de sa mère, en considération seulement du désintérêt du père pour son enfant, la cour d'appel a violé l'article 3 de la Convention internationale des droits de l'enfant du 20 novembre 1989 ;

2°/ que l'enfant a droit de préserver son identité, y compris son nom et ses relations familiales, tels qu'ils sont reconnus par la loi ; que dans ses conclusions d'appel, Mme X... faisait valoir que des liens familiaux et d'affection s'étaient noués entre A... et son grand-père paternel, M. René Y..., que son appartenance à la famille Y... faisait partie intégrante de son identité, à tel point que A... s'identifiait spontanément comme « A... X... Y... », et qu'il était de l'intérêt supérieur de l'enfant de préserver son droit à cette identité, tel qu'il existait d'ores et déjà ; qu'ayant constaté que l'intérêt de l'enfant devait s'apprécier au regard du contexte familial, la cour d'appel qui a infirmé le jugement ayant accolé le nom du père à celui de la mère, par un motif d'ordre général tiré d'un risque éventuel pour l'enfant du fait du désintérêt du père, sans s'expliquer sur la situation particulière de A... au regard de ces circonstances spécialement invoquées devant elle, a privé sa décision de base légale au regard des articles 3, 7 et 8 de la Convention internationale des droits de l'enfant du 20 novembre 1989 ;

3°/ que tout jugement doit être motivé ; que le motif hypothétique équivaut à un défaut de motif ; qu'en retenant, pour refuser à A... de porter le nom de son père accolé à celui de sa mère, le « risque de confronter en permanence l'enfant par le simple énoncé de son nom au rejet dont il est l'objet de la part d'un père qui n'entend pas s'intéresser à lui », la cour d'appel a statué par un motif hypothétique et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui ne s'est pas déterminée par un motif d'ordre général ou par un motif hypothétique, a pris en considération l'ensemble des intérêts en présence, dont celui supérieur de l'enfant, et a relevé, d'une part, que son nom n'avait pas d'incidence sur le lien de filiation, qui était judiciairement établi et n'était plus contesté, d'autre part, qu'accoler au nom de la mère celui d'un père qui n'entendait pas s'impliquer dans la vie de l'enfant et s'intéresser à lui risquait de confronter en permanence ce dernier au rejet dont il était l'objet de la part de son père ; que par ces motifs, la cour d'appel a souverainement estimé qu'au regard du contexte familial, il n'était pas de l'intérêt de l'enfant de porter le nom de son père ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze mai deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme X...

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit n'y avoir lieu à adjoindre pour l'enfant le nom du père à celui de la mère et d'avoir dit en conséquence que l'enfant se nommera A... X... ;

AUX MOTIFS QU'en application des dispositions énoncées par l'article 331 du code civil, en cas d'établissement judiciaire de paternité, la juridiction statue s'il y a lieu sur l'attribution du nom ; qu'elle peut ainsi décider soit de la substitution du nom du parent à l'égard duquel la filiation est judiciairement établie en second lieu au nom jusque-là porté par l'enfant soit de l'adjonction de l'un des noms à l'autre ; qu'en l'espèce, Mme Magali X... revendique pour l'enfant l'adjonction du nom du père au nom de la mère, Monsieur Patrick Y... s'y opposant dans l'intérêt de l'enfant dans la mesure où il n'entend pas exercer l'autorité parentale ni exercer un droit de visite et d'hébergement ; que de fait, le nom de l'enfant n'a aucune incidence sur la reconnaissance de la paternité de M. Patrick Y... qui est judiciairement établie et qui n'est au demeurant plus contestée ; qu'accoler au nom de la mère celui d'un père qui n'entend pas s'impliquer dans la vie de l'enfant, qui ne sollicite ni l'autorité parentale ni l'exercice d'un quelconque droit de visite, risque de confronter en permanence l'enfant par le simple énoncé de son nom au rejet dont il est l'objet de la part d'un père qui n'entend pas s'intéresser à lui ; que l'intérêt de l'enfant est une notion factuelle qui doit s'apprécier au regard du contexte familial ; qu'il ne saurait être considéré in abstracto que l'intérêt de l'enfant implique qu'il porte le nom de son père ; que ces considérations tendant au désintérêt du père pour l'enfant conduisent à infirmer le jugement en ce qu'il a ordonné l'adjonction du nom du père à celui de la mère, l'enfant portant ainsi le nom de sa mère qui l'a reconnu en premier ;

ALORS D'UNE PART QUE l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale dans toutes les décisions le concernant, notamment quand il s'agit pour une juridiction de lui attribuer un nom dans le cadre d'une action judiciaire relative à sa filiation ; qu'en refusant à A... le droit de porter le nom de son père accolé à celui de sa mère, en considération seulement du désintérêt du père pour son enfant, la cour d'appel a violé l'article 3 de la Convention internationale des droits de l'enfant du 20 novembre 1989 ;

ALORS D'AUTRE PART QUE l'enfant a droit de préserver son identité, y compris son nom et ses relations familiales, tels qu'ils sont reconnus par la loi ; que dans ses conclusions d'appel (p. 15), Mme X... faisait valoir que des liens familiaux et d'affection s'étaient noués entre A... et son grand-père paternel, M. René Y..., que son appartenance à la famille Y... faisait partie intégrante de son identité, à tel point que A... s'identifiait spontanément comme « A... X... Y... », et qu'il était de l'intérêt supérieur de l'enfant de préserver son droit à cette identité, tel qu'il existait d'ores et déjà ; qu'ayant constaté que l'intérêt de l'enfant devait s'apprécier au regard du contexte familial, la cour d'appel qui a infirmé le jugement ayant accolé le nom du père à celui de la mère, par un motif d'ordre général tiré d'un risque éventuel pour l'enfant du fait du désintérêt du père, sans s'expliquer sur la situation particulière de A... au regard de ces circonstances spécialement invoquées devant elle, a privé sa décision de base légale au regard des articles 3, 7 et 8 de la Convention internationale des droits de l'enfant du 20 novembre 1989 ;

ALORS ENFIN QUE tout jugement doit être motivé ; que le motif hypothétique équivaut à un défaut de motif ; qu'en retenant, pour refuser à A... de porter le nom de son père accolé à celui de sa mère, le « risque de confronter en permanence l'enfant par le simple énoncé de son nom au rejet dont il est l'objet de la part d'un père qui n'entend pas s'intéresser à lui », la cour d'appel a statué par un motif hypothétique et a violé l'article 455 du code de procédure civile."