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jeudi 9 janvier 2014

Les trois décisions citées par le Conseil d'Etat dans l'affaire Dieudonné

Le Conseil d'Etat cite et vise trois décisions dans sa décision du 9 janvier 2014 Dieudonné et ces trois décisions antérieures méritent d'être reproduites ici, tant il semble que la combinaison de ces décisions rendait à mon avis inéluctable la décision du 9 janvier 2014.


1°)  L'arrêt Benjamin :


"Vu les requêtes et les mémoires ampliatifs présentés pour le sieur Benjamin [René], homme de lettres, demeurant à Paris, 111 Boulevard Saint-Michel et pour le Syndicat d'initiative de Nevers [Nièvre] représenté par son président en exercice, lesdites requêtes et lesdits mémoires enregistrés au Secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 28 avril, 5 mai et 16 décembre 1930 tendant à ce qu'il plaise au Conseil annuler deux arrêtés du maire de Nevers en date des 24 février et 11 mars 1930 interdisant une conférence littéraire ;



Vu la requête présentée pour la Société des gens de lettres, représentée par son délégué général agissant au nom du Comité en exercice, tendant aux mêmes fins que les requêtes précédentes par les mêmes moyens ; Vu les lois des 30 juin 1881 et 28 mars 1907 ; Vu la loi du 5 avril 1884 ; Vu les lois des 7-14 octobre 1790 et 24 mai 1872 ;



Considérant que les requêtes susvisées, dirigées contre deux arrêtés du maire de Nevers interdisant deux conférences, présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour y être statué par une seule décision ;



En ce qui concerne l'intervention de la Société des gens de lettres : Considérant que la Société des gens de lettres a intérêt à l'annulation des arrêtés attaqués ; que, dès lors, son intervention est recevable ;



Sur la légalité des décisions attaquées : Considérant que, s'il incombe au maire, en vertu de l'article 97 de la loi du 5 avril 1884, de prendre les mesures qu'exige le maintien de l'ordre, il doit concilier l'exercice de ses pouvoirs avec le respect de la liberté de réunion garantie par les lois des 30 juin 1881 et 28 mars 1907 ;



Considérant que, pour interdire les conférences du sieur René Benjamin, figurant au programme de galas littéraires organisés par le Syndicat d'initiative de Nevers, et qui présentaient toutes deux le caractère de conférences publiques, le maire s'est fondé sur ce que la venue du sieur René Benjamin à Nevers était de nature à troubler l'ordre public ;



Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'éventualité de troubles, alléguée par le maire de Nevers, ne présentait pas un degré de gravité tel qu'il n'ait pu, sans interdire la conférence, maintenir l'ordre en édictant les mesures de police qu'il lui appartenait de prendre ; que, dès lors, sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen tiré du détournement de pouvoir, les requérants sont fondés à soutenir que les arrêtés attaqués sont entachés d'excès de pouvoir ;



DECIDE :

DECIDE : Article 1er : L'intervention de la Société des Gens de Lettres est admise. Article 2 : Les arrêtés susvisés du maire de Nevers sont annulés. Article 3 : La ville de Nevers remboursera au sieur René Benjamin, au Syndicat d'initiative de Nevers et à la Société des Gens de Lettres les frais de timbre par eux exposés s'élevant à 36 francs pour le sieur Benjamin et le Syndicat d'initiative et à 14 francs 40 pour la Société des Gens de Lettres, ainsi que les frais de timbre de la présente décision. Article 4 : Expédition ... Intérieur."


2°)  L'arrêt Commune Morsang sur Orge :


"Vu la requête enregistrée le 24 avril 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la commune de Morsang-sur-Orge, représentée par son maire en exercice domicilié en cette qualité en l'hôtel de ville ; la commune de Morsang-sur-Orge demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler le jugement du 25 février 1992 par lequel le tribunal administratif de Versailles a, à la demande de la société Fun Production et de M. X..., d'une part, annulé l'arrêté du 25 octobre 1991 par lequel son maire a interdit le spectacle de "lancer de nains" prévu le 25 octobre 1991 à la discothèque de l'Embassy Club, d'autre part, l'a condamnée à verser à ladite société et à M. X... la somme de 10 000 F en réparation du préjudice résultant dudit arrêté ;



2°) de condamner la société Fun Production et M. X... à lui verser la somme de 10 000 F au titre de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;



Vu les autres pièces du dossier ;



Vu le code des communes et notamment son article L. 131-2 ;



Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;



Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;



Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;



Après avoir entendu en audience publique :



- le rapport de Mlle Laigneau, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Baraduc-Bénabent, avocat de la commune de Morsang-sur-Orge et de Me Bertrand, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Frydman, Commissaire du gouvernement ;


Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :



Considérant qu'aux termes de l'article L. 131-2 du code des communes : "La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publique" ;



Considérant qu'il appartient à l'autorité investie du pouvoir de police municipale de prendre toute mesure pour prévenir une atteinte à l'ordre public ; que le respect de la dignité de la personne humaine est une des composantes de l'ordre public ; que l'autorité investie du pouvoir de police municipale peut, même en l'absence de circonstances locales particulières, interdire une attraction qui porte atteinte au respect de la dignité de la personne humaine ;



Considérant que l'attraction de "lancer de nain" consistant à faire lancer un nain par des spectateurs conduit à utiliser comme un projectile une personne affectée d'un handicap physique et présentée comme telle ; que, par son objet même, une telle attraction porte atteinte à la dignité de la personne humaine ; que l'autorité investie du pouvoir de police municipale pouvait, dès lors, l'interdire même en l'absence de circonstances locales particulières et alors même que des mesures de protection avaient été prises pour assurer la sécurité de la personne en cause et que celle-ci se prêtait librement à cette exhibition, contre rémunération ;



Considérant que, pour annuler l'arrêté du 25 octobre 1991 du maire de Morsang-sur-Orge interdisant le spectacle de "lancer de nains" prévu le même jour dans une discothèque de la ville, le tribunal administratif de Versailles s'est fondé sur le fait qu'à supposer même que le spectacle ait porté atteinte à la dignité de la personne humaine, son interdiction ne pouvait être légalement prononcée en l'absence de circonstances locales particulières ; qu'il résulte de ce qui précède qu'un tel motif est erroné en droit ;



Considérant qu'il appartient au Conseil d'Etat saisi par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par la société Fun Production et M. X... tant devant le tribunal administratif que devant le Conseil d'Etat ;



Considérant que le respect du principe de la liberté du travail et de celui de la liberté du commerce et de l'industrie ne fait pas obstacle à ce que l'autorité investie du pouvoir de police municipale interdise une activité même licite si une telle mesure est seule de nature à prévenir ou faire cesser un trouble à l'ordre public ; que tel est le cas en l'espèce, eu égard à la nature de l'attraction en cause ;



Considérant que le maire de Morsang-sur-Orge ayant fondé sa décision sur les dispositions précitées de l'article L. 131-2 du code des communes qui justifiaient, à elles seules, une mesure d'interdiction du spectacle, le moyen tiré de ce que cette décision ne pouvait trouver sa base légale ni dans l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni dans une circulaire du ministre de l'intérieur, du 27 novembre 1991, est inopérant ;


Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a prononcé l'annulation de l'arrêté du maire de Morsang-sur-Orge en date du 25 octobre 1991 et a condamné la commune de Morsang-sur-Orge à verser aux demandeurs la somme de 10 000 F ; que, par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter leurs conclusions tendant à l'augmentation du montant de cette indemnité ;
Sur les conclusions de la société Fun Production et de M. X... tendant à ce que la commune de Morsang-sur-Orge soit condamnée à une amende pour recours abusif :



Considérant que de telles conclusions ne sont pas recevables ;



Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :



Considérant qu'aux termes de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut même d'office, pour des raisons tirées de ces mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;



Considérant, d'une part, que ces dispositions font obstacle à ce que la commune de Morsang-sur-Orge, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamnée à payer à la société Fun Production et M. X... la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions au profit de la commune de Morsang-sur-Orge et de condamner M. X... à payer à cette commune la somme de 10 000 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de condamner la société Fun Production à payer à la commune de Morsang-sur-Orge la somme de 10 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;



Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Versailles du 25 février 1992 est annulé.


Article 2 : Les demandes de la société Fun Production et de M. X... présentées devant le tribunal administratif de Versailles sont rejetées.


Article 3 : L'appel incident de la société Fun Production et de M. X... est rejeté.



Article 4 : La société Fun production est condamnée à payer à la commune de Morsang-sur-Orge la somme de 10 000 F en application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.



Article 5 : Les conclusions de la société Fun-Production et de M. X... tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.


Article 6 : La présente décision sera notifiée à la commune de Morsang-sur-Orge, à la société Fun Production, à M. X... et au ministre de l'intérieur."


3°)  L'avis Hoffman-Glemane :




"Sur le rapport de la section du contentieux,
Vu, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 22 avril 2008, le jugement par lequel le tribunal administratif de Paris, avant de statuer sur la demande de Mme Madeleine Hoffman-Glemane, demeurant 31, rue Bouret, à Paris (75019), tendant à la condamnation solidaire de l'Etat et de la Société nationale des chemins de fer français à lui verser la somme de 200 000 euros en réparation du préjudice subi par son père, M. Joseph Kaplon, du fait de son arrestation, de son internement et de sa déportation, et la somme de 80 000 euros au titre du préjudice qu'elle a subi, a décidé, par application des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen les questions suivantes :
1° Compte tenu notamment :
― d'une part, de l'article 121-2 du code pénal, lequel dispose que : « Les personnes morales, à l'exclusion de l'Etat, sont responsables pénalement (...) des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants » ;
― d'autre part, de l'imprescriptibilité des actions visant à rechercher la responsabilité civile d'un agent public du fait des dommages résultant de crimes contre l'humanité et, par conséquent, de la possibilité de rechercher sans limite de temps la responsabilité de l'Etat à raison de ces mêmes dommages, dès lors que la faute personnelle dont s'est rendu coupable l'agent ne serait pas dépourvue de tout lien avec le service ;
― enfin, de la combinaison des articles 13 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Le caractère imprescriptible des crimes contre l'humanité posé par l'article 213-5 du code pénal qui s'attache à l'action pénale et à l'action civile engagée devant la juridiction répressive, selon l'arrêt de la Cour de cassation du 1er juin 1995 Touvier, peut-il être étendu, en l'absence de dispositions législatives expresses en ce sens, aux actions visant à engager la responsabilité de l'Etat à raison de faits ayant concouru à la commission de tels crimes, que cette responsabilité soit recherchée devant le juge judiciaire, dans l'hypothèse où le crime contre l'humanité constituerait une atteinte à la liberté individuelle au sens de l'article 136 du code de procédure pénale, ou devant la juridiction administrative ?
2° Dans le cas d'une réponse négative à la première question, convient-il de considérer que le point de départ de la prescription quadriennale opposée par les ministres de la défense et de l'intérieur à la demande indemnitaire de la requérante en application des lois du 29 janvier 1831 et du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat doit être fixé au début de l'exercice qui suit celui au cours duquel est né le dommage ? Ou convient-il au contraire de juger que, eu égard à la jurisprudence fixée par les arrêts des 14 juin 1946, 4 janvier et 25 juillet 1952, Ganascia, époux Giraud, et Delle Remise, et qui a prévalu jusqu'à son abandon par l'arrêt du Conseil d'Etat du 12 avril 2002, Papon, selon laquelle l'Etat ne pouvait être condamné à indemniser les conséquences des fautes de service commises par l'administration française sous l'égide du gouvernement de Vichy en application d'actes déclarés nuls à la Libération par l'ordonnance du 9 août 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine, la prescription quadriennale ne pouvait commencer à courir tant que Mme Hoffman-Glemane pouvait être regardée comme ayant légitimement ignoré l'existence de la créance qu'elle pouvait avoir sur l'Etat ? Dans cette hypothèse, faut-il considérer qu'il a été mis fin à cet état d'ignorance par la publication du décret n° 2000-657 du 13 juillet 2000 instituant une mesure de réparation pour les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites, et ce malgré les termes de l'arrêt du Conseil d'Etat du 6 avril 2001, Pelletier, ou bien, par la lecture ou la publication de l'arrêt Papon, lequel a été rendu dans le cadre particulier d'un litige de plein contentieux relatif à l'action récursoire engagée par un fonctionnaire contre l'Etat ?
3° Dans l'hypothèse où la prescription quadriennale n'aurait pas été ou ne serait pas encore acquise et où la responsabilité de l'Etat serait susceptible d'être engagée pour faute, de quels chefs de préjudice la requérante pourrait-elle obtenir réparation, que ce soit en son nom propre ou au nom de la victime dont elle est l'ayant droit ? Compte tenu du caractère en tout point exceptionnel des dommages invoqués, le principe d'une réparation symbolique peut-il être retenu ?
En cas de réponse négative à cette dernière question, y-a-t-il lieu de déduire de l'indemnisation qui pourrait être accordée les sommes versées en application, notamment, du décret n° 2000-657 du 13 juillet 2000 instituant une mesure de réparation pour les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites, du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et de l'accord conclu le 15 juillet 1960 entre la République française et la République fédérale d'Allemagne en règlement définitif des indemnisations dues aux ressortissants français ayant fait l'objet de mesures de persécutions nazies, mais également des mesures de réparation qui ont pu être allouées par l'Allemagne dans le cadre des dispositifs propres à cet Etat, dès lors que celles-ci porteraient sur le même préjudice ? »
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, notamment son Préambule ;
Vu le statut du Tribunal militaire international de Nuremberg du 8 août 1945 et le protocole signé à Berlin le 6 octobre 1945 ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble son premier protocole additionnel ;
Vu l'accord du 15 juillet 1960 entre la République française et la République fédérale d'Allemagne au sujet de l'indemnisation des ressortissants français ayant été l'objet de mesures de persécution national-socialistes ;
Vu l'accord du 18 janvier 2001 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Etats-Unis d'Amérique relatif à l'indemnisation de certaines spoliations intervenues pendant la Seconde Guerre mondiale (ensemble trois annexes et un échange de notes), ainsi que les accords sous forme d'échanges de lettres en date des 7 et 10 août 2001, 30 et 31 mai 2002, 2 février 2005 et 21 février 2006 qui l'ont interprété ou modifié ;
Vu le code pénal ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
Vu l'ordonnance du 12 novembre 1943 sur la nullité des actes de spoliation accomplis par l'ennemi ou sous son contrôle, ensemble les ordonnances du 14 novembre 1944, 21 avril 1945 et 9 juin 1945 prises pour son application ;
Vu l'ordonnance du 9 août 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental ;
Vu l'ordonnance du 16 octobre 1944 relative à la restitution par l'administration des domaines de certains biens mis sous séquestre ;
Vu l'ordonnance du 20 avril 1945 relative à la tutelle des enfants de déportés ;
Vu l'ordonnance n° 45-948 du 11 mai 1945, modifiée par l'ordonnance n° 45-2413 du 18 octobre 1945, réglant la situation des prisonniers de guerre, déportés politiques et travailleurs non volontaires rapatriés, ensemble ses décrets d'application n° 45-1105 du 30 mai 1945, n° 45-1447 du 29 juin 1945 et n° 46-1242 du 27 mai 1946 ;
Vu la loi n° 46-1117 du 20 mai 1946 portant remise en vigueur, modification et extension de la loi du 24 juin 1919 sur les réparations à accorder aux victimes civiles de guerre, ensemble son décret d'application n° 47-1249 du 7 juillet 1947 ;
Vu la loi n° 48-978 du 16 juin 1948 portant aménagements fiscaux, notamment son article 44 ;
Vu la loi n° 48-1404 du 9 septembre 1948 définissant le statut et les droits des déportés et internés politiques, ensemble son décret d'application n° 50-325 du 1er mars 1950 ;
Vu la loi n° 64-1326 du 26 décembre 1964 tendant à constater l'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité ;
Vu la loi n° 97-1269 du 30 décembre 1997 portant loi de finances pour 1998, notamment son article 106 ;
Vu la loi n° 99-1172 du 30 décembre 1999 portant loi de finances pour 2000, notamment son article 112 ;
Vu le décret n° 61-971 du 29 août 1961 portant répartition de l'indemnité prévue en application de l'accord conclu le 15 juillet 1960 entre la République française et la République fédérale d'Allemagne, en faveur des ressortissants français ayant été l'objet de mesures de persécutions national-socialistes ;
Vu le décret n° 99-778 du 10 septembre 1999 instituant une Commission pour l'indemnisation des victimes des spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation ;
Vu le décret n° 2000-657 du 13 juillet 2000 instituant une mesure de réparation pour les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites ;
Vu le décret du 26 décembre 2000 portant reconnaissance d'une fondation comme établissement d'utilité publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
― le rapport de Mme Sophie-Caroline de Margerie, conseiller d'Etat ;
― les observations de la SCP Boullez, avocat de Mme Hoffman-Glemane, et de Me Odent, avocat de la Société nationale des chemins de fer français ;
― les conclusions de M. Frédéric Lenica, rapporteur public ;
― les nouvelles observations de la SCP Boullez, avocat de Mme Hoffman Glemane, et de Me Odent, avocat de la Société nationale des chemins de fer français,
Rend l'avis suivant :





L'article L. 113-1 du code de justice administrative dispose que : « Avant de statuer sur une requête soulevant une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges, le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel peut, par une décision qui n'est susceptible d'aucun recours, transmettre le dossier de l'affaire au Conseil d'Etat, qui examine dans un délai de trois mois la question soulevée. Il est sursis à toute décision de fond jusqu'à un avis du Conseil d'Etat ou, à défaut, jusqu'à l'expiration de ce délai. »
Sur le fondement de ces dispositions, le tribunal administratif de Paris a demandé au Conseil d'Etat de donner un avis sur les conditions dans lesquelles la responsabilité de l'Etat peut être engagée du fait de la déportation de personnes victimes de persécutions antisémites durant la Seconde Guerre mondiale et sur le régime de réparation des dommages qui en ont résulté.
L'article 3 de l'ordonnance du 9 août 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental a expressément constaté la nullité de tous les actes de l'autorité de fait se disant « gouvernement de l'Etat français » qui « établissent ou appliquent une discrimination quelconque fondée sur la qualité de juif ».
Ces dispositions n'ont pu avoir pour effet de créer un régime d'irresponsabilité de la puissance publique à raison des faits ou agissements commis par les autorités et services de l'Etat dans l'application de ces actes. Tout au contraire, en sanctionnant l'illégalité manifeste de ces actes qui, en méconnaissance des droits fondamentaux de la personne humaine tels qu'ils sont consacrés par le droit public français, ont établi ou appliqué une telle discrimination, les dispositions de l'ordonnance du 9 août 1944 ont nécessairement admis que les agissements d'une exceptionnelle gravité auxquels ces actes ont donné lieu avaient le caractère d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat.
Il en résulte que cette responsabilité est engagée en raison des dommages causés par les agissements qui, ne résultant pas d'une contrainte directe de l'occupant, ont permis ou facilité la déportation à partir de la France de personnes victimes de persécutions antisémites. Il en va notamment ainsi des arrestations, internements et convoiements à destination des camps de transit, qui ont été, durant la Seconde Guerre mondiale, la première étape de la déportation de ces personnes vers des camps dans lesquels la plupart d'entre elles ont été exterminées.
En rupture absolue avec les valeurs et principes, notamment de dignité de la personne humaine, consacrés par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et par la tradition républicaine, ces persécutions antisémites ont provoqué des dommages exceptionnels et d'une gravité extrême. Alors même que, sur le territoire français, des personnes ont accompli au cours des années de guerre, fût-ce au péril de leur vie, des actes de sauvegarde et de résistance qui ont permis, dans de nombreux cas, de faire obstacle à l'application de ces persécutions, 76 000 personnes, dont 11 000 enfants, ont été déportées de France pour le seul motif qu'elles étaient regardées comme juives par la législation de l'autorité de fait se disant « gouvernement de l'Etat français » et moins de 3 000 d'entre elles sont revenues des camps.
Pour compenser les préjudices matériels et moraux subis par les victimes de la déportation et par leurs ayants droit, l'Etat a pris une série de mesures, telles que des pensions, des indemnités, des aides ou des mesures de réparation.
Il résulte ainsi des pièces versées au dossier et, notamment, des documents produits à la suite du supplément d'instruction ordonné par le Conseil d'Etat que l'ordonnance du 20 avril 1945 relative à la tutelle des enfants de déportés a organisé la tutelle, confiée en cas de besoin aux services de l'Etat, des enfants mineurs, quelle que soit leur nationalité, dont l'un des parents ou le tuteur avait été déporté de France pour des motifs politiques ou raciaux. Puis, après de premières aides prévues par l'ordonnance du 11 mai 1945 réglant la situation des prisonniers de guerre, déportés politiques et travailleurs non volontaires rapatriés, la loi du 20 mai 1946 portant remise en vigueur, modification et extension de la loi du 24 juin 1919 sur les réparations à accorder aux victimes civiles de la guerre, dont les dispositions sont désormais reprises dans le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, a étendu le régime des pensions de victimes civiles de la guerre aux personnes déportées pour des motifs politiques ou raciaux ainsi qu'à leurs ayants cause lorsqu'elles étaient décédées ou disparues. L'application de cette loi, initialement réservée aux personnes de nationalité française, a été progressivement étendue, à compter de 1947, par voie de conventions bilatérales puis de modifications législatives et, en dernier lieu, par la loi du 30 décembre 1999 portant loi de finances pour 2000, à toutes les personnes de nationalité étrangère. La loi du 9 septembre 1948 définissant le droit et le statut des déportés et internés politiques, elle aussi reprise dans le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, a prévu le versement d'un pécule aux personnes de nationalité française internées ou déportées pour des motifs autres qu'une infraction de droit commun et leur a accordé le régime de la présomption d'origine pour les maladies sans condition de délai. L'accord du 15 juillet 1960 entre la République française et la République fédérale d'Allemagne au sujet de l'indemnisation des ressortissants français ayant été l'objet de mesures de persécution national-socialistes, ainsi d'ailleurs que les autres mesures d'indemnisation et de réparation prises par cet Etat et la République d'Autriche, ont également contribué à réparer les préjudices subis. Le décret du 13 juillet 2000 instituant une mesure de réparation pour les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites a, quant à lui, prévu l'attribution d'une telle réparation, sous forme d'une indemnité en capital ou d'une rente viagère mensuelle, aux personnes mineures à l'époque des faits dont la mère ou le père a été déporté à partir de la France dans le cadre des persécutions antisémites sous l'Occupation et a trouvé la mort en déportation. Enfin, l'Etat a versé en 2000 une dotation à la Fondation pour la mémoire de la Shoah, dont l'un des objets statutaires est de contribuer au financement et à la mise en œuvre d'actions de solidarité en faveur de ceux qui ont souffert de persécutions antisémites.
Ce dispositif a par ailleurs été complété par des mesures destinées à indemniser les préjudices professionnels des personnes déportées et, en ce qui concerne leurs biens, à les restituer ou à indemniser leur spoliation. Tel est le cas, en particulier, des indemnités qui sont prises en charge par l'Etat et les institutions financières au titre de la spoliation des biens et dont le principe et le montant sont fixés sur la proposition de la Commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations intervenues du fait des législations antisémites pendant l'Occupation (CIVS), créée par le décret du 10 septembre 1999.
Prises dans leur ensemble et bien qu'elles aient procédé d'une démarche très graduelle et reposé sur des bases largement forfaitaires, ces mesures, comparables, tant par leur nature que dans leur montant, à celles adoptées par les autres Etats européens dont les autorités ont commis de semblables agissements, doivent être regardées comme ayant permis, autant qu'il a été possible, l'indemnisation, dans le respect des droits garantis par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des préjudices de toute nature causés par les actions de l'Etat qui ont concouru à la déportation.
La réparation des souffrances exceptionnelles endurées par les personnes victimes des persécutions antisémites ne pouvait toutefois se borner à des mesures d'ordre financier. Elle appelait la reconnaissance solennelle du préjudice collectivement subi par ces personnes, du rôle joué par l'Etat dans leur déportation ainsi que du souvenir que doivent à jamais laisser, dans la mémoire de la nation, leurs souffrances et celles de leurs familles. Cette reconnaissance a été accomplie par un ensemble d'actes et d'initiatives des autorités publiques françaises. Ainsi, après que le Parlement eut adopté la loi du 26 décembre 1964 tendant à constater l'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité, tels qu'ils avaient été définis par la charte du Tribunal international de Nuremberg, le Président de la République a, le 16 juillet 1995, solennellement reconnu, à l'occasion de la cérémonie commémorant la grande rafle du Vélodrome d'hiver des 16 et 17 juillet 1942, la responsabilité de l'Etat au titre des préjudices exceptionnels causés par la déportation des personnes que la législation de l'autorité de fait se disant « gouvernement de l'Etat français » avait considérées comme juives. Enfin, le décret du 26 décembre 2000 a reconnu d'utilité publique la Fondation pour la mémoire de la Shoah, afin notamment « de développer les recherches et diffuser les connaissances sur les persécutions antisémites et les atteintes aux droits de la personne humaine perpétrées durant la Seconde Guerre mondiale ainsi que sur les victimes de ces persécutions ».
Le présent avis, qui rend sans objet les questions relatives à la prescription posées par le tribunal administratif de Paris, sera publié au Journal officiel de la République française.
Il sera notifié au tribunal administratif de Paris, à Mme Madeleine Hoffman-Glemane, à la Société nationale des chemins de fer français, au Premier ministre et au ministre de la défense."

jeudi 2 janvier 2014

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Le guide complet de l’injonction de payer



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La procédure d’injonction de payer est une procédure judiciaire (théoriquement) simple de recouvrement de créance.


Elle présente cependant des pièges qui peuvent conduire, si elle est mal utilisée, à de grandes déconvenues, voire à la perte totale de la créance.


Cet article a pour objet de décrire et d’expliquer sous forme de questions-réponses la procédure. Il s’adresse aussi bien aux particuliers qu’aux professionnels qui souhaitent recouvrer eux-mêmes leur créance qu’aux professionnels du droit désireux de parfaire ses connaissances.


Les aspects pratiques sont privilégiés, le but étant de permettre à chacun de maîtriser cette procédure.


Pour aller plus loin et illustrer le sujet, plusieurs décisions judiciaires sont reproduites intégralement en annexe.