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jeudi 9 mai 2013

Vente en viager et droit d'usage et d'habitation

Il faut tenir compte de la valeur du droit d'usage et d'habitation pour déterminer s'il y a lésion dans le cadre d'une vente en viager :



"Attendu, selon les arrêts attaqués (Angers, 7 mai 2007 et 16 novembre 2010), que par promesse synallagmatique du 8 juin 2002, Mme Y... a vendu à M. Z..., par l'entremise de la société Nantes conseil immobilier, un appartement moyennant le versement d'un bouquet de 34 550 euros et le service d'une rente viagère annuelle de 4 200 euros avec indexation plafonnée à 3 %, la venderesse se réservant un droit d'usage et d'habitation limité au 30 juin 2020 et supportant les grosses réparations jusqu'au 30 juin 2007 ; que par acte authentique du 24 septembre 2002 reçu par M. X..., notaire, la vente a été réitérée avec la société civile immobilière Les Enfants d'abord (la SCI) qui s'était substituée au bénéficiaire de la promesse de vente ; que le 5 août 2003, Mme Y... a assigné M. Z..., la SCI, M. X... et la société Nantes conseil immobilier pour obtenir sa rescision pour lésion ;

Sur le premier moyen :

Vu l'article 1675 du code civil ;

Attendu que pour savoir s'il y a lésion de plus des sept douzièmes, il faut estimer l'immeuble suivant son état et sa valeur au moment de la vente ;

Attendu que pour constater que l'acte de vente du 24 septembre 2002 était rescindable pour lésion, l'arrêt retient que le prix de vente résultant de l'addition du bouquet et du capital représentatif de la rente réelle était inférieur à la valeur marchande de l'appartement occupé et présentait un quotient de lésion de 0,336, que la quotité de lésion de la rente était de 0,256,et que la quotité de lésion cumulée de 0,592 était supérieure au quotient de lésion des 7/12èmes qui est de 0,583 ;

Qu'en statuant ainsi, sans déduire du prix de vente la valeur du droit d'usage et d'habitation, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens :

REJETTE le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt rendu le 7 mai 2007 par la cour d'appel d'Angers ;

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 novembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers, autrement composée ;

Condamne Mme Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix octobre deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Le Bret-Desaché, avocat aux Conseils, pour M. Z... et la SCI Les Enfants d'abord


PREMIER MOYEN DE CASSATION :

- PRIS DE CE QUE l'arrêt attaqué (16 novembre 2010) a constaté que l'acte de vente moyennant rente viagère conclu le 24 septembre 2002 était rescindable pour lésion, a débouté la SCI LES ENFANTS D'ABORD et Maître Z... de leur demande d'expertise visant à déterminer le complément du juste prix, a fixé ce complément à la somme de 166.024 € augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation en rescision, outre capitalisation dans les conditions de l'article 1154 du Code Civil, et dit qu'il pourra être payé pour partie au comptant et pour partie par incorporation au capital représentatif de la rente, dans une proportion à déterminer entre les parties, si la SCI devait opter pour la conservation du bien dans les conditions de l'article 1682 du Code Civil ;

- AUX MOTIFS QUE, si les ventes aléatoires consenties avec réserve d'un droit d'usage et d'habitation ne sont pas en principe rescindables pour lésion, il en est autrement lorsque l'examen des conditions de la vente révèlent l'absence d'aléa à la charge de l'acquéreur ; qu'il en est ainsi, notamment, lorsque la rente servie au crédirentier en complément du bouquet est inférieure aux charges d'entretien de l'immeuble que le contrat laisse à sa charge, la vileté du prix payé résultant alors de l'absence de complément de prix réel ; qu'il ressort du rapport du collège d'experts que l'appartement vendu par Thérèse Y... dépend d'un immeuble en copropriété situé dans le centre ville de Nantes ; qu'il se compose de cinq pièces, offrant une superficie réelle de 137,10 m2 et une hauteur sous plafond de 3,77 m, d'un grenier de 10 m2 sous les combles et d'une place de stationnement dans la cour intérieure ; que les experts ont fixé la valeur vénale de ces biens immobiliers à 1.351,82 € par m2 correspondant à la moyenne des prix de sept autres appartements de même taille, qualité et situation, vendus dans le courant de l'année 2002 ; que ce prix moyen appliqué à la surface habitable de l'appartement, soit 136,53 m2, a permis de faire ressortir sa valeur vénale au jour de la vente à 184.500 € libre d'occupation et 147.600 € occupé, après l'abattement usuel de 20 % ; que les experts en ont conclu que le prix de 98.000 € fixé dans l'acte de vente, résultant du bouquet (34.550 €) et du capital constitutif de la rente (63.450 €) était d'un montant très inférieur à la valeur réelle de l'immeuble ; que si ce capital constitutif, déterminé pour le calcul des droits de mutation, ne reflète qu'imparfaitement la réalité du prix que l'acquéreur aura à payer compte tenu de l'aléa s'attachant à la rente viagère, il est l'indice d'une sous-estimation globale de l'immeuble vendu ; qu'en réponse à un dire de Thérèse Y..., le collège d'experts a précisé que la valeur vénale de cet immeuble était de l'ordre de 330.000 € correspondant au prix d'un appartement de qualité équivalente, mais de surface moindre, vendu le 30 mai 2008 ; que les experts, répondant au deuxième point de leur mission, ont calculé les charges de copropriété et les taxes foncières mises à la charge de Thérèse Y... par le contrat de vente, déduction faite des charges strictement locatives ; qu'ils ont ensuite estimé que la valeur de la propriété acquise par le débirentier, amputée de sa valeur d'usage pendant une durée indéterminée, s'établissait à une somme en capital de 40.486 €, après imputation du bouquet ; qu'ils ont converti ce capital en rente viagère au taux de 3 % d'indexation, en appliquant un taux de conversion de 7, 33 % pour une femme de 66 ans ayant une espérance de vie de 17 ans, ce qui leur a permis de fixer un montant théorique de la rente viagère due pour l'acquisition d'un tel bien à 2.968 € valeur 2002 ; que les experts ont alors constaté qu'après déduction des charges de copropriété (hors charges locatives) et des taxes foncières mises à la charge de Thérèse Y... dans des conditions dérogeant au droit commun de ce type de vente, le montant réel de la rente payée entre le 24 septembre 2002 et le 20 juin 2007, date du transfert des charges de grosses réparations au débirentier, avait été de 2.542,36 € en moyenne, soit un montant inférieur au 425,64 € l'an à celui de la rente théorique ; que les experts ont également souligné que le capital représentatif de la rente consentie à Thérèse Y..., soit 63.450 €, était lui très inférieur à la valeur capitalisée du droit d'usage et d'habitation qui peut être arrêtée, d'après une valeur locative annuelle de 12.000 € et une valeur capitalisée de 1 € dans 17 ans au taux de 8 % l'an (9,122 €), à la somme de 109.464 € ; qu'en conclusion, il ressort des données techniques fournies par les experts que le prix de vente estimé pour le calcul des droits de mutation et résultant de l'addition du bouquet et du capital représentatif de la rente réelle est inférieur de (147.600 – 98.000) 49.600 € à la valeur marchande de l'appartement occupé, ce qui représente une quotité de lésion de 49.600/147.600eme soit un quotient de 0,336 ; qu'il en ressort également que la rente réelle liquidée sur la base de ce prix sous-estimé et perçue entre 2002 et 2007, après déduction des charges de copropriété et taxe foncière, est inférieure au montant de la rente théorique, constituant le complément de prix réel ; qu'il convient d'observer, sur la vileté de la rente, que Denis Z... et la SCI admettent qu'il en résultera, pour Thérèse Y..., jusqu'au 23 septembre 2020, un manque à gagner de 8.922,64 € - à euro constant – pour en déduire que cette somme ne correspond qu'à 4,8 € de la valeur du bien lors de la vente ; qu'or, la quotité de lésion inhérente à la rente s'apprécie non par rapport à la valeur de l'appartement libre de toute occupation (184.500 €) comme les intimés la calculent, mais par rapport au complément de prix réel, c'est-à-dire au capital représentatif de la rente théorique (40.486 €) ; que, de plus, les intimés font état d'un manque à gagner à euro constant alors qu'il faut avoir égard, pour mesurer l'incidence de la vileté de la rente sur la quotité de lésion, à la valeur capitalisée de ce manque à gagner dans 17 ans, qui constitue à la fois le terme du droit d'usage et d'habitation de la crédirentière et la durée probable de sa survie ; qu'eu égard au taux de capitalisation retenu par les experts pour déterminer la valeur du droit d'usage et d'habitation, qui était de 9,122 pour un taux d'intérêt de 8 %, celui de la rente dont l'indice est limité à 3 %, celui applicable à la rente peut être arrêté à (9,122 x 3/8ème) 3, 420, soit une valeur capitalisée de (425,64 x 3,420) 1.455,68 € ; que cette somme porte le manque à gagner subi par Thérèse Y... à un total de (8.922, 64 + 1.455, 68) 10.378, 32 € ; que la quotité de lésion pour la rente ressort alors à (10.378/40.488ème) 0,256 ; que la quotité de lésion est alors de 0, 592, ce qui est supérieur au quotient de 7/12ème, qui est de 0, 583 ; que, de plus, le déséquilibre économique et l'absence d'aléa stigmatisés par le collège d'experts qui, dans son rapport définitif, a conclu que la rente viagère versée par le débirentier depuis l'origine ne couvrait pas les charges d'entretien et taxes imposés à Thérèse Y... pour continuer à vivre dans l'appartement, sont encore accentués par l'effet de la clause exorbitante du droit commun consistant à faire financer par le vendeur les grosses réparations décidées par l'assemblée générale des copropriétaires jusqu'au 30 juin 2007 ; que cette clause revêt un caractère potestatif en ce qu'elle permet à l'acquéreur de faire financer par son vendeur les grosses réparations qu'il a seul qualité à voter en assemblée générale des copropriétaires ; que, contrairement à ce qu'a retenu le collège d'experts, la quote-part des travaux décidés lors de la séance du 26 juin 2007 – comprenant la remise en conformité de l'ascenseur pour un coût HT de 19.750 € - incombera à Thérèse Y... dès lors qu'il s'agit de grosses réparations votées avant le 30 juin 2007 ; qu'il n'importe que Denis Z... ou la SCI n'en réclament pas le remboursement à Thérèse Y... dès lors qu'il s'agit d'apprécier l'équilibre intrinsèque d'une vente comportant une telle clause, exorbitante du droit commun et qui excède même les obligations d'un usufruitier ; que l'analyse globale des conditions de cette vente démontre son caractère lésionnaire de plus des 7/12ème au travers un montage juridique complexe que le notaire instrumentaire, Maître X..., dénonçait en ces termes (sa lettre au notaire de Denis Z..., datée du 4 septembre 2002) : « Monsieur Z... avait, dès l'origine, l'intention claire de signer un acte qui lui soit plus que favorable, c'est-à-dire contenant des clauses totalement contraires aux usages, au détriment de Mme Y... qui, dans cette négociation, n'avait pas les mêmes armes pour mener un combat équitable. Prise dans l'étau financier dans lequel le Crédit Mutuel l'avait placée, Mme Y... n'était sans doute pas de taille à lutter contre tant d'ingéniosité juridique et financière » ; que la Cour dispose, en cet état, d'éléments suffisants pour admettre la lésion ;

- ALORS, D'UNE PART, QUE, si une vente consentie avec réserve du droit d'usage et d'habitation présente en principe un caractère aléatoire, il en est autrement lorsque l'examen des conditions de la vente révèle l'absence de contrepartie effective et donc d'aléa à la charge de l'acquéreur ; que, pour apprécier le caractère dérisoire ou non de la contrepartie, les juges doivent prendre en compte l'ensemble des éléments qui la constituent, que sont le prix versé en capital, la capitalisation de la rente et la valeur du droit d'usage et d'habitation ; qu'en jugeant que l'absence d'aléa est établi lorsque la rente servie au crédirentier en complément du bouquet est inférieure aux charges d'entretien de l'immeuble que le contrat laisse à sa charge, dans la mesure où la vileté du prix résulte alors de l'absence de complément réel, sans considération pour la valeur du droit d'usage et d'habitation, la Cour d'Appel a violé l'article 1674 du Code Civil ;

- ALORS, D'AUTRE PART, QU'en constatant que la valeur capitalisée du droit d'usage et d'habitation avait été arrêtée par les experts à la somme de 109.464 € et que ces derniers avaient souligné que le capital représentatif de la rente était très inférieur à cette valeur, la Cour d'Appel s'est prononcée par des motifs inopérants pour justifier l'absence d'aléa quand elle devait, pour cela, additionner ces deux valeurs, violant derechef l'article 1674 du Code Civil ;

- ALORS, ENCORE, QUE, pour savoir s'il y a lésion de plus de sept douzième, il faut estimer l'immeuble suivant son état et sa valeur au moment de la vente ; que la valeur du droit d'usage et d'habitation doit être prise en compte pour l'appréciation de l'existence de la lésion ; que la Cour d'Appel, pour calculer la quotité de lésion, a pris en l'occurrence en compte la valeur marchande de l'appartement occupé, en appliquant un abattement usuel de 20 % à la valeur de l'appartement libre d'occupation pour retenir le montant de 147.600 €, montant dont elle a déduit le prix de la vente estimé pour le calcul des droits de mutation résultant de l'addition du bouquet et du capital représentatif de la rente réelle ; qu'en procédant ainsi, par une confusion entre la valeur de l'appartement occupé, c'est-à-dire amputée de 20 %, et la valeur de l'appartement amputée de la valeur capitalisée du droit d'usage et d'habitation sur la durée contractuellement prévue, soit 109.464 €, la Cour d'Appel a violé l'article 1675 du Code Civil ;

- ET ALORS, ENFIN, QUE, pour conclure à l'existence d'une lésion de plus des sept douzièmes, la Cour d'Appel a procédé à un cumul d'une quotité de lésion sur le prix de vente et d'une quotité de lésion sur la rente, additionnant ainsi deux valeurs ne permettant pas de rendre compte, ensemble, des conditions de la vente ; qu'en se déterminant ainsi, quand la lésion de plus des sept douzièmes doit ressortir d'une analyse globale des conditions de la vente, la Cour d'Appel a violé, encore, l'article 1675 du Code Civil.


DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

- PRIS DE CE QUE l'arrêt attaqué (16 novembre 2010) a constaté que l'acte de vente moyennant rente viagère conclu le 24 septembre 2002 était rescindable pour lésion, a débouté la SCI LES ENFANTS D'ABORD et Maître Z... de leur demande d'expertise visant à déterminer le complément du juste prix, a fixé ce complément à la somme de 166.024 € augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation en rescision, outre capitalisation dans les conditions de l'article 1154 du Code Civil, et dit qu'il pourra être payé pour partie au comptant et pour partie par incorporation au capital représentatif de la rente, dans une proportion à déterminer entre les parties, si la SCI devait opter pour la conservation du bien dans les conditions de l'article 1682 du Code Civil ;

- AUX MOTIFS QUE, sans opter clairement pour la conservation du bien vendu et le versement du complément du juste prix, la SCI LES ENFANTS D'ABORD demande la mise en oeuvre d'une nouvelle expertise afin de faire estimer ce complément en fonction de la valeur actuelle de l'appartement que les experts n'auraient pas fournie ; que le collège d'experts, que la Cour avait omis de missionner sur ce point, a néanmoins fixé la somme actualisée de l'appartement, en réponse à un dire de Thérèse Y..., à la somme de 330.000 € ; que la Cour est donc en mesure d'estimer le complément du juste prix en application de l'article 1681 du Code Civil, selon les modalités suivantes : 1° valeur actualisée de l'immeuble : 330.000 € ; 2° quotité de la lésion correspondant à la quotité non payée par l'acquéreur lors de la vente hors valeur du droit d'usage et d'habitation, soit une quotité sur le prix estimé de 0,336 et sur la rente de 0,256, soit une quotité de lésion cumulée de 0,592 ; 3° supplément de prix actualisé de 330.000 x 0,92 = 195.360 € ; 4° à minorer de 10 % du prix total (prix convenu + supplément de prix) soit (98.000 + 195.360 x 10 %) 29.336 ; 5° soit un complément de prix de (195.360 – 39.336) 166.024 € ; qu'il n'y a dès lors pas lieu à nouvelle expertise pour fixer le supplément de prix que la SCI LES ENFANTS D'ABORD aura à verser si elle souhaite opter pour la conservation de l'appartement dans les conditions de l'article 1682 du Code Civil ; qu'elle devra alors verser à Thérèse Y... la somme de 166.024 € assortie des intérêt au taux légal à compter de l'assignation en rescision, le 5 août 2003, avec capitalisation dans les conditions de l'article 1154 du Code Civil ; que cette somme pourra être payée pour partie au comptant et pour partie par augmentation du capital représentatif de la rente dans la proportion à déterminer entre les parties à la vente ; que, dans l'hypothèse où la SCI n'opterait pas pour la conservation de l'appartement, elle sera tenue d'en restituer la propriété à Thérèse Y... en l'état où le bien se trouve actuellement, à charge pour celle-ci de restituer le bouquet et les arrérages de rente perçus, augmentés des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt en l'absence de demande formalisée dans les conditions de l'article 1682, alinéa 3, du Code Civil ;

- ALORS, D'UNE PART, QUE le supplément de prix que doit payer l'acheteur pour conserver le bien doit correspondre à la valeur réelle de celui-ci à l'époque où doit intervenir ce règlement complémentaire ; qu'en reconnaissant que le collège d'experts n'avait pas été missionné sur ce point mais en considérant qu'il avait néanmoins fixé la valeur actualisée de l'appartement à la somme de 330.000 €, tout en constatant que cette valeur « était de l'ordre de 330.000 €, correspondant au prix d'un appartement de qualité équivalente mais de surface moindre vendu le 30 mai 2008 », la Cour d'Appel, qui ne s'est pas fondée sur la valeur réelle de l'appartement en cause évaluée à l'époque où le supplément de prix devait être calculé, a violé l'article 1681 du Code Civil ;

- ALORS, D'AUTRE PART, QU'en calculant le supplément de prix en fonction d'une quotité de lésion résultant de l'addition de deux valeurs, à savoir la quotité de lésion sur le prix de vente et la quotité de lésion SUR la rente, qui ne rendent pas compte, ensemble, des conditions de la vente, la Cour d'Appel a violé l'article 1681 du Code Civil ;

- ET ALORS, ENFIN, QUE l'intérêt du prix payé par l'acquéreur, lorsque la chose est rendue, lui est compté du jour de la demande en rescision ou du jour du paiement s'il n'a touché aucun fruit ; qu'en fixant le point de départ des intérêts au taux légal sur le montant du bouquet et des arrérages de rente perçus à restituer par la venderesse à compter de son arrêt, motif pris que l'acquéreur n'avait pas formalisé de demande dans les conditions de l'article 1682, alinéa 3, du Code Civil, la Cour d'Appel a violé la disposition susvisée en ajoutant une condition qu'elle ne comporte pas.


TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

- PRIS DE CE QUE l'arrêt attaqué (16 novembre 2010) a condamné Maître Z..., la SCI LES ENFANTS D'ABORD et la Société NANTES CONSEIL IMMOBILIER à payer à Madame Y... la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral né de la conclusion d'une vente lésionnaire, au cas où la SCI opterait pour la conservation du bien et, au cas où la SCI opterait pour la rescision de la vente, elle a fixé le montant des dommages et intérêts à la somme de 70.000 € en réparation des préjudices moral et financiers subis par la crédirentière ;

- AUX MOTIFS QUE l'agence a manqué à ses devoirs d'information et de conseil envers sa mandante en acceptant de négocier et de rédiger un acte sous seing privé à des conditions manifestement défavorables à sa cliente qui, privée du bénéfice d'un droit d'usage et d'habitation viager, se trouvait en outre contrainte de supporter pendant 5 ans les grosses réparations de copropriété et jusqu'à son décès les risques d'une érosion de sa rente en cas d'inflation ou de non paiement des arrérages de cette rente qu'elle renonçait à faire sanctionner par une clause résolutoire de plein droit ; que ces conditions abusives engagent également la responsabilité de Denis Z... et de la SCI qu'il s'est substitué, sur le fondement de l'article 1134 du Code Civil ; qu'en effet, le premier a fait preuve de déloyauté envers Thérèse Y... en usant de l'ingéniosité juridique et financière que lui donnait sa qualité d'avocat pour « signer un acte qui lui soit plus que favorable, c'est-à-dire contenant des clauses totalement contraires aux usages, au détriment de Mme Y... qui, dans cette négociation, n'avait pas les mêmes armes pour mener un combat équitable » pour reprendre les termes de Maître X... ; que, sur le préjudice, le versement du supplément de prix ne fera pas disparaître le préjudice moral infligé à Thérèse Y... qui, depuis 2002, nourrit le sentiment d'avoir été abusée par des professionnels peu scrupuleux pendant une période financièrement difficile et craint d'être expulsée de son lieu de vie habituel si elle venait à vivre plus de 84 ans ; que ce préjudice moral justifie l'octroi d'une indemnité réparatrice qui ne saurait être inférieure à la somme de 10.000 € dans l'hypothèse où la SCI conserverait l'immeuble ; que si la SCI n'optait pour le versement du complément du juste prix, ce préjudice moral se doublera d'un préjudice économique constitué par la privation, pendant 8 ans, des avantages financiers et de la sécurité durable que Thérèse Y... était en droit d'attendre, pour sa fin de vie, d'une rente en viager de son appartement, ce qui portera l'indemnité réparatrice à 70.000 € ; que Denis Z... et la SCI LES ENFANTS D'ABORD répondront in solidum de ces condamnations indemnitaires avec l'agence immobilière qui n'y sera tenue que dans la limite du préjudice moral, soit 10.000 € ;

- ALORS, D'UNE PART, QUE la liberté contractuelle autorise une partie à négocier un contrat au mieux de ses intérêts, fût-ce à des conditions défavorables à son cocontractant dès lors que ce dernier l'a accepté et que son consentement n'est pas vicié par une erreur, un dol ou par la violence ;
qu'en retenant que les conditions manifestement défavorables à Madame Y... dans lesquelles l'acte de vente avait été conclu engageaient la responsabilité de Monsieur Z..., qui avait usé à cet effet de l'ingéniosité juridique et financière que lui donnait sa qualité d'avocat, et de la SCI LES ENFANTS D'ABORD qu'il s'était substitué, quand elle ne constatait pas que le consentement de la venderesse avait été d'une quelconque manière vicié, ni que Monsieur Z... et/ou la SCI LES ENFANTS D'ABORD avaient fait un usage déloyal d'une prérogative juridique, la Cour d'Appel a violé l'article 1382 du Code Civil ;

- ALORS, D'AUTRE PART, QU'il n'y a pas faute pour une partie à profiter d'un acte conclu à des conditions favorables, et désavantageuses pour son cocontractant qui l'a néanmoins librement accepté ; qu'en retenant la responsabilité de la SCI LES ENFANTS D'ABORD que Monsieur Z... s'était substituée dans l'acte de vente, sans relever une quelconque déloyauté de sa part, ni même qu'elle avait connaissance du caractère lésionnaire de l'acte, la Cour d'Appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code Civil ;

- ALORS, DE TROISIEME PART, QUE ne caractérise pas un préjudice moral réparable le préjudice constitué, d'un côté, par le sentiment qu'une partie a pu nourrir d'avoir été abusée par des professionnels peu scrupuleux pendant une période financièrement difficile, quand ce sentiment a été éprouvé pendant l'instance judiciaire destinée à établir le caractère prétendument lésionnaire de la vente et la faute éventuelle de l'acquéreur pour l'avoir conclue à des conditions abusives et, de l'autre, par la crainte de la crédirentière d'être expulsée de son lieu de vie habituel si elle venait à vivre au-delà de 84 ans, quand celle-ci avait accepté la clause, qui n'est pas en soi illicite, fixant le maintien du droit d'usage et d'habitation du bien vendu pour une durée de 18 ans ; qu'en retenant l'existence d'un préjudice moral justifiant l'octroi d'une indemnité de 10.000 €, la Cour d'Appel a violé l'article 1382 du Code Civil ;

- ET ALORS, ENFIN, QU'ayant imputé à faute à Monsieur Z... et à la SCI LES ENFANTS D'ABORD la conclusion de l'acte, non en raison de la lésion le rendant rescindable mais à raison des conditions abusives qu'il comportait pour Madame Y... – privée d'un droit d'usage et d'habitation viager, tenue de supporter pendant cinq les grosses réparations de copropriété et ayant renoncé à faire sanctionner le non-paiement des arrérages de la rente par une clause résolutoire – la Cour d'Appel a réparé un préjudice sans lien de causalité avec cette faute, consistant en la privation pendant huit ans des avantages financiers et de la sécurité durable que Madame Y... était en droit d'attendre, pour sa fin de vie, d'une vente en viager de son appartement ; qu'en condamnant in solidum Monsieur Z... et la SCI LES ENFANTS D'ABORD à indemniser ce préjudice économique au cas où cette dernière n'opterait pas pour le versement du complément du juste prix et où la vente serait en conséquence rescindée, la Cour d'Appel a violé l'article 1382 du Code."

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