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mercredi 8 mai 2013

Motivation de l'avis du commissaire enquêteur et permis de construire des éoliennes

L'avis du commissaire enquêteur n'était pas suffisamment motivé et l’autorisation d'implanter des éoliennes est annulée :



"Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 28 août 2012, complété par des mémoires en date des 10 janvier et 24 janvier 2013, présentée pour la société Eiden - Etudes Ingénierie Développement Energies SAS, représentée par son directeur, ayant son siège social 2 rue du Pratel à Morhange (57340), par la société d'avocats Huglo Lepage et associés conseil ;


La société Eiden demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900150-0900512 en date du 29 juin 2012 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé, à la demande de l'association Reva et autres, l'arrêté en date du 19 août 2008 par lequel le préfet de la Moselle a accordé à la société Eiden un permis de construire un parc de six éoliennes, ensemble la décision du 5 décembre 2008 portant rejet de leur recours gracieux ;

2°) de rejeter la demande de l'association Reva et autres ;

3°) de mettre à la charge de l'association Reva, M.P..., M.G..., M. O..., MmeH..., M.D..., MmeE..., M. K...et M. I...la somme de 250 euros chacun au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que les signatures manuscrites des membres de la formation de jugement ne figurent pas sur la décision ;

- c'est à tort que les premiers juges ont retenu le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 123-22 du code de l'environnement dès lors que le commissaire enquêteur doit formuler un avis et expliquer les raisons qui déterminent son sens, ce qu'il a fait, mais n'a pas à répondre à l'ensemble des observations du public ;

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que les dispositions de l'article R. 122-3 du code de l'environnement relatives à l'étude d'impact avaient été méconnues, car la circonstance qu'une pisciculture existe à moins de 300 mètres du parc éolien projeté ne peut suffire à caractériser une insuffisance de l'étude d'impact ; les installations de la ferme piscicole ne constituent pas un bâtiment d'habitation et par suite l'omission de la mention d'un bâtiment qui n'est pas à usage d'habitation ne peut suffire à entacher d'insuffisance l'analyse de l'état initial du site ;

- l'auteur de la décision était compétent ;

- les auteurs de la décision litigieuse n'ont pas commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions des articles R. 111-2, R. 11-3, R. 111-21 du code de l'urbanisme, sur l'atteinte aux chiroptères ;

- la décision litigieuse n'avait pas à reprendre in extenso les prescriptions ou les réserves émises par les services consultés lors de l'instruction ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 novembre 2012, complété par un mémoire en date du 31 décembre 2012, présenté pour l'association Reva, ayant son siège social 23 rue du Château à Vahl les Benestroff (57670), M. L...P..., demeurant..., M. C...G..., demeurant..., M. F...O..., demeurant..., Mme M...H..., demeurant..., M. Q...D...demeurant..., Mme R...E...demeurant ...et M. B...K..., demeurant..., par Me Brand, avocat ;

Ils concluent au rejet de la requête et à mettre à la charge de la société Eiden SAS la somme 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative;

Ils soutiennent que :

- le rapport du commissaire enquêteur est insuffisant : il ne contient pas les courriers et documents adressés au commissaire enquêteur et la partie 1.4 figurant au sommaire intitulée " analyse des observations " n'existe pas ; il n'a été procédé à aucun examen des observations recueillies ; le commissaire enquêteur n'a pas inventorié le nombre de personnes favorables et défavorables au projet ; le commissaire enquêteur n'a pas été impartial ;

- les conclusions du commissaire enquêteur ne sont pas motivées et sont un condensé de l'étude d'impact, alors qu'il doit réaliser une synthèse, donner son avis personnel sur le projet, procéder à un examen de l'état des lieux et du contexte local, ainsi que des inconvénients qui résulteraient de la réalisation du parc d'éoliennes ;

- l'article R. 122-3 du code de l'environnement a été méconnu, car l'étude d'impact ne mentionne pas l'existence de la " pisciculture du Kuhweg ", située à 240 mètres du projet ;

- le société Eiden n'avait pas qualité pour demander le permis de construire en méconnaissance de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme ;

- le dossier de demande de permis de construire est irrégulier car aucune pièce ne précise les modalités selon lesquelles les bâtiments ou ouvrages seront raccordés aux réseaux publics pour évacuer l'électricité produite, et le plan masse ne fournit aucune indication sur l'emplacement et les caractéristiques de la servitude de passage existant ; le dossier ne comporte pas de document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet par rapport aux constructions avoisinantes ; les deux photos destinées à situer le terrain dans ses environnements proche et lointain n'ont pas été produites ; les points et angles de prises de vue n'ont pas été reportés sur le plan masse ;

- le dossier soumis pour avis aux administrations n'était pas complet ;

- l'étude d'impact n'est pas sincère ;

- l'étude d'impact est insuffisante : elle est entachée d'imprécision sur la distance séparant le parc éolien des premières habitations ; l'étude phonique est insuffisante ; le poste de livraison, les lignes électriques, l'effet stroboscopique, la zone Natura 2000, l'avifaune n'ont pas été pris en compte ; l'étude d'impact est muette sur le balisage imposé par la direction de l'aviation civile Nord Est sur le fondement de l'instruction du 16 novembre 2000 ;

- l'enquête publique est irrégulière à raison de l'irrégularité du dossier d'enquête publique (absence de mention des textes applicables, absence des avis des administrations consultées), de l'irrégularité du déroulement de l'enquête publique (absence de registre à la sous-préfecture de Château-Salins) ;

- la décision portant permis de construire a été délivrée par une autorité incompétente ;

- la décision litigieuse méconnaît l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme en ce qui concerne les atteintes à la salubrité et sécurité publiques (risque de rupture de mâts et de projection de pales, risque d'incendie) ;

- la décision litigieuse méconnaît l'article R. 111-3 du code de l'urbanisme à raison de la gravité des nuisances sonores ;

- la décision litigieuse méconnaît l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme car le projet porte atteinte au site de Montdidier ;

- la décision litigieuse porte atteinte aux chiroptères ;

- la décision litigieuse est irrégulière dès lors que les prescriptions des administrations ne sont pas reprises dans l'arrêté de permis de construire ;

- les réserves posées par la DDAF dans son avis n'ont pas été levées par le pétitionnaire ;

Vu le mémoire, en date du 10 janvier 2013, présenté pour M. N...I...et Mme J...A..., domiciliés ensemble 2 rue Principale à Saint Louis les Bitche (57620), par Me Roth, avocat ;

Ils concluent au rejet de la requête et de mettre à la charge de la société Eiden SAS la somme 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que :

- le jugement comporte l'ensemble des mentions prescrites par l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;

- les dispositions de l'article R. 123-22 du code de l'environnement ont été méconnues, ainsi que l'ont jugé à juste titre les premiers juges ;

- l'étude d'impact ne fait pas mention de l'existence de la ferme piscicole, en méconnaissance de l'article R. 122-3 du code de l'environnement ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 février 2013 :

- le rapport de Mme Steinmetz-Schies, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Ghisu-Deparis, rapporteur public,

- et les observations de Me Berthelon, avocat de la société Eiden, ainsi que celles de Me Brand, avocat de l'association Reva et autres, et de M.I... ;

Sur la régularité du jugement attaqué:

1. Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. " ; qu'il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement contesté comporte les signatures requises par cet article ; que le moyen tiré de l'irrégularité du jugement manque donc en fait et doit être rejeté;

Sur la légalité de l'arrêté du 19 août 2008 :

2. Considérant que, pour annuler l'arrêté en date du 19 août 2008 par lequel le préfet de la Moselle a accordé à la société Eiden un permis de construire un parc de six éoliennes, ensemble la décision du 5 décembre 2008 portant rejet de leur recours gracieux, le Tribunal administratif de Strasbourg s'est fondé, d'une part, sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 123-22 du code de l'environnement, d'autre part, sur le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article R. 122-3 du code de l'environnement relatives à l'étude d'impact avaient été méconnues ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme issu de l'article 37 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 : " Lorsqu'elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d'urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se prononce sur l'ensemble des moyens de la requête qu'elle estime susceptibles de fonder l'annulation ou la suspension, en l'état du dossier " ; qu'en vertu de ces dispositions il appartient au juge d'appel, saisi d'un jugement par lequel un tribunal administratif a prononcé l'annulation d'un permis de construire en retenant plusieurs moyens, de se prononcer sur le bien-fondé de tous les moyens d'annulation retenus au soutien de leur décision par les premiers juges et d'apprécier si l'un au moins de ces moyens justifie la solution d'annulation ; que, dans ce cas, le juge d'appel n'a pas à examiner les autres moyens de première instance ; que dans le cas où il estime en revanche qu'aucun des moyens retenus par le Tribunal administratif n'est fondé, le juge d'appel, saisi par l'effet dévolutif des autres moyens de première instance, examine ces moyens ; qu'il lui appartient de les écarter si aucun d'entre eux n'est fondé et, à l'inverse, en application des dispositions précitées de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, de se prononcer, si un ou plusieurs d'entre eux lui paraissent fondés, sur l'ensemble de ceux qu'il estime, en l'état du dossier, de nature à confirmer, par d'autres motifs, l'annulation prononcée par les premiers juges ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article R. 123-22 du code de l'environnement : " (...) Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête établit un rapport qui relate le déroulement de l'enquête et examine les observations recueillies. Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête consigne, dans un document séparé, ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables ou non à l'opération (...) " ; que si le commissaire enquêteur n'est pas, en principe, tenu de répondre à chacune des observations formulées durant l'enquête publique, il lui appartient en revanche d'analyser lesdites observations et de motiver de façon suffisante son avis ; qu'il ressort des pièces du dossier que le commissaire enquêteur, en se bornant à plusieurs reprises, dans son rapport, à renvoyer au dossier élaboré par le maître d'ouvrage en réponse aux objections émises lors de l'enquête publique, dont il s'est approprié la teneur et qu'il a joint en annexe de son rapport, sans indiquer les motifs qui l'avaient conduit à écarter les nombreuses observations relevées, dont certaines étaient très argumentées, qui avaient été formulées au cours de l'enquête publique relative à l'implantation de six éoliennes sur le territoire de la commune de Vahl les Benestroff, et qui portaient notamment sur la destruction du paysage, la fuite de la faune, le départ de la population du village, la sauvegarde de la qualité de vie, l'implantation tardive du mât de mesure du vent, la pollution visuelle et sonore, le respect du patrimoine (table d'orientation de Montdidier), la proximité d'habitations, la fuite du gibier, n'a pas examiné, en se bornant à les énumérer de manière purement comptable, les observations ainsi formulées lors de l'enquête publique ; que, d'autre part, en se limitant à des considérations générales et peu circonstanciées sur les risques liés aux éoliennes dans la partie de son rapport contenant ses conclusions et en procédant à nouveau à un renvoi au dossier élaboré par le maître d'ouvrage, le commissaire enquêteur n'a pas assorti son avis favorable à l'opération projetée de conclusions suffisamment motivées ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que les dispositions précitées de l'article R. 123-22 du code de l'environnement avaient été méconnues et ont, pour ce motif, annulé l'arrêté, en date du 19 août 2008 par lequel le préfet de la Moselle a accordé à la société Eiden un permis de construire un parc de six éoliennes, ensemble la décision du 5 décembre 2008 portant rejet de leur recours gracieux ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article R. 122-3 du code de l'environnement : " I. - Le contenu de l'étude d'impact doit être en relation avec l'importance des travaux et aménagements projetés et avec leurs incidences prévisibles sur l'environnement. / II. - L'étude d'impact présente successivement : 1° Une analyse de l'état initial du site et de son environnement, portant notamment sur les richesses naturelles et les espaces naturels agricoles, forestiers, maritimes ou de loisirs, affectés par les aménagements ou ouvrages (...) " ; qu'il ressort des pièces du dossier, et plus particulièrement de l'étude générale d'impact établie par la société Eiden, " partie 6.1 état initial du site et son environnement, 6.1.5 " caractéristiques humaines et territoriales ", qu'il est noté comme lieux habités, entre autres, le village de Vahl les Benestroff, avec l'éolienne 1 comme étant la plus proche, et pour dernière habitation la plus proche 676 mètres, et qu'en " ce qui concerne les autres lieux habités situés à proximité des éoliennes, il ne sera pas nécessaire d'y réaliser des mesures de bruit car il s'agit de deux fermes (la Waldhouse à Vahl les Benestroff et la ferme Koperhof à Fracaltroff) " ; qu'il est ainsi constant que l'exploitation piscicole située au lieudit Kuhweg, distante d'environ 240 mètres de l'éolienne n°1 projetée, n'est pas mentionnée dans l'étude d'impact ; que si l'omission de la mention d'un bâtiment ne peut suffire à entacher d'insuffisance l'analyse de l'état initial du site, analyse qui doit être en relation avec l'importance des travaux et aménagements projetés ainsi que leurs incidences prévisibles sur l'environnement, il ressort des pièces du dossier que l'exploitation en cause, constituée d'un immeuble d'habitation occupé pour les besoins de l'exploitation, alors même que le permis de construire y afférent n'a été délivré que postérieurement à la décision litigieuse, et d'un local agricole ayant fait l'objet d'un permis de construire en 2007, est fréquentée par son exploitant, M. I..., le personnel saisonnier, les clients et visiteurs, et en particulier les groupes scolaires, alors que, comme il a été dit ci-dessus, l'étude d'impact a considéré qu'au droit de la commune de Vahl les Benestroff, l'habitation le plus proche était située à plus de 600 mètres, et que l'étude acoustique réalisée par le pétitionnaire n'a pas pris en compte la présence de cette exploitation ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que les dispositions précitées de l'article R. 122-3 du code de l'environnement avaient été méconnues et ont, pour ce motif, annulé l'arrêté, en date du 19 août 2008 ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que la société Eiden n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement n° 0900150-0900512 en date du 29 juin 2012, le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé, à la demande de l'association Reva et autres requérants, l'arrêté en date du 19 août 2008 par lequel le préfet de la Moselle lui a accordé un permis de construire un parc de six éoliennes, ensemble la décision du 5 décembre 2008 portant rejet de leur recours gracieux ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, il y a lieu, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de la société Eiden, d'une part, le paiement à l'association Reva, M. L...P..., M. C...G..., M. F...O..., Mme M...H..., M. Q...D..., Mme R...E..., M. B...K..., pris solidairement, d'une somme de 1 500 euros au titre des frais que ceux-ci ont exposés et non compris dans les dépens, et d'autre part, le paiement à M. I... d'une somme de 750 euros au même titre ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Eiden est rejetée.

Article 2 : La société Eiden versera, d'une part, à l'association Reva, M. L...P..., M. C...G..., M. F...O..., Mme M...H..., M. Q...D..., Mme R...E...et M. B...K..., pris solidairement, une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros), d'autre part, à M.I..., une somme de 750 euros (sept cent cinquante euros) au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Eiden, à l'association Reva, à M. L... P..., M. C...G..., M. F...O..., Mme M...H..., M. Q... D..., Mme R...E..., M. B...K..., M. N...I...et au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie."

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