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mercredi 1 mai 2013

Garanties procédurales et fermeture administrative d'une boite de nuit

Voici une décision qui annule la décision de fermeture administrative d'une discothèque, au motif que les dispositions procédurales protectrices des droits de la société intéressée m'ont pas été respectées :



"Vu la requête, enregistrée le 21 novembre 2011, présentée pour la société BMC, dont le siège est au 3, rue Cale de Crucy à Nantes (44100), représentée par son gérant en exercice, par Me de Beauregard, avocat au barreau de Paris ; La société BMC demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 11-4472 du 23 septembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à ce que soit annulé l'arrêté du 2 mai 2011 du préfet de Loire-Atlantique prononçant la fermeture administrative de la discothèque "Le Calysto" pour une durée de six mois ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances, et notamment son article 23 ;
Vu la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011, et notamment son article 70 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 octobre 2012 :

- le rapport de Mme Tiger, premier conseiller,

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 novembre 2012 :

- les conclusions de M. Martin, rapporteur public ;

- et les observations de Me Halgand, substituant Me Plateaux, avocat du préfet de la Loire-Atlantique ;




1. Considérant que la société BMC relève appel du jugement du 23 septembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 mai 2011 du préfet de la Loire-Atlantique portant fermeture administrative pour une durée de six mois de la discothèque " Le Calysto ", située à Nantes ;

Sur la recevabilité de l'intervention en appel du syndicat national des discothèques et lieux de loisirs :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 632-1 du code de justice administrative : "L'intervention est formée par mémoire distinct.(...)" ; que le syndicat national des discothèques et lieux de loisirs a déclaré intervenir à l'instance en s'associant à la requête introduite par la société BMC, mais sans présenter de mémoire distinct ; que son intervention ne peut, par suite, être admise ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. Considérant que si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie ; que l'application de ce principe n'est pas exclue en cas d'omission d'une procédure obligatoire, à condition qu'une telle omission n'ait pas pour effet d'affecter la compétence de l'auteur de l'acte ; qu'il appartient au juge administratif d'écarter, le cas échéant de lui-même, un moyen tiré d'un vice de procédure qui, au regard de ce principe, ne lui paraît pas de nature à entacher d'illégalité la décision contestée ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique : "1. La fermeture des débits de boissons et des restaurants peut être ordonnée par le représentant de l'Etat dans le département pour une durée n'excédant pas six mois, à la suite d'infractions aux lois et règlements relatifs à ces établissements. / Cette fermeture doit être précédée d'un avertissement qui peut, le cas échéant, s'y substituer, lorsque les faits susceptibles de justifier cette fermeture résultent d'une défaillance exceptionnelle de l'exploitant ou à laquelle il lui est aisé de remédier. / 2. En cas d'atteinte à l'ordre public, à la santé, à la tranquillité ou à la moralité publique, la fermeture peut être ordonnée par le représentant de l'Etat dans le département pour une durée n'excédant pas deux mois. Le représentant de l'Etat dans le département peut réduire la durée de cette fermeture lorsque l'exploitant s'engage à suivre la formation donnant lieu à la délivrance d'un permis d'exploitation visé à l'article L. 3332-1-1. (...) 5. Les mesures prises en application du présent article sont soumises aux dispositions de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ainsi qu'aux dispositions de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations." ;

5. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que lorsque le préfet envisage d'ordonner la fermeture administrative d'un débit de boissons à la suite d'infractions aux lois et règlements relatifs à ces établissements, il doit préalablement en avertir l'établissement ; qu'il est constant que pour prendre l'arrêté contesté, l'autorité administrative s'est fondée à la fois sur la commission d'une infraction aux lois et règlements relatifs aux débits de boissons et sur une atteinte à l'ordre public ; qu'en tant qu'il sanctionne des faits susceptibles de recevoir une qualification pénale, l'arrêté du 2 mai 2011 devait être précédé d'un avertissement ; qu'il ressort des pièces du dossier que par un courrier du 15 octobre 2007, l'autorité administrative a informé la société BMC que suite à l'infraction de service d'alcool à une personne jusqu'à l'ivresse commise par cet établissement dans la nuit du 12 au 13 avril 2007, une sanction administrative était envisagée à son encontre sous la forme d'un avertissement ou d'une fermeture administrative ; que par un second courrier du 7 novembre 2007, le préfet de la Loire-Atlantique a informé la société BMC qu'un avertissement lui était infligé ; que cet avertissement s'étant alors substitué à la sanction de fermeture administrative qui avait été envisagée par le préfet le 15 octobre 2007, il ne pouvait valoir avertissement préalable permettant au préfet de la Loire-Atlantique de prendre la sanction du 2 mai 2011 de fermeture administrative pour une durée de six mois de la discothèque " Le Calysto ", sur le fondement du 1° de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique ; que le préfet ne peut utilement se prévaloir du fait qu'en 2008, le même exploitant a déjà fait l'objet d'une fermeture administrative d'un mois pour service d'alcool à une personne manifestement ivre, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier et notamment des termes mêmes de l'arrêté du 17 juin 2008, que le préfet a entendu se fonder sur le 2° de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique et non sur le 1° ; que, par suite, l'arrêté contesté a été pris au terme d'une procédure irrégulière ;

6. Considérant qu'il résulte des travaux préparatoires à l'article 23 de la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 que l'introduction de la règle de l'avertissement préalable au 1° de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique a pour but de renforcer les garanties juridiques offertes aux exploitants de débits de boissons ; qu'en l'espèce, l'absence d'avertissement préalable a privé la société BMC d'une garantie procédurale ; que, par suite, la méconnaissance d'une telle formalité substantielle est de nature à entacher d'irrégularité l'arrêté contesté du 2 mai 2011 ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la société BMC est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;


Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société BMC, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que le préfet de la Loire-Atlantique demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société BMC et non compris dans les dépens ;



DÉCIDE :


Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes n° 11-4472 du 23 septembre 2011 et l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique du 2 mai 2011 sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à la société BMC la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions de l'Etat tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société BMC et au ministre de l'intérieur.
Une copie sera transmise au préfet de la Loire-Atlantique."

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