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vendredi 16 août 2013

Qui peut prétendre être un concurrent évincé ?

Cet arrêt définit le concurrent évincé de façon large comme : " tout requérant qui aurait eu intérêt à conclure le contrat, alors même qu'il n'aurait pas présenté sa candidature, qu'il n'aurait pas été admis à présenter une offre ou qu'il aurait présenté une offre inappropriée, irrégulière ou inacceptable"

"Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 31 mai 2012, présentée pour M. E... B..., domicilié... ;



M. B... demande à la Cour :



1°) d'annuler le jugement n° 1101197 du 29 mars 2012 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délégation de service public du casino de Saint-Honoré-les-Bains, conclue le 24 septembre 2010 pour 20 ans entre la commune de Saint-Honoré-les-Bains et la société du casino de Saint-Honoré-les-Bains, et à la condamnation de la commune à lui verser une indemnité de 670 317 euros en réparation de son préjudice ;



2°) d'annuler cette délégation de service public ;



3°) de condamner la commune de Saint-Honoré-les-Bains à lui verser une indemnité de 670 317 euros;



3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Honoré-les-Bains une somme de 35 euros au titre de l'article R. 761-1 du code de justice administrative et une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du même code ;



M. B... soutient que contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal sa demande n'était pas irrecevable ; qu'en effet il résulte de la jurisprudence et notamment d'un avis contentieux du Conseil d'Etat du 11 avril 2012 que la qualité de concurrent évincé est reconnue à tout requérant qui aurait eu intérêt à conclure le contrat alors même qu'il n'aurait pas présenté sa candidature ; qu'il a déjà à plusieurs reprises été candidat en matière de délégation de casino et s'était montré particulièrement intéressé par l'exploitation du casino de Saint-Honoré-les-Bains comme en témoignent son courrier de 2003 et les courriels adressés en 2010 au groupe Partouche, actuel délégataire ; que son objectif était de créer avec son neveu, propriétaire et directeur de société, une société dont il aurait été le gérant et pour laquelle il aurait disposé des fonds nécessaires ; qu'il a été dissuadé de présenter sa candidature par le taux de redevance annoncé par la publicité de mise en concurrence comme allant de 9 à 15 % du produit brut des jeux, sans être inférieur à 9 % ; qu'il avait bien qualité pour être candidat dès lors que l'article 3 de la loi du 15 juin 1907 et les articles 6 et 12 de l'arrêté du ministre de l'intérieur du 14 mai 2007 envisagent qu'un casino puisse être géré par une personne physique ; que la convention de délégation de service public au bénéfice de la société du casino de Saint-Honoré-les-Bains est illégale ; qu'en effet la commission d'appel d'offres était irrégulièrement composée dès lors, d'une part que cinq personnes ont voté au lieu des quatre prévues par l'article L. 1411-5 du code général des collectivités territoriales et, d'autre part qu'aucun conseiller de l'opposition n'y siégeait en méconnaissance de l'article D. 1411-3 ; que la déclaration d'infructuosité de l'appel d'offre relève du détournement de procédure dès lors qu'elle visait à engager une négociation avec la société sortante sur la base d'une redevance de 6 % et non plus de 9 % au moins ; qu'il a subi un préjudice de 670 317 euros ;



Vu le jugement attaqué ;



Vu le mémoire en défense, enregistré le 1er octobre 2012, présenté pour la commune de Saint-Honoré-les-Bains qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de M. B... à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que par l'avis invoqué, le Conseil d'Etat n'a pas entendu permettre à des tiers au contrat d'en contester la validité en invoquant un hypothétique intérêt à conclure le contrat contesté ; que la notion de concurrent évincé suppose au moins une activité ou un secteur d'activité comparable à celui du candidat retenu ; que les échanges de courriers et de courriels et l'attestation produits par M. B... ne suffisent pas à établir son intérêt certain, au mois de mai 2010, pour l'exploitation du casino ; que c'est dès lors à bon droit que les premiers juges ont estimé qu'il n'apportait aucun élément justifiant qu'il aurait pu être candidat et donc concurrent évincé ; que si seulement trois conseillers municipaux auraient dû siéger avec le maire à la commission d'ouverture des plis, la présence d'un conseiller supplémentaire, au demeurant régulièrement élu comme membre de la commission, ne saurait entacher d'irrégularité l'avis de cette instance dès lors qu'elle n'a pas exercé d'influence sur le sens de la décision ; que l'absence de conseiller de l'opposition était normale dès lors qu'une seule liste s'était présentée pour l'élection des membres de la commission ; que la procédure d'infructuosité n'est pas entachée de détournement de procédure dès lors que la société du casino qui était seule candidate, n'a ensuite pas présenté d'offre ; que le préjudice invoqué n'est pas établi ;



Vu le mémoire, enregistré le 9 janvier 2013, présenté pour M. B... qui, par les mêmes moyens, conclut aux mêmes fins que précédemment ;



Vu le mémoire, enregistré le 15 avril 2013 présenté pour la société du casino de Saint-Honoré-les-Bains qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de M. B... à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que la demande de M. B...est irrecevable en l'absence d'intérêt à agir ; qu'en effet la précédente candidature qu'il invoque pour l'exploitation du casino de Bourbon l'Archambault a été rejetée au motif d'un dossier incomplet ; qu'il n'a même pas fait acte de candidature à la présente délégation ; qu'il lui aurait été impossible de la conclure dès lors qu'un casino doit être exploité par une société dédiée ; que si M. B...critique la délégation de service public au motif qu'elle comporte des dispositions financières différentes de celles envisagées initialement, il n'a toutefois formé aucune critique de la procédure qui, après avoir été déclarée infructueuse, s'est, conformément aux dispositions légales, poursuivie par une négociation de gré à gré ;



Vu le nouveau mémoire, enregistré le 15 avril 2013 présenté pour la commune de Saint-Honoré-les-Bains qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ; elle fait en outre valoir que M. B...n'établit pas qu'il aurait pu valablement être candidat au regard des exigences requises par l'avis d'appel public à la concurrence ; qu'il ne produit notamment pas d'extrait d'inscription au registre du commerce et des sociétés, ou équivalent, alors que l'exploitation d'un casino ne peut légalement être assumée par une personne physique, ni ne justifie de référence quant à sa capacité économique et financière ; que, la liste conduite par l'actuel maire ayant été intégralement élue dès le 1er tour, c'est en toute logique que les membres de la commission d'appel d'offres ont ensuite été élus à l'unanimité ;



Vu les autres pièces du dossier ;



Vu le code des marchés publics ;



Vu le code général des collectivités territoriales ;



Vu la loi du 15 juin 1907 modifiée réglementant le jeu dans les cercles et les casinos des stations balnéaires, thermales ou climatiques ;



Vu la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques ;



Vu le décret n° 59-1489 du 22 décembre 1959 portant réglementation des jeux dans les casinos des stations balnéaires, thermales et climatiques ;



Vu l'arrêté du 14 mai 2007 relatif à la réglementation des jeux dans les casinos ;



Vu le code de justice administrative ;



Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;



Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 avril 2013 :



- le rapport de M. Dursapt,



- les conclusions de Mme Vinet, rapporteur public,



- et les observations de Me A..., représentant M. B..., et de Me D..., représentant la commune de Saint-Honoré-les-Bains ;





1. Considérant que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation de la délégation de service public du casino de Saint-Honoré-les-Bains, conclue le 24 septembre 2010 pour 20 ans entre la commune de Saint-Honoré-les-Bains et la société du casino de Saint-Honoré-les-Bains, et à la condamnation de la commune à lui verser une indemnité de 670 317 euros ;



2. Considérant que pour rejeter cette demande comme irrecevable, le Tribunal a estimé que M.B..., qui n'avait pas été candidat à l'attribution de la délégation de service public objet du présent litige et qui n'apportait aucun élément justifiant qu'il aurait pu l'être, ne pouvait être regardé comme un concurrent évincé de l'attribution de cette délégation de service public ;



3. Considérant qu'a la qualité de concurrent évincé tout requérant qui aurait eu intérêt à conclure le contrat, alors même qu'il n'aurait pas présenté sa candidature, qu'il n'aurait pas été admis à présenter une offre ou qu'il aurait présenté une offre inappropriée, irrégulière ou inacceptable ; 



4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 3 de loi du 15 juin 1907 susvisée alors en vigueur : " Tout casino autorisé, qu'il soit ou non organisé en société, aura un directeur et un comité de direction responsables. / (...) " ; qu'aux termes de l'article 6 de l'arrêté susvisé du 14 mai 2007 : " Demandes d'ouverture d'un casino et demandes d'autorisation ou de renouvellement d'autorisation de jeux après adoption d'un nouveau cahier des charges. / (...) / Le dossier comprend les pièces suivantes, en double exemplaire : / (...) / 8° (...) En cas de personne physique demanderesse, une fiche d'état civil accompagnée d'une notice biographique et d'un extrait K ; / (...) " ; qu'aux termes de l'article 12 du même arrêté : " (...) / II. - Si l'établissement de jeux n'est pas exploité par une société, la personne à qui a été accordée l'autorisation de jeux remplit les fonctions de directeur responsable. Elle doit s'adjoindre comme membres du comité de direction au moins trois personnes. / (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que, contrairement à ce que soutiennent la commune et la société du casino de Saint-Honoré-les-bains, une personne physique peut se voir confier l'exploitation d'un casino ;



5. Considérant, en second lieu, que la commune de Saint-Honoré-les-Bains fait valoir que M. B...qui n'a pas déposé de candidature à l'attribution de la délégation de service public du casino de Saint-Honoré-les-Bains, n'établit pas qu'il aurait pu être valablement candidat au regard des exigences exprimées dans l'avis d'appel à la concurrence et ne justifie ni de références quant à sa capacité économique et financière, ni exercer dans un secteur d'activité comparable à celui du candidat retenu ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que M.B..., qui a été président de l'office du tourisme de la commune, avait en 1997, 1998 et 2000, présenté des candidatures en vue de l'exploitation d'autres casinos dont deux avaient passé le stade de l'admission ; qu'en mars 2003 et novembre 2010 il a adressé des correspondances au groupe Partouche par lesquelles il se déclarait acquéreur potentiel de petits casinos notamment en Bourgogne ; qu'ainsi et alors que la reconnaissance de la qualité de concurrent évincé ne requiert pas, comme il est rappelé au point 3 ci-dessus, que l'intéressé ait déposé sa candidature et que son offre soit appropriée ou acceptable, M. B...justifie qu'il aurait eu intérêt à conclure le contrat en litige ; qu'il devait par suite être regardé comme ayant la qualité de concurrent évincé ; que sa demande devant le Tribunal administratif était dès lors recevable ;



6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté ses conclusions comme irrecevables ; que le jugement est, par suite, irrégulier et doit être annulé ;





Sur les dépens :



7. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent la contribution pour l'aide juridique prévue à l'article 1635 bis Q du code général des impôts, ainsi que les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. L'Etat peut être condamné aux dépens. " ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Saint-Honoré-les-Bains la somme de 35 euros acquittée par M. B...au titre de la contribution pour l'aide juridique, dans le cadre de la procédure d'appel ;





Sur les frais non compris dans les dépens :



8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Saint-Honoré-les-Bains une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B... ;



10. Considérant que les dispositions précitées font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie tenue aux dépens, une somme quelconque au titre des frais exposés par la commune de Saint-Honoré-les-Bains ;





DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1101197 du 29 mars 2012 du Tribunal administratif de Dijon est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le Tribunal administratif de Dijon.

Article 3 : La commune de Saint-Honoré-les-Bains versera à M. B..., une somme de 35 euros au titre de l'article R. 761-1 du code de justice administrative et une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du même code.

Article 4 : Les conclusions de la commune de Saint-Honoré-les-Bains au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B..., à la commune de Saint-Honoré-les-Bains et à la Société du casino de Saint-Honoré-les-Bains.

Délibéré après l'audience du 25 avril 2013, où siégeaient :

- M. du Besset, président de chambre,

- M. Dursapt et MmeC..., premiers conseillers,

Lu en audience publique, le 16 mai 2013."

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