Cet arrêt juge que la cautionnement donné pour un bail dérogatoire ne s'étend pas au bail commercial qui peut le suivre :
"Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 février 2011), que par acte du 9 décembre 2002, la SCI Saint Germain 65 (la SCI) a donné à bail de 24 mois à Mme X... et à la société Cash 26 des locaux commerciaux, Mme X..., Mme Y... épouse Z... et MM. Y... et Z... se portant cautions solidaires et conjointes par acte séparé du même jour ; que les locaux n'ont pas été libérés à l'issue du bail ; que par acte des 7 et 8 juin 2007, Mme X... et la société Cash 26 ont délivré congé pour le 8 décembre 2007 et que la SCI les a assignées, ainsi que les cautions, en paiement d'un arriéré locatif ;
Sur le second moyen :
Attendu que la SCI fait grief l'arrêt de rejeter ses demandes formées contre les cautions, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en se portant cautions solidaires des sommes dues au titre du bail de deux ans conclu le 9 décembre 2002, des cessions éventuelles de ce bail avec l'accord de la bailleresse ainsi qu'au titre du renouvellement exprès ou tacite dudit bail et des conventions d'occupation qui lui succéderaient, les cautions se sont clairement engagées non seulement à la garantie des sommes dues par les preneurs en vertu du bail dérogatoire dont la durée était limitée à 24 mois, mais aussi à la garantie des sommes dues au titre d'un éventuel nouveau bail soumis au statut des baux commerciaux pouvant résulter du maintien des preneurs dans les lieux après l'expiration du bail dérogatoire ; qu'en limitant l'engagement des cautions au paiement des sommes dues par les preneurs au titre du seul bail dérogatoire, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 2292 (article 2015 ancien) du code civil ;
2°/ que l'aveu exige de la part de son auteur une manifestation non équivoque de sa volonté de reconnaître pour vrai un fait de nature à produire contre lui des conséquences juridiques ; que le seul fait de joindre au projet de bail commercial qu'elle avait en son temps adressé aux preneurs, un projet d'acte de cautionnement, ne peut caractériser un aveu non équivoque de la bailleresse quant à la limitation du cautionnement initial au bail dérogatoire ; que ce comportement manifeste au contraire la volonté de la bailleresse de formaliser un bail et un cautionnement d'ores et déjà nés ; qu'ainsi, l'arrêt attaqué a violé l'article 1354 du code civil ;
3°/ que la déclaration d'une partie ne peut être retenue contre elle comme constituant un aveu que si elle porte sur des points de fait et non sur des points de droit ; que l'étendue d'un acte de cautionnement constitue une question de droit ; qu'en opposant à la SCI Saint-Germain 65 son aveu prétendu de la nécessité de recueillir à nouveau l'engagement des cautions au titre du bail qui s'est formé à l'issue du bail dérogatoire, la cour d'appel a violé l'article 1354 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que l'acte de cautionnement visait en caractères gras le bail du 9 décembre 2002 et les cessions éventuelles de ce bail avec l'accord de la bailleresse ainsi que le renouvellement exprès ou tacite dudit bail et les conventions d'occupation qui lui succéderaient, la cour d'appel, par une interprétation de cet acte exclusive de dénaturation et abstraction faite de motifs surabondants, a pu déduire du défaut de mention expresse de ce que le cautionnement s'étendait au bail commercial susceptible de faire suite au bail dérogatoire au statut et du fait que les cautions, non professionnelles du droit, n'étaient pas nécessairement informées de ce qu'à l'issue du bail du 9 décembre 2002 un bail commercial d'une durée de neuf ans se substituait au bail dérogatoire en cas de maintien dans les lieux du preneur sans opposition de la bailleresse, sans possibilité donc d'un nouveau bail de courte durée, l'absence de volonté claire et non équivoque des cautions d'étendre leurs engagements à ce bail commercial de neuf ans ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen :
Vu l'article L. 145-5, alinéas 1 et de 2, du code de commerce, dans leur rédaction applicable à l'espèce, ensemble l'article L. 145-1 du même code ;
Attendu que les parties peuvent, lors de l'entrée dans les lieux du preneur, déroger aux dispositions du statut des baux commerciaux à la condition que le bail soit conclu pour une durée au plus égale à deux ans; que si, à l'expiration de cette durée, le preneur reste et est laissé en possession, il s'opère un nouveau bail dont l'effet est réglé par les dispositions de ce statut ;
Attendu que pour rejeter les demandes en paiement de la SCI dirigées contre Mme X... en sa qualité de preneur au bail commercial de neuf ans qui a fait suite au bail dérogatoire, l'arrêt retient que celle-ci, en tant que signataire en son nom personnel d'un bail dérogatoire au statut lui conférant la possibilité d'exploiter dans les lieux en son nom personnel une activité commerciale, a bien eu la qualité de locataire à ce bail dérogatoire, que toutefois à l'expiration dudit bail elle ne pouvait, dès lors que s'opérait, dans le cas de maintien sans opposition du bailleur, un bail soumis au statut exigeant l'exploitation par le preneur d'un fonds lui appartenant dans les lieux, conserver cette qualité qu'à la condition d'exploiter personnellement et effectivement un fonds dans les lieux loués, que tel n'a pas été le cas, le fonds exploité étant le fonds de la société Cash 26 dont elle était seulement la gérante, qu'elle n'avait donc pas la jouissance personnelle des lieux loués et qu'elle ne peut en conséquence être considérée comme copreneur au bail commercial ayant fait suite au bail dérogatoire ;
Qu'en statuant ainsi, alors que tous les cotitulaires du bail dérogatoire qui se maintiennent dans les locaux dans lesquels un fonds de commerce est exploité sont liés par le bail soumis au statut qui naît de la loi, qu'ils soient ou non personnellement exploitants du fonds, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé les textes sus-visés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que Mme X... n'avait pas la qualité de preneur au bail commercial de neuf ans ayant fait suite au bail dérogatoire, et débouté en conséquence, la SCI Saint-Germain 65 de sa demande en paiement des arriérés afférents à ce bail dirigée contre celle-ci, l'arrêt rendu, entre les parties, le 2 février 2011 par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la SCI Saint-Germain 65 ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mai deux mille treize.MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Saint-Germain 65.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que Mme X... n'a pas la qualité de preneur au bail commercial de 9 ans qui a fait suite au bail dérogatoire, et d'avoir débouté en conséquence la SCI Saint Germain de sa demande en paiement des arriérés afférents à ce bail dirigée contre celle-ci;
Aux motifs gue Mme X... en tant que signataire en son nom personnel d'un bail dérogatoire au statut des baux commerciaux lui conférant la possibilité d'exploiter dans les lieux en son nom personnel une activité commerciale, a bien eu, ce qu'elle ne conteste d'ailleurs pas, la qualité de locataire à ce bail dérogatoire; que toutefois à l'expiration dudit bail elle ne pouvait, dès lors que s'opérait dans le cas de maintien sans opposition du bailleur, un bail soumis au statut des baux commerciaux exigeant l'exploitation par le preneur d'un fonds lui appartenant dans les lieux, conserver cette qualité qu'à la condition d'exploiter personnellement et effectivement un fonds dans les lieux loués; que tel n'a pas été le cas, le fonds exploité étant le fonds de la société Cash 26 dont elle était seulement la gérante; qu'elle ne peut donc être considérée comme copreneur au bail commercial ayant fait suite au bail dérogatoire; que d'ailleurs la concernée qui n'avait pas la jouissance personnelle des lieux loués, bien qu'ayant notifié congé en son nom personnel en même temps que la société Cash26 à l'issue de la première période triennale, ne se reconnaissait pas véritablement comme locataire, puisqu'elle déclarait, lors de la remise de l'exemplaire des clefs en sa possession (et qu'elle détenait en sa qualité de gérante de la société Cash 26) « avoir satisfait à toutes les obligations de l'éventuel locataire qu'elle était» ;
Alors gue si à l'expiration du délai de deux ans du bail dérogatoire conclu, le preneur reste et est laissé en possession, il s'opère un nouveau bail soumis au statut des baux commerciaux; qu'il en va ainsi à l'égard de tous les copreneurs, cotitulaires du bail dérogatoire, dès lors qu'ils se maintiennent dans les lieux et que les locaux loués constituent le lieu d'exploitation d'un fonds de commerce ou sont indispensables à l'exploitation d'un fonds de commerce, peu important qu'ils ne soient pas propriétaires et personnellement exploitant du fonds de commerce exploité dans les lieux par un autre preneur ; qu'en statuant comme elle l'a fait, après avoir admis qu'après l'expiration du bail dérogatoire de deux ans, la société Cash 26 dont Mme X... était la gérante a continué à exploiter un fonds de commerce dans les lieux loués ce dont il résulte que Mme X... s'était, pour les besoins de l'exercice de son activité de gérante, elle aussi maintenue dans les lieux dans lesquels un fonds de commerce était exploité, la Cour d'appel a violé l'article L 145-5 du Code de commerce.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement déféré en ce qu'il a dit que les engagements des cautions étaient limités au seul bail dérogatoire et en ce qu'il a rejeté, partant, les demandes formées contre celles-ci;
Aux motifs gue l'acte de cautionnement vise en caractères gras le bail du 9 décembre 2002 et les cessions éventuelles de ce bail avec l'accord de la bailleresse ainsi que le renouvellement exprès ou tacite dudit bail et les conventions d'occupation qui lui succéderaient; qu'en l'absence de mention expresse de ce que le cautionnement s'étendait au bail commercial susceptible de faire suite au bail dérogatoire au statut des baux commerciaux et alors que les cautions, non professionnelles du droit, n'étaient pas nécessairement informées de ce qu'à l'issue du bail du 9 décembre 2002 un bail commercial d'une durée de neuf ans se substituait au bail dérogatoire en cas de maintien dans les lieux du preneur sans opposition de la bailleresse, sans possibilité donc d'un nouveau bail de courte durée, la volonté claire et non équivoque de celles-ci d'étendre leurs engagements à ce bail commercial de 9 ans n'apparaît pas établie; qu'une telle volonté apparaît d'ailleurs démentie par le fait que la bailleresse ait cru devoir joindre au projet de bail commercial qu'elle avait en son temps adressé, un projet d'acte de cautionnement au nom de Mme X... concernant ce bail à effet du 9 décembre 2004 (ce qui n'aurait pas été nécessaire si le cautionnement initial avait effectivement, au-delà du bail dérogatoire, couvert les engagements résultant du bail commercial lui ayant fait suite) ;
Alors d'une part, qu'en se portant cautions solidaires des sommes dues au titre du bail de deux ans conclu le 9 décembre 2002, des cessions éventuelles de ce bail avec l'accord de la bailleresse ainsi qu'au titre du renouvellement exprès ou tacite dudit bail et des conventions d'occupation qui lui succéderaient, les cautions se sont clairement engagées non seulement à la garantie des sommes dues par les preneurs en vertu du bail dérogatoire dont la durée était limitée à 24 mois, mais aussi à la garantie des sommes dues au titre d'un éventuel nouveau bail soumis au statut des baux commerciaux pouvant résulter du maintien des preneurs dans les lieux après l'expiration du bail dérogatoire ; qu'en limitant l'engagement des cautions au paiement des sommes dues par les preneurs au titre du seul bail dérogatoire, la Cour d'appel a violé les articles 1134 et 2292 (article 2015 ancien) du Code civil ;
Alors d'autre part, que l'aveu exige de la part de son auteur une manifestation non équivoque de sa volonté de reconnaître pour vrai un fait de nature à produire contre lui des conséquences juridiques; que le seul fait de joindre au projet de bail commercial qu'elle avait en son temps adressé aux preneurs, un projet d'acte de cautionnement, ne peut caractériser un aveu non équivoque de la bailleresse quant à la limitation du cautionnement initial au bail dérogatoire; que ce comportement manifeste au contraire la volonté de la bailleresse de formaliser un bail et un cautionnement d'ores et déjà nés; qu'ainsi, l'arrêt attaqué a violé l'article 1354 du Code civil;
Alors enfin que la déclaration d'une partie ne peut être retenue contre elle comme constituant un aveu que si elle porte sur des points de fait et non sur des points de droit; que l'étendue d'un acte de cautionnement constitue une question de droit; qu'en opposant à la SCI Saint Germain 65 son aveu prétendu de la nécessité de recueillir à nouveau l'engagement des cautions au titre du bail qui s'est formé à l'issue du bail dérogatoire, la Cour d'appel a violé l'article 1354 du Code civil."
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