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lundi 16 septembre 2013

Géomètre : un cas de responsabilité civile

Géomètre : un cas de responsabilité civile, par cet arrêt.

"Sur le pourvoi formé par M. Gérard X..., demeurant ...,

en cassation d'un arrêt rendu le 26 avril 2000 par la cour d'appel de Paris (23e chambre, section A), au profit :

1 / de la société Les Nouvelles résidences de France, venant aux droits de la société Pierre et Maison, dont le siège est ...,

2 / de la compagnie d'assurances La Lilloise, société anonyme, dont le siège est ...,

3 / de la société civile immobilière du ..., dont le siège est ...,

4 / du Syndicat des copropriétaires du ..., pris en la personne de son syndic le Cabinet Hellier du Verneuil, société anonyme, dont le siège est ...,

défendeurs à la cassation ;

La compagnie d'assurances La Lilloise a formé, par un mémoire déposé au greffe le 15 mars 2001, un pourvoi provoqué contre le même arrêt ;

Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

La demanderesse au pourvoi provoqué invoque, à l'appui de son recours, les cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, en l'audience publique du 29 janvier 2002, où étaient présents : M. Weber, président, M. Villien, conseiller rapporteur, Mlle Fossereau, MM. Chemin, Cachelot, Martin, Mmes Lardet, Gabet, conseillers, Mmes Fossaert-Sabatier, Boulanger, Nési, M. Jacques, conseillers référendaires, M. Guérin, avocat général, Mme Berdeaux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Villien, conseiller, les observations de la SCP Tiffreau, avocat de M. X..., de la SCP Baraduc et Duhamel, avocat de la compagnie d'assurances La Lilloise, de Me Cossa, avocat de la société Les Nouvelles résidences de France, venant aux droits de la société Pierre et Maison, de la SCP Philippe et François-Régis Boulloche, avocat du syndicat des copropriétaires du ..., pris en la personne de son syndic le Cabinet Hellier du Verneuil, les conclusions de M. Guérin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal et le premier moyen du pourvoi provoqué, réunis :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 avril 2000), qu'en 1987 la société Pierre Maison, aux droits de laquelle vient la société Les Nouvelles résidences de France, désirant acquérir un bâtiment en vue de sa démolition et de la construction à son emplacement d'un immeuble d'habitation, a chargé M. X..., géomètre, assuré par la compagnie La Lilloise, d'une mission d'établissement de relevés et plans avant l'achat du bien ; qu'au vu de ces documents le maître de l'ouvrage a entrepris la réalisation du programme ; que celle-ci a été retardée par la présence d'un mur situé en limite de la propriété voisine appartenant au syndicat des copropriétaires du ... ; qu'ayant constaté la réduction de la surface à construire, et se plaignant des erreurs commises par le géomètre, qui lui auraient occasionné des pertes financières, le maître de l'ouvrage a assigné M. X... et son assureur en réparation de son préjudice ;

Attendu que M. X... et la compagnie La Lilloise font grief à l'arrêt de les condamner à payer des sommes à la société Les Nouvelles résidences de France, alors, selon le moyen, que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, nulle partie ne pouvant être jugée sans avoir été entendue ou appelée et le juge doit faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en l'espèce, il résulte tant du jugement entrepris, de l'arrêt attaqué et des divers rapports d'expertise visés par les juges du fond que M. X..., "assigné et réassigné PV 659 NCPC", "non comparant" et "sans domicile ni résidence ni lieu de travail connu" n'a jamais été présent aux différents actes de procédure dont il n'a jamais eu connaissance et n'a donc pu être entendu équitablement ; qu'en le condamnant néanmoins sur le fondement d'une prétendue faute contractuelle à réparer un préjudice de plus de 7 850 000 francs, la cour d'appel a manifestement violé l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les articles 14 et 16 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'il résulte des pièces produites devant la Cour de Cassation que M. X... a été une première fois assigné le 23 juin 1998 devant la cour d'appel à l'adresse du ..., où l'huissier de justice instrumentaire, ayant constaté qu'il lui était indiqué que l'intéressé était parti sans laisser d'adresse depuis deux ans, a établi un procès-verbal dans les termes de l'article 659 du nouveau Code de procédure civile, puis, une seconde fois, le 4 novembre 1998, à sa nouvelle adresse, sise ..., où l'huissier de justice, n'ayant trouvé personne à ce domicile, qu'il a vérifié comme étant celui de M. X..., a effectué la signification de l'acte en mairie en accomplissant les diligences prévues par l'article 658 du nouveau Code de procédure civile ; que M. X..., destinataire à son domicile de la copie de l'acte, de l'avis de passage et de la lettre de l'huissier de justice prévus par cet article, ayant choisi de ne pas y donner suite et n'ayant pas constitué avoué devant la cour d'appel, le moyen n'est pas fondé ;

Sur les deuxièmes moyens du pourvoi principal et du pourvoi provoqué, le troisième moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche, et le troisième moyen du pourvoi provoqué, réunis :

Attendu que M. X... et la compagnie La Lilloise font grief à l'arrêt de les condamner à payer des sommes à la société Les Nouvelles résidences de France, alors, selon le moyen :

1 / qu'en se fondant exclusivement sur des rapports d'expertise non contradictoirement débattus par M. X... qui, en outre, n'a jamais été convoqué à son domicile connu de la société Les Nouvelles résidences de France et n'a donc jamais pu assister à la moindre réunion expertale, la cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ;

2 / que la complexité de la situation et les difficultés relatives à la nature exacte du mur litigieux, constatées par la cour d'appel étaient de nature à induire en erreur le géomètre expert X..., tenu à une simple obligation de moyens, ce qui excluait toute faute de sa part ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ;

Mais attendu, d'une part, qu'il résulte des pièces produites devant la Cour de Cassation que M. X... était, lors de l'audience de référé tenue le 16 mai 1991, ayant étendu à cette partie les opérations d'expertise, représenté par un avocat, qui a été en mesure de l'assister en cours d'expertise ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant retenu que les plans établis par M. X... étaient erronés, notamment sur la qualification juridique du mur et sur les limites de propriété, de sorte que la surface du terrain était en réalité inférieure à celle indiquée par le géomètre, et que M. X... avait méconnu la complexité de la situation, négligé d'attirer l'attention de sa cliente sur les difficultés inhérentes à la nature du mur, établi des documents contradictoires sur la superficie du terrain, et effectué des mesurages inexacts, la cour d'appel a pu en déduire que ces fautes, ayant conduit le maître de l'ouvrage à modifier son projet, étaient de nature à engager la responsabilité contractuelle du géomètre ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen du pourvoi principal, pris en sa seconde branche :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le condamner à payer des sommes à la société Les Nouvelles résidences de France, alors, selon le moyen, qu'à supposer que M. X... ait commis une faute consistant en une erreur de métré, le préjudice en relation de causalité directe avec cette prétendue faute était constitué par les seuls frais consécutifs à la modification du projet résultant de l'erreur de métré de 10 mètres carrés ; qu'en mettant notamment à la charge du géomètre expert "les pertes sur frais financiers" consécutives à l'arrêt du chantier, "la réduction de surface construite" et "la perte locative" qui n'avaient aucun lien direct avec l'erreur prétendue du géomètre expert, la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé qu'aux termes du rapport d'expertise, reposant sur des éléments précis non contestés, témoignant d'un travail sérieux et approfondi, et dont les appréciations devaient être adoptées, la faute commise par M. X... dans la détermination des limites de propriété avait engendré des frais financiers dus à plusieurs arrêts de chantier, une réduction de la surface à construire, et des pertes de location, la cour d'appel a souverainement retenu que les sommes déterminées par l'expert devaient être allouées au maître de l'ouvrage ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le quatrième moyen du pourvoi provoqué :

Attendu que la compagnie La Lilloise fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Les Nouvelles résidences de France une somme au titre du préjudice résultant de la réduction de la surface construite, alors, selon le moyen :

1 / que la cour d'appel a expressément constaté que le premier plan d'arpentage, dressé par M. X... le 5 janvier 1988, était celui sur lequel la société Pierre Maison s'était fondée pour décider d'acquérir le terrain litigieux, et que ce document présentait le mur séparatif comme étant la propriété du fonds voisin ; qu'il en résultait que la société Pierre Maison n'avait jamais cru acquérir ce mur, et que si le géomètre avait, par la suite, commis une erreur de métré en incluant celui-ci dans les limites de la propriété du maître d'ouvrage, ce dernier ne pouvait pour autant se plaindre d'une réduction de la surface acquise ;

qu'en décidant néanmoins de condamner M. X... à indemniser "la réduction de la surface construite", la cour d'appel a omis de tirer les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article 1151 du Code civil ;

2 / qu'à supposer que le géomètre ait commis une erreur de nature à faire croire à la société Pierre Maison qu'elle avait acquis un terrain plus grand que celui réellement acheté, il s'agissait-là d'une erreur purement intellectuelle qui n'a pu avoir pour conséquence de faire perdre au maître de l'ouvrage une partie de la surface acquise ; qu'en décidant, néanmoins, de condamner M. X... à indemniser "la réduction de la surface construite", la cour d'appel a violé l'article 1151 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé que le géomètre avait fourni des documents contradictoires, et que la surface du bien, retenue comme étant de 255 mètres carrés dans le plan d'arpentage du 5 janvier 1988, s'était avérée en réalité être de 246 mètres carrés, ce qui avait obligé le promoteur à réviser son projet, compte tenu de la diminution de la surface à construire, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, pu retenir que l'erreur commise par M. X... était génératrice du préjudice subi par le maître de l'ouvrage ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le cinquième moyen du pourvoi provoqué :

Attendu que la compagnie La Lilloise fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Les Nouvelle résidences de France des sommes au titre du préjudice dû aux frais financiers et aux pertes locatives, alors, selon le moyen, que, dans ses conclusions récapitulatives, la compagnie La Lilloise faisait expressément valoir que les différents arrêts de chantier -intervenus du 12 avril 1990 au 30 mai 1990 et du 11 juin 1990 au 20 mars 1991- étaient liés à la découverte en sous-oeuvre d'excroissances de béton, et que ce problème, qui résultait exclusivement des constructions entreprises antérieurement par la SCI du ..., aux droits desquels venait le syndicat des copropriétaires du ..., ne concernait que les relations entre ce dernier et le maître d'ouvrage ; qu'elle invitait ainsi directement la cour d'appel à vérifier si les frais financiers et la perte locative résultant des arrêts de chantier constituaient des préjudices présentant un lien de causalité suffisant avec la prétendue faute du géomètre ; qu'il appartenait d'autant plus aux juges d'appel de se prononcer sur ce point que le tribunal de grande instance de Paris, dont ils ont réformé la décision, avait retenu que le maître d'ouvrage aurait en réalité fort bien pu reprendre les travaux dès le mois de juillet 1990 ; qu'en condamnant toutefois M. X... à supporter l'intégralité de la perte locative et des frais financiers engendrés par les arrêts de chantier, sans nullement préciser en quoi ces préjudices résultaient de l'erreur reprochée au géomètre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1151 du Code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel, ayant souverainement retenu que les excroissances de béton de sous-oeuvre, peu importantes, n'avaient joué aucun rôle appréciable dans le retard du chantier, a légalement justifié sa décision de ce chef ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Condamne M. X... aux dépens des pourvois ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne M. X... et la compagnie La Lilloise, ensemble, à payer à la société Les Nouvelles résidences de France la somme de 1 900 euros et, au syndicat des copropriétaires du ..., également, la somme de 1 900 euros ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la compagnie d'assurances La Lilloise ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six mars deux mille deux."

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