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dimanche 18 janvier 2015

Quand la Cour de Cassation parle du "vivre ensemble"

C'est, en encadrant l'expression de guillemets, pour expliquer que c'est pour garantir les conditions du "vivre ensemble" qu'il peut être imposé à toute personne circulant dans un espace public de montrer son visage.



"Statuant sur le pourvoi formé par :


- Mme Chaima X...,


contre le jugement de la juridiction de proximité de DIJON, en date du 1er juillet 2013, qui, pour port d'une tenue destinée à la dissimulation du visage dans l'espace public, l'a condamnée à 150 euros d'amende et deux jours de stage de citoyenneté ; 


La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 12 novembre 2014 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Finidori, conseiller rapporteur, M. Beauvais, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

Sur le rapport de M. le conseiller FINIDORI et les conclusions de M. le premier avocat général BOCCON-GIBOD ;

Vu le mémoire personnel produit ;

Sur la recevabilité du pourvoi ; 

Attendu que Mme X... a été condamnée le 1er juillet 2013 à 150 euros d'amende et à un stage de citoyenneté de deux jours par la juridiction de proximité, dont le jugement mentionne qu'il a été rendu en premier ressort ; que l'intéressée et l'officier du ministère public, ayant interjeté appel de cette décision, la cour d'appel a, par arrêt contradictoire du 18 décembre 2013, déclaré à bon droit ces appels irrecevables en application de l'article 546 du code de procédure pénale ; que, par une énonciation inopérante, elle a ajouté qu'il n'y avait pas lieu à réouverture du délai de pourvoi ; 

Attendu que l'erreur commise par le premier juge, qui a mentionné que le jugement était rendu en premier ressort, ne saurait avoir pour effet de préjudicier à la prévenue ; que, dès lors, le pourvoi formé le 20 décembre 2013, dans les deux jours du prononcé de l'arrêt de la cour d'appel, doit être déclaré recevable ; 

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 7, 9 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

Attendu qu'il résulte du jugement attaqué et des pièces de procédure que Mme X..., le visage dissimulé, a été interpellée par les forces de l'ordre, alors qu'elle effectuait des achats dans une grande surface commerciale ;

Attendu que, poursuivie pour avoir enfreint les dispositions de la loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public, la prévenue, représentée par un avocat, a soutenu que ladite loi violait l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme garantissant la liberté de pensée, de conscience et de religion ;

Attendu que, pour écarter cette argumentation, le jugement énonce que l'activité à l'occasion de laquelle a été constatée la contravention ne pouvait être assimilée à l'exercice d'un culte, à un enseignement ou à la pratique et à l'accomplissement d'un rite ; 

Attendu que, si c'est à tort que la juridiction de proximité a ignoré la motivation religieuse du comportement considéré, le jugement n'encourt pas la censure dès lors que, si l'article 9 de la convention susvisée garantit l'exercice de la liberté de pensée, de conscience et de religion, l'alinéa 2 de ce texte dispose que cette liberté peut faire l'objet de restrictions prévues par la loi et constituant, dans une société démocratique, des mesures nécessaires à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ; que tel est le cas de la loi interdisant la dissimulation intégrale du visage dans l'espace public en ce qu'elle vise à protéger l'ordre et la sécurité publics et à garantir les conditions du "vivre ensemble" en imposant à toute personne circulant dans un espace public, de montrer son visage ;

D'où il suit que le moyen, nouveau et comme tel irrecevable en ce qu'il invoque pour la première fois devant la Cour de cassation la méconnaissance des articles 7 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, ne peut être accueilli ;

Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation de l'article 131-5-1 du code pénal ;

Vu ledit article ;

Attendu qu'aux termes de ce texte, la peine de stage de citoyenneté ne peut être prononcée contre le prévenu qui la refuse ou n'est pas présent à l'audience ;

Attendu qu'après avoir déclaré Mme X..., non comparante à l'audience mais représentée par un avocat muni d'un pouvoir, coupable de la contravention susvisée, la juridiction de proximité la condamne à une peine d'amende et à l'accomplissement d'un stage de citoyenneté ; 

Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle ne pouvait, en l'absence de la prévenue, condamner celle-ci à accomplir un stage de citoyenneté, fût-ce à titre de peine complémentaire, la juridiction de proximité a méconnu le texte susvisé ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE, par voie de retranchement, le jugement susvisé de la juridiction de proximité de Dijon, en date du 1er juillet 2013, en ses seules dispositions relatives à la peine de stage de citoyenneté, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 800-2 du code de procédure pénale ; 

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la juridiction de proximité de Dijon et sa mention en marge ou à la suite du jugement partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le neuf décembre deux mille quatorze ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre."

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