C'est, en encadrant l'expression de guillemets, pour expliquer que c'est pour garantir les conditions du "vivre ensemble" qu'il peut être imposé à toute personne circulant dans un espace public de montrer son visage.
"Statuant sur le pourvoi formé par :
- Mme Chaima X...,
contre le jugement de la juridiction de proximité de DIJON, en date du 1er juillet 2013, qui, pour port d'une tenue destinée à la dissimulation du visage dans l'espace public, l'a condamnée à 150 euros d'amende et deux jours de stage de citoyenneté ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 12 novembre 2014 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Finidori, conseiller rapporteur, M. Beauvais, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
Sur le rapport de M. le conseiller FINIDORI et les conclusions de M. le premier avocat général BOCCON-GIBOD ;
Vu le mémoire personnel produit ;
Sur la recevabilité du pourvoi ;
Attendu que Mme X... a été condamnée le 1er juillet 2013 à 150 euros d'amende et à un stage de citoyenneté de deux jours par la juridiction de proximité, dont le jugement mentionne qu'il a été rendu en premier ressort ; que l'intéressée et l'officier du ministère public, ayant interjeté appel de cette décision, la cour d'appel a, par arrêt contradictoire du 18 décembre 2013, déclaré à bon droit ces appels irrecevables en application de l'article 546 du code de procédure pénale ; que, par une énonciation inopérante, elle a ajouté qu'il n'y avait pas lieu à réouverture du délai de pourvoi ;
Attendu que l'erreur commise par le premier juge, qui a mentionné que le jugement était rendu en premier ressort, ne saurait avoir pour effet de préjudicier à la prévenue ; que, dès lors, le pourvoi formé le 20 décembre 2013, dans les deux jours du prononcé de l'arrêt de la cour d'appel, doit être déclaré recevable ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 7, 9 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Attendu qu'il résulte du jugement attaqué et des pièces de procédure que Mme X..., le visage dissimulé, a été interpellée par les forces de l'ordre, alors qu'elle effectuait des achats dans une grande surface commerciale ;
Attendu que, poursuivie pour avoir enfreint les dispositions de la loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public, la prévenue, représentée par un avocat, a soutenu que ladite loi violait l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme garantissant la liberté de pensée, de conscience et de religion ;
Attendu que, pour écarter cette argumentation, le jugement énonce que l'activité à l'occasion de laquelle a été constatée la contravention ne pouvait être assimilée à l'exercice d'un culte, à un enseignement ou à la pratique et à l'accomplissement d'un rite ;
Attendu que, si c'est à tort que la juridiction de proximité a ignoré la motivation religieuse du comportement considéré, le jugement n'encourt pas la censure dès lors que, si l'article 9 de la convention susvisée garantit l'exercice de la liberté de pensée, de conscience et de religion, l'alinéa 2 de ce texte dispose que cette liberté peut faire l'objet de restrictions prévues par la loi et constituant, dans une société démocratique, des mesures nécessaires à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ; que tel est le cas de la loi interdisant la dissimulation intégrale du visage dans l'espace public en ce qu'elle vise à protéger l'ordre et la sécurité publics et à garantir les conditions du "vivre ensemble" en imposant à toute personne circulant dans un espace public, de montrer son visage ;
D'où il suit que le moyen, nouveau et comme tel irrecevable en ce qu'il invoque pour la première fois devant la Cour de cassation la méconnaissance des articles 7 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, ne peut être accueilli ;
Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation de l'article 131-5-1 du code pénal ;
Vu ledit article ;
Attendu qu'aux termes de ce texte, la peine de stage de citoyenneté ne peut être prononcée contre le prévenu qui la refuse ou n'est pas présent à l'audience ;
Attendu qu'après avoir déclaré Mme X..., non comparante à l'audience mais représentée par un avocat muni d'un pouvoir, coupable de la contravention susvisée, la juridiction de proximité la condamne à une peine d'amende et à l'accomplissement d'un stage de citoyenneté ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle ne pouvait, en l'absence de la prévenue, condamner celle-ci à accomplir un stage de citoyenneté, fût-ce à titre de peine complémentaire, la juridiction de proximité a méconnu le texte susvisé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, par voie de retranchement, le jugement susvisé de la juridiction de proximité de Dijon, en date du 1er juillet 2013, en ses seules dispositions relatives à la peine de stage de citoyenneté, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 800-2 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la juridiction de proximité de Dijon et sa mention en marge ou à la suite du jugement partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le neuf décembre deux mille quatorze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre."
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