Amazon contrats

samedi 1 mars 2014

Perte d'une chance de réaliser un bénéfice

Voici un arrêt qui juge que la perte d'une chance de réaliser un bénéfice est susceptible de constituer un préjudice indemnisable s'il y a disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable :





"Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 3 mai 2012), que, par acte du 28 juillet 2005, la société des Michels a consenti une "promesse" de vente à la société Alpha promotions portant sur deux parcelles, une maison à usage d'habitation et une bande de terrain à prélever sur une autre parcelle pour permettre un accès ; que l'acte était conclu sous diverses conditions suspensives et mentionnait qu'il était laissé à la charge de l'acquéreur l'aménagement complet d'une sortie de camion d'une largeur de 8 mètres ; que, par avenant du 30 juin 2006, la régularisation de l'acte authentique a été prorogée au 1er août 2007 ; que, par acte du 4 juillet 2006, la société des Michels a consenti une "promesse" de vente à la société Alpha promotions et à la société COPAG portant sur des bâtiments industriels et un terrain, l'acquéreur s'engageant à démolir les aménagements spécifiques de l'occupant précédent ; que la société des Michels se plaignant de la non exécution par la société Alpha promotions de son obligation d'aménagement, l'a assignée en résolution de l'acte du 28 juillet 2005 et de l'avenant du 30 juin 2006 ; que la société Alpha promotions a assigné la société des Michels et la société COPAG en résolution de l'acte du 4 juillet 2006 à leurs torts exclusifs et dommages-intérêts ;



Sur le moyen unique du pourvoi principal :



Attendu que la société des Michels fait grief à l'arrêt de dire qu'elle est responsable de manquements à la loyauté des tractations et de la condamner à payer des sommes à titre de dommages et intérêts et en réparation des frais inutilement exposés, alors, selon le moyen :



1°/ que la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement ; qu'en l'espèce, la SCI des Michels avait expressément fait valoir que l'ensemble de l'économie du contrat avait été bouleversé à l'initiative de la société Alpha promotions dès lors qu'au lieu de faire procéder à la démolition du bâtiment édifié sur une des parcelles objet de la promesse de vente, comme elle s'y était engagée, et ce, aux fins de réserver le terrain à un chemin d'accès, la société Alpha promotions avait manifesté son intention -ainsi que cela résultait des termes de la demande de permis de lotir- de conserver le bâtiment pour le réhabiliter en vue de le céder avec une plus-value substantielle ; qu'en décidant dès lors que la SCI des Michels avait eu un comportement déloyal en refusant de signer le document d'arpentage de la parcelle à détacher et en déférant l'arrêté de lotir au tribunal administratif, sans rechercher, comme elle y avait été invitée, si la société Alpha promotions n'avait pas elle-même, en premier lieu, manqué à ses engagements, notamment celui de démolir la maison d'habitation existante pour aménager un accès, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1184 du code civil ;



2°/ qu'en s'abstenant de répondre à ce chef péremptoire de conclusions, la cour d'appel a, en toute hypothèse, violé l'article 455 du code de procédure civile ;



3°/ qu' il résultait des motifs adoptés de ceux du jugement de l'arrêt que la vente avait été prorogée, par avenant du 30 juin 2006, jusqu'au 1er août 2007 et que la SCI des Michels n'avait saisi le tribunal administratif que le 31 août 2007, soit postérieurement au terme extinctif du compromis ; qu'en considérant néanmoins que la SCI des Michels avait commis une faute à l'origine de la rupture des relations contractuelles motif pris de la saisine du tribunal administratif « aux seules fins d'empêcher la levée de la condition suspensive » relative à la purge de tous recours, quand le recours exercé par la SCI des Michels était postérieur à la date butoir pour la réalisation des conditions suspensives, la cour d'appel a, en toute hypothèse, statué par un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1184 du code civil ;



Mais attendu qu'ayant, par motifs propres et adoptés, constaté que la stipulation de l'acte du 28 juillet 2005 qui mentionnait qu'il était laissé à la charge de l'acquéreur l'aménagement complet d'une sortie de camion devait être analysée comme une simple condition de la vente et non comme une condition suspensive et relevé que la société des Michels s'était employée à retarder l'opération, qu'elle avait refusé de signer le document d'arpentage de la parcelle à détacher et qu'elle avait saisi le tribunal administratif d'un recours en annulation de l'arrêté de lotir obtenu par la société Alpha promotions ce qui avait empêché la réalisation de la condition suspensive, le maintien des concours bancaires et ruiné l'ensemble de l'opération entreprise, la cour d'appel, qui n'avait pas à répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes et a pu, abstraction faite d'un motif erroné mais surabondant relatif à la saisine du tribunal administratif à l'approche du terme, en déduire que la société des Michels était responsable de manquements à la loyauté des tractations a légalement justifié sa décision ; 



Mais sur le moyen unique du pourvoi incident :



Vu l'article 1147 du code civil ;



Attendu qu'après avoir prononcé la résolution de la "promesse" du 4 juillet 2006 aux torts de la société des Michels, l'arrêt retient, pour rejeter la demande de dommages- intérêts de la société Alpha promotions, que la perte d'une chance de réaliser un bénéfice ne constitue pas un préjudice direct et certain susceptible d'indemnisation ;



Qu'en statuant ainsi, alors que la perte d'une chance de réaliser un bénéfice est susceptible de constituer un préjudice indemnisable s'il y a disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;



PAR CES MOTIFS :



CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de dommages-intérêts de la société Alpha-Promotions, l'arrêt rendu le 3 mai 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes, autrement composée ;



Condamne la société des Michels aux dépens des pourvois ;



Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société des Michels à payer la somme de 3 000 euros à la société Alpha promotions et la somme de 3 000 euros à la société Compagnie immobilière et foncière de Provence venant aux droits de la société COPAG ; rejette les autres demandes ;



Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;



Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit octobre deux mille treize.


MOYENS ANNEXES au présent arrêt



Moyen produit par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour la SCI des Michels, demanderesse au pourvoi principal



Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit la SCI DES MICHELS responsable de manquements à la loyauté des tractations et d'AVOIR condamné la SCI DES MICHELS à payer à la SARL ALPHA PROMOTIONS la somme de 15.000 € en réparation du préjudice causé par son comportement déloyal et la somme de 34.366,17 € à titre de dommages-intérêts en réparation des frais inutilement exposés ;



AUX MOTIFS QUE ainsi que l'ont exactement relevé les premiers juges, c'est la SCI DES MICHELS qui s'est employée à retarder l'opération, en particulier en refusant de signer le document d'arpentage de la parcelle à détacher et en déférant, à l'approche du terme de la promesse de vente du 28 juillet 2005, l'arrêté de lotir au tribunal administratif ; que ce tribunal a validé l'arrêté de lotir par jugement définitif du 13 mars 2009, de sorte que la venderesse a pu se prévaloir du terme extinctif intervenu, ce qui ruinait l'ensemble de l'opération entreprise qui devait inclure d'autres parcelles cédées par des tiers et faisait l'objet d'une promesse de vente distincte dont la réitération était subordonnée à la purge des recours de tiers ; que le tribunal a tiré les exactes conséquences de ce comportement déloyal en allouant, en réparation du préjudice qui en est résulté, la somme de 15.000 ¿ ; que, ainsi que l'ont encore exactement relevé les premiers juges, concernant la promesse de vente du 4 juillet 2006, que par lettre du 9 octobre 2006, la SARL FAUJAS avait accepté la résiliation de son bail moyennant une indemnité d'éviction de 47.358,85 ¿ hors taxe ; que de ce chef, la SCI DES MICHELS n'a pas exécuté son engagement, alors que la libération de l'ensemble immobilier dont la vente était promise formait le point de départ des autres conditions suspensives ; qu'en outre, la SCI DES MICHELS prétendait à la nullité de la promesse de vente du 4 juillet 2006 pour défaut de prix, alors que l'acte du 4 juillet 2006 mentionne page 4 « moyennant le prix principal de : 1.000.000 ¿ - un million d'euros ¿ net vendeur hors taxe » ; qu'il ne peut être imputé à faute à la COPAG, devant le comportement d'un tel cocontractant, d'avoir préféré le désengagement au contentieux ; que c'est encore par une exacte analyse des éléments de la cause que le tribunal, retenant le comportement déloyal de l'appelante, l'a tenue pour responsable de la rupture des relations contractuelles ; que la perte d'une chance de réaliser un bénéfice ne constitue pas un préjudice direct et certain susceptible d'indemnisation ; que par contre, la société ALPHA PROMOTIONS est fondée à réclamer la réparation du préjudice résidant dans les frais inutilement exposés, s'élevant, au vu des justificatifs produits (frais bancaires, géomètre-expert, étude de sol, etc ¿) à la somme totale de 34.366,17 ¿ ; que le jugement entrepris doit être confirmé en son principe, sauf à allouer cette somme à titre de dommages-intérêts ;



ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE : par acte sous seings privés du 28 juillet 2005, passé en l'étude de Me X..., notaire, la SCI DES MICHELS et la SARL ALPHA PROMOTIONS avec faculté de substitution pour cette dernière, ont conclu une promesse de vente de deux parcelles AK 77 et 244 d'une contenance de 4.296 m2, d'une maison à usage d'habitation AK 373 et 374 d'une contenance de 1.380 m2, d'une bande de terrain d'une superficie d'environ 1.200 m2 à prélever sur la parcelle AK 375 afin de permettre l'accès à la parcelle AK 214, les frais d'arpentage étant à la charge de l'acquéreur ; que sous le paragraphe « désignation », les parties ont utilisé la formule suivante : « Il est ici précisé qu'il est laissé à la charge de l'acquéreur l'aménagement complet d'une sortie de camions poids lourds de 35 T d'une largeur de huit mètres et les clôtures sur les parcelles AK 77 et 373-374 ainsi que sur l'allée de circulation et la parcelle cadastrée AK 214, selon plan annexé ; que cette stipulation doit être analysée non comme une condition suspensive, mais comme une simple condition de la vente ; que le prix est fixé à 20,83 ¿ le mètre carré, prix à parfaire en fonction de la superficie réellement vendue ; que les conditions suspensives sont définies :

obtention d'un permis de démolir : dépôt de la demande pour le 30 septembre 2005 pour le plus tard, 

obtention d'un arrêté de lotir d'environ 20 lots purgés de tout recours de tiers et du délai de retrait administratif : demande à déposer avant le 30 septembre 2005, 

obtention de la caducité soit amiablement soit par voie judiciaire du compromis intervenu entre la SCI DES MICHELS et la SARL Gilles TRIGNAT le 18 février 2003, il est précisé que si la caducité doit être obtenue par voie judiciaire, l'acquéreur s'engage à supporter le coût choisissant le conseil » ;

(¿) ;

que l'autorisation de lotir 14 lots sera accordée par arrêté municipal du 3 juillet 2007 ; que ce sera la SCI DES MICHELS qui saisira le juge administratif d'un recours en annulation le 31 août 2007 pour défaut au dossier d'instruction de la demande, des pièces concernant la loi sur l'eau ; que la requête de la SCI DES MICHELS sera rejetée par jugement du 27 février 2009 ; que le tribunal ignore si ce jugement est ou non définitif : cela importe peu pour la présente instance : ce qu'il faut souligner c'est que c'est le vendeur qui par ce recours très surprenant empêche la réalisation de la condition suspensive, une autorisation purgée de tous recours ; (¿) ; que l'arrêté est du 3 juillet 2007 : le 19 juillet 2007, le Crédit Agricole confirme son accord pour soutenir le projet et consent trois concours : 355.000 ¿ pour l'acquisition, 360.000 ¿ pour l'accompagnement, 481.000 ¿ pour l'achèvement VRD, le dossier bancaire global avait dû être déposé avant la délivrance de l'autorisation. Ce sera l'existence d'un recours de tiers contre l'autorisation de lotir ainsi que l'écrit du Crédit Agricole le 11 septembre 2007 qui l'entraînera à ne pas maintenir ses concours ; que par son recours devant le tribunal administratif, le vendeur a empêché le maintien des concours bancaires ; que quant à la régularisation du compromis, il est stipulé que l'acte devra être régularisé au plus tard le 1er août 2006, étant précisé que si cette date venait à être dépassée, l'acquéreur s'oblige à majorer le prix de 7 % le mètre carré ; que par avenant du 30 juin 2006, les parties ont décidé de proroger le compromis au 1er août 2007, étant entendu que l'acquéreur se réserve la possibilité de signer l'acte authentique avant cette date butoir en faisant son affaire personnelle de la non réalisation des conditions suspensives lui profitant ; que par l'effet de cet avenant, le terme est devenu extinctif ; que ce sera avant la survenance de ce terme que la demanderesse saisira notre juridiction par acte du 5 juillet 2007 ; que ce ne sera pas sans malice que la demanderesse soutiendra dans ses écritures qu'ALPHA PROMOTIONS s'est désintéressée du projet en ne le faisant pas convoquer devant le notaire avant le 1er août 2007, l'obligeant pour ce faire à renoncer aux conditions suspensives qui n'étaient pas levées ; que l'acte n'ayant pas été régularisé pour le 1er août 2007, les obligations réciproques des parties se trouvent éteintes : les demandes de résolution sont sans intérêt quand elles ne sont pas fondées ; (¿) ; que le comportement déloyal est établi par la saisine du tribunal administratif aux seules fins d'empêcher la levée de la condition suspensive et de faire fuir les partenaires banquiers mais aussi par le refus de signer les documents d'arpentage ; que le préjudice résultant d'une telle faute est la perte d'une chance mais non le manque à gagner ou les dépenses engagées, sans perdre de vue qu'ALPHA PROMOTIONS s'est engagée à ses propres risques avec la SCI DES MICHELS déjà engagée pour les mêmes biens ; que le tribunal fixe le montant de l'indemnisation de la perte de chance à 15.000 ¿ ;



1°) ALORS QUE la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement ; qu'en l'espèce, la SCI DES MICHELS avait expressément fait valoir (conclusions d'appel signifiées le 21 décembre 2011) que l'ensemble de l'économie du contrat avait été bouleversé à l'initiative de la société ALPHA PROMOTIONS dès lors qu'au lieu de faire procéder à la démolition du bâtiment édifié sur une des parcelles objet de la promesse de vente, comme elle s'y était engagée, et ce, aux fins de réserver le terrain à un chemin d'accès, la société ALPHA PROMOTIONS avait manifesté son intention - ainsi que cela résultait des termes de la demande de permis de lotir - de conserver le bâtiment pour le réhabiliter en vue de le céder avec une plus-value substantielle ; qu'en décidant dès lors que la SCI DES MICHELS avait eu un comportement déloyal en refusant de signer le document d'arpentage de la parcelle à détacher et en déférant l'arrêté de lotir au tribunal administratif, sans rechercher, comme elle y avait été invitée, si la société ALPHA PROMOTIONS n'avait pas elle-même, en premier lieu, manqué à ses engagements, notamment celui de démolir la maison d'habitation existante pour aménager un accès, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1184 du code civil ;



2°) ALORS QU'en s'abstenant de répondre à ce chef péremptoire de conclusions, la cour d'appel a en toute hypothèse violé l'article 455 du code de procédure civile ;



3°) ALORS QU'ENFIN il résultait des motifs ¿ adoptés de ceux du jugement ¿ de l'arrêt que la vente avait été prorogée, par avenant du 30 juin 2006, jusqu'au 1er août 2007 et que la SCI DES MICHELS n'avait saisi le tribunal administratif que le 31 août 2007, soit postérieurement au terme extinctif du compromis ; qu'en considérant néanmoins que la SCI DES MICHELS avait commis une faute à l'origine de la rupture des relations contractuelles motif pris de la saisine du tribunal administratif « aux seules fins d'empêcher la levée de la condition suspensive » relative à la purge de tous recours, quand le recours exercé par la SCI DES MICHELS était postérieur à la date butoir pour la réalisation des conditions suspensives, la cour d'appel a en toute hypothèse statué par un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1184 du code civil.


Moyen produit par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils, pour la société Alpha promotions, demanderesse au pourvoi incident



Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la SARL Alpha Promotions de la demande de dommages-intérêts qu'elle présentait contre la SCI Des Michels au titre de la perte d'une chance de réaliser les bénéfices attendus de la réalisation du lotissement que devait permettre le compromis du 4 juillet 2006, 



AUX MOTIFS QUE la perte d'une chance de réaliser un bénéfice ne constitue pas un préjudice direct et certain susceptible d'indemnisation ;



ALORS QUE la perte de chance de réaliser un bénéfice constitue un préjudice susceptible d'indemnisation ; qu'en statuant par les motifs ci-dessus, la cour a violé le d'appel a violé les articles 1147 et 1184 du Code civil, ensemble le principe de réparation intégrale."

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.