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samedi 26 octobre 2013

Les bijoux, l’hôtel, le vol et la responsabilité de l'hotelier

Voici un arrêt qui retient une responsabilité partielle du client de l’hôtelier :


"Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 27 janvier 2011), que M. et Mme X..., en séjour à l'hôtel La Bastide Saint-Antoine à Grasse, ont été victimes du vol des biens de valeur qu'ils avaient placés dans le coffre individuel mis à leur disposition, lequel a été arraché par des cambrioleurs qui se sont introduits dans la chambre sans effraction ; que les époux X... ont engagé une action en responsabilité contre la société Jacques Chibois exploitant l'établissement ;


Attendu que M. et Mme X... reprochent à l'arrêt de limiter leur indemnisation, alors, selon le moyen :

1°/ que la responsabilité de l'hôtelier est illimitée lorsqu'il a commis une faute de négligence en ne proposant pas à ses clients des conditions de sécurité que ces derniers sont en droit d'attendre d'un hôtel de catégorie de luxe ; qu'en écartant toute faute de l'hôtelier, en se contentant de relever, par des motifs inopérants, qu'il ne pouvait être exigé la mise en place d'une surveillance policière ni l'installation dans les chambres de coffres individuels scellés dans la maçonnerie, sans même vérifier si le système de surveillance offert par la société Jacques Chibois à ses clients était suffisant compte tenu de la catégorie de luxe de l'établissement qu'elle gérait et des besoins de la clientèle qui le fréquentait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1953 du code civil ;

2°/ que dans leurs dernières conclusions d'appel, les époux X... faisaient également valoir, comme l'avaient d'ailleurs souligné les premiers juges, que le personnel d'entretien de la société Jacques Chibois avait commis une faute en ne verrouillant pas la porte-fenêtre par laquelle s'étaient manifestement introduits les cambrioleurs ; qu'en ne répondant pas à ce chef opérant de conclusions, de nature à démontrer la responsabilité de l'hôtelier du fait de ses préposés, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que l'hôtelier ne peut être déchargé de sa responsabilité que lorsque la faute du client présente une particulière gravité ; que la cour d'appel a constaté que les époux X... avaient déposé leurs bijoux dans le coffre de la chambre de l'hôtel, ce dont il ressortait qu'ils avaient pris les précautions nécessaires ; qu'en considérant qu'ils avaient ainsi commis une faute et participé à leur propre dommage en déposant leurs bijoux dans le coffre mis à leur disposition dans leur chambre d'hôtel, la cour d'appel a violé l'article 1953 du code civil ;

4°/ qu'une clause limitative de responsabilité n'est valable qu'à la condition d'apporter la preuve que les clients en ont pris connaissance et qu'ils l'ont acceptée ; qu'en se contentant de relever que « des avertissements avaient été affichés dans les chambres, invitant les clients à ne conserver dans les coffres des chambres que des valeurs inférieures à 22 400 euros », la cour d'appel n'a constaté ni que cet avertissement figurait dans la chambre occupée par les époux X..., ni que ceux-ci avaient, à titre personnel, pris connaissance de cet avertissement lors de leur séjour dans l'établissement La Bastide Saint-Antoine ni qu'ils l'avaient accepté ; qu'en décidant néanmoins que les époux X... avaient commis une faute en déposant les bijoux dans le coffre de leur chambre et participé à leur propre dommage, la cour d'appel a violé l'article 1953 du code civil ;

5°/ que les dommages-intérêts dus au voyageur sont, à l'exclusion de toute limitation conventionnelle inférieure, limités à l'équivalent de cent fois le prix de la location du logement par journée ; qu'en fixant néanmoins le montant de la réparation due par la société Jacques Chibois à la somme de 22 400 euros, cependant que celui-ci ne pouvait être inférieur au montant légal forfaitaire, évalué en l'espèce à la somme de 61 000 euros, la cour d'appel a violé l'article 1953, alinéa 3, du code civil ;

6°/ que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans faire l'analyse, même sommaire, de tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en retenant que les époux X... ne fournissaient aucune facture nominative relative aux objets qu'ils prétendaient avoir perdus, cependant que ceux-ci produisaient les certificats d'authenticité et attestations de valeur des bijoux ainsi que la facture de l'appareil photo, la cour d'appel, qui n'a pas examiné les documents produits par les époux X..., de nature à justifier le montant du préjudice qu'ils avaient subi, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant, d'une part, énoncé à bon droit que la faute du client, lorsqu'elle revêt une certaine gravité, exonère, totalement ou partiellement en fonction de son influence causale, l'hôtelier de sa propre responsabilité et, d'autre part, relevé qu'à défaut de justificatifs permettant de déterminer la valeur exacte des biens dérobés, il était impossible de vérifier l'ampleur réelle du préjudice subi, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de s'expliquer sur les éléments de preuve écartés, a constaté que les époux X... ne s'étaient pas conformés aux consignes de sécurité affichées dans les chambres invitant les clients à déposer dans le coffre-fort de l'hôtel leurs biens d'une valeur supérieure ou égale à 22 400 euros ; qu'elle a pu en déduire qu'ils avaient ainsi commis une faute ayant contribué à la réalisation de leur préjudice pour la fraction excédant cette somme ; que par ces seuls motifs, l'arrêt est légalement justifié ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. et Mme X... ; les condamne à payer à la société Jacques Chibois la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze juin deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Bénabent, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X...

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué, après avoir déclaré la SARL JACQUES CHIBOIS responsable du dommage subi par Monsieur et Madame X... à la suite du vol dont ils ont été victimes à GRASSE le 3 janvier 2008, d'avoir limité à 22.410 euros le montant des réparations auxquelles ces derniers pouvaient prétendre ;

AUX MOTIFS QUE « ainsi que le soutient la SARL JACQUES CHIBOIS, aucune remise n'a été faite à l'hôtelier par les époux X..., puisque ceux-ci ont loué un coffre individuel dont ils sont restés les seuls utilisateurs. Cette situation a pour conséquence de leur rendre applicable le troisième alinéa de l'article 1953 du code civil, à l'exclusion de l'alinéa 2 second de ce même article ; que dans ce cas, la responsabilité de l'hôtelier est limitée à un montant fixé à cent fois « le prix de la location du logement par journée, soit 610 x 100 = 61.000,00 euros », étant entendu qu'il s'agit d'une limite maximale, n'excluant pas que l'indemnisation soit moindre, mais qu'elle peut, en revanche être dépassée « lorsque le voyageur démontre que le préjudice qu'il a subi résulte d'une faute de celui qui l'héberge ou des personnes dont ce dernier doit répondre » ; que le tribunal a admis l'existence d'une telle faute, laquelle consisterait dans l'absence de « mesures de sécurité appropriées pour la surveillance de l'établissement », et « pour la sécurisation du coffre-fort ». La nature des précautions qu'aurait dû prendre la SARL CHIBOIS n'est pas précisée dans la décision, mais les époux X... lui font grief de ne posséder « …ni système de surveillance quelconque (par exemple par vidéo caméra), ni service de gardiennage ». Ils estiment d'autre part que le coffre de leur chambre était « mal fixé et facilement détachable » ; que cependant, il ne peut être exigé dans un hôtel la mise en place d'une surveillance policière, ni l'installation dans les chambres de coffres individuels scellés dans la maçonnerie ; que de son côté, la SARL BASTIDE SAINT ANTOINE fait valoir que les époux X... auraient commis eux-mêmes une faute, qui l'exonérait de sa responsabilité, en conservant dans le coffre individuel d'une chambre des valeurs anormalement élevées pour ce type de protection, alors qu'un avertissement, porté à la connaissance de la clientèle par un affichage dans les chambres (sur la notice placardée derrière les portes), invitait celle-ci à ne conserver dans ces coffres que des valeurs inférieures à 22.400,00 euros, et à déposer au coffre-fort de l'hôtel, tout objet plus précieux. Or, une telle exonération est notoirement admise, en présence d'une faute d'une certaine gravité, et, si elle est admise, il revient alors au juge de déterminer son degré d'influence sur la réalisation du dommage ; que dans le cas d'espèce, il est établi, par une série d'attestations obtenues auprès de la clientèle de l'hôtel, qu'il existe effectivement des avertissements affichés dans les chambres, et donnés dans le sens indiqué par l'appelante ; que d'autre part, les époux X... ne fournissent aucune facture nominative relative aux objets qu'ils prétendent avoir perdus, qui, selon leurs dires, n'étaient couverts par aucune assurance particulière, en sorte qu'il n'existe aucun moyen de vérifier l'ampleur du préjudice allégué. Par ailleurs, tout en faisant peser sur l'hôtelier un risque injustifié échappant à toute possibilité d'évaluation, leur comportement, a déjoué les seules précautions susceptibles d'être prises par l'hôtelier, afin de protéger sa propre responsabilité, et qui consistaient à faire couvrir par une assurance les vols, jusqu'à concurrence d'un montant correspondant à la valeur des bagages habituellement apportés par les clients d'un hôtel, tout en se chargeant lui-même, et contre récépissé, de la conservation des biens nécessitant des précautions particulières ; qu'ainsi, à supposer qu'il aient effectivement placé dans le coffre de leur chambre des objets d'une valeur totale de 146.149,00 euros, comme ils le prétendent, ils ont alors concouru à la réalisation de leur dommage, pour un montant égal à 146.149,00–22.410,00 = 113.739,00 euros, en sorte qu'il convient de réformer le jugement entrepris sur le montant des réparations qui leur ont été allouées par le premier juge, et qui seront limitées à la somme de 22.410,00 euros, qui n'aurait pas dû être dépassée » ;

1°) ALORS QUE la responsabilité de l'hôtelier est illimitée lorsqu'il a commis une faute de négligence en ne proposant pas à ses clients des conditions de sécurité que ces derniers sont en droit d'attendre d'un hôtel de catégorie de luxe ; qu'en écartant toute faute de l'hôtelier, en se contentant de relever, par des motifs inopérants, qu'il ne pouvait être exigé la mise en place d'une surveillance policière ni l'installation dans les chambres de coffres individuels scellés dans la maçonnerie, sans même vérifier si le système de surveillance offert par la SARL JACQUES CHIBOIS à ses clients était suffisant compte tenu de la catégorie de luxe de l'établissement qu'elle gérait et des besoins de la clientèle qui le fréquentait, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1953 du Code civil ;

2°) ALORS QUE dans leurs dernières conclusions d'appel (pages 12 et 13 de leurs conclusions du 19 août 2010), les époux X... faisaient également valoir, comme l'avaient d'ailleurs souligné les premiers juges, que le personnel d'entretien de la SARL JACQUES CHIBOIS avait commis une faute en ne verrouillant pas la porte fenêtre par laquelle s'étaient manifestement introduits les cambrioleurs ; qu'en ne répondant pas à ce chef opérant de conclusions, de nature à démontrer la responsabilité de l'hôtelier du fait de ses préposés, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE l'hôtelier ne peut être déchargé de sa responsabilité que lorsque la faute du client présente une particulière gravité ; que la Cour a constaté que les époux X... avaient déposé leurs bijoux dans le coffre de la chambre de l'hôtel, ce dont il ressortait qu'ils avaient pris les précautions nécessaires ; qu'en considérant qu'ils avaient ainsi commis une faute et participé à leur propre dommage en déposant leurs bijoux dans le coffre mis à leur disposition dans leur chambre d'hôtel, la Cour d'appel a violé l'article 1953 du Code civil ;

4°) ALORS QU' une clause limitative de responsabilité n'est valable qu'à la condition d'apporter la preuve que les clients en ont pris connaissance et qu'ils l'ont acceptée ; qu'en se contentant de relever que « des avertissements avaient été affichés dans les chambres, invitant les clients à ne conserver dans les coffres des chambres que des valeurs inférieures à 22.400 euros », la Cour d'appel n'a constaté ni que cet avertissement figurait dans la chambre occupée par les époux X..., ni que ceux-ci avaient, à titre personnel, pris connaissance de cet avertissement lors de leur séjour dans l'établissement LA BASTIDE SAINT ANTOINE ni qu'ils l'avaient accepté ; qu'en décidant néanmoins que les époux X... avaient commis une faute en déposant les bijoux dans le coffre de leur chambre et participé à leur propre dommage, la Cour d'appel a violé l'article 1953 du Code civil ;

5°) ALORS QU'EN TOUT ETAT DE CAUSE les dommages et intérêts dus au voyageur sont, à l'exclusion de toute limitation conventionnelle inférieure, limités à l'équivalent de cent fois le prix de la location du logement par journée ; qu'en fixant néanmoins le montant de la réparation due par la SARL JACQUES CHIBOIS à la somme de 22.400 euros, cependant que celui-ci ne pouvait être inférieur au montant légal forfaitaire, évalué en l'espèce à la somme de 61.000 euros, la Cour d'appel a violé l'article 1953 alinéa 3 du Code civil ;

6°) ALORS QU'ENFIN les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans faire l'analyse, même sommaire, de tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en retenant que les époux X... ne fournissaient aucune facture nominative relative aux objets qu'ils prétendaient avoir perdus, cependant que ceux-ci produisaient les certificats d'authenticité et attestations de valeur des bijoux ainsi que la facture de l'appareil photo, la Cour d'appel, qui n'a pas examiné les documents produits par les époux X..., de nature à justifier le montant du préjudice qu'ils avaient subi, a violé l'article 455 du Code de procédure civile."

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