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samedi 23 novembre 2013

Géolocalisation, vie privée et droits de l'homme

Un arrêt sur la question de la géolocalisation et son contrôle par le juge :


"Statuant sur le pourvoi formé par :



- M. Mohamed X...,



contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 1re section, en date du 28 février 2013, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs, notamment, d'association de malfaiteurs en vue de la préparation d'actes de terrorisme, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure ;


La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 8 octobre 2013 où étaient présents : M. Louvel président, M. Straehli conseiller rapporteur, Mme Guirimand, MM. Beauvais, Guérin, Finidori, Monfort, Buisson, Germain, conseillers de la chambre, Mme Moreau, MM. Maziau, Barbier, Talabardon, conseillers référendaires ;


Avocat général : M. Desportes ;


Greffier de chambre : Mme Leprey ;


Sur le rapport de M. le conseiller STRAEHLI, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DESPORTES, Me FARGE ayant eu la parole en dernier ;


Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 26 avril 2013, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;


Vu le mémoire produit ;


Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, dans une enquête ouverte pour association de malfaiteurs constituée en vue de la préparation d'actes de terrorisme, les officiers de police judiciaire, autorisés par le procureur de la République, ont adressé à des opérateurs de téléphonie deux demandes de localisation géographique en temps réel, dite " géolocalisation ", des téléphones mobiles utilisés par M. X..., seule la seconde ayant été effective ; que, par ailleurs, des réquisitions ont été envoyées à des opérateurs aux fins d'obtenir des renseignements en leur possession relatifs à des adresses électroniques ; qu'il a été procédé, dans le même temps, avec l'autorisation du juge des libertés et de la détention, à des interceptions de communications téléphoniques sur des lignes utilisées par M. X... ;


Attendu qu'après ouverture d'une information auprès du juge d'instruction spécialisé du tribunal de grande instance de Paris, de nouvelles mesures de " géolocalisation " des téléphones mobiles ont été pratiquées en exécution d'une commission rogatoire délivrée par ce magistrat ; que M. X..., alors dans le département de la Loire Atlantique, a été interpellé à son domicile et immédiatement placé en garde à vue ; que cette mesure a été prolongée par le juge d'instruction au tribunal de grande instance de Nantes, sans présentation préalable de l'intéressé à ce magistrat ; que durant la garde à vue, une perquisition a été effectuée au domicile de M. X..., en sa présence ;


Attendu que, mis en examen le 3 avril 2012, M. X... a présenté, le 19 septembre 2012, une requête aux fins d'annulation d'actes de la procédure ;


En cet état ;


Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 81 du code de procédure pénale, 593 du même code, défaut de motifs, manque de base légale ;


" en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure examinée jusqu'à la cote D 3304, rejetant ainsi la demande de nullité des mesures prévoyant la géo-localisation de M. X... et des actes subséquents dans le cadre de l'instruction,


" aux motifs qu'il est soutenu par le requérant que les officiers de police judiciaire, agissant en vertu des articles 151 et suivants du code de procédure pénale en application de la commission rogatoire délivrée par Mme Z... le 8 mars 2012, ne pouvait pas plus requérir des opérateurs de télécommunications la mise en place de mesures de géo-localisation et ce, sur ce même fondement de l'article 8 de la Convention européenne ; qu'il résulte de l'examen de la procédure qu'en application de ce texte et agissant en exécution d'une commission rogatoire délivrée le 8 mars 2012, les enquêteurs ont adressé des réquisitions les 16 et 27 mars 2012 à différents opérateurs via le suivi « Deveryware » et à la société Deveryware aux fins de mettre en place un suivi dynamique de sept lignes correspondant à des téléphones portables ; qu'il résulte des dispositions de l'article 81 du code de procédure pénale que « Le juge d'instruction procède, conformément à la loi, à tous les actes d'information qu'il juge utiles à la manifestation de la vérité » ; que le recours à des surveillances par géo-localisation est justifié par ces dispositions ; que ces surveillances ont été ordonnées dans le cadre d'une information judiciaire ouverte contre X des chefs d'association de malfaiteurs en vue de la préparation d'actes de terrorisme, les informations recueillies par la DCRI rappelées ci-dessus pouvant laisser craindre la préparation d'actes de terrorisme ; qu'elles ont été réalisées sous le contrôle du juge et que les procès-verbaux relatant ces opérations ont été versés au dossier et peuvent être contradictoirement discutés par le requérant ; que les surveillances des différentes lignes, telles qu'elles ont été effectuées, sous le contrôle d'un juge constituant une garantie suffisante contre l'arbitraire, étaient proportionnées au but poursuivi, s'agissant d'une association de malfaiteurs en vue de préparer des actes de terrorisme, portant gravement atteinte à l'ordre public, et nécessaire au sens de l'article 8 § 2 de la Convention européenne des droits de l'homme ; que les motifs exposés précédemment quant à l'applicabilité de l'article 77-1-1 du Code de procédure pénale peuvent être repris au soutien du présent moyen sur la base de l'article 81 du même code et qu'il convient de considérer que sont donc caractérisées la prévisibilité et l'accessibilité à la loi, mais aussi la proportionnalité de l'ingérence réalisée dans l'exercice du droit au respect de la vie privée ; que le moyen sera en conséquence rejeté ;


" 1°) alors qu'une mesure dite de « géo-localisation » consistant à surveiller les déplacements d'une personne par le suivi de son téléphone mobile constitue une ingérence dans la vie privée de cette personne, qui ne peut être légalement effectuée que dans les conditions prévues par l'article 8, alinéa 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que l'ingérence doit donc être prévue par une loi présentant les qualités requises par la jurisprudence de la Cour européenne dans son interprétation de l'article 8 alinéa 2, indépendamment du caractère proportionné ou nécessaire de la mesure qui est par ailleurs et cumulativement requis ; qu'il est constant qu'aucune loi ne prévoit ni n'organise la surveillance des téléphones portables et de leurs déplacements ; que la seule circonstance que la mesure est placée sous le contrôle du juge d'instruction ne peut pallier l'absence de loi suffisamment précise, accessible, prévisible et émanant d'un organe compétent pour la créer ; que ne répond pas à ces exigence le texte général de l'article 81 du code de procédure pénale ; que la chambre de l'instruction a violé l'article 8, alinéa 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et l'article 81 du code de procédure pénale par fausse application ;


" 2°) alors qu'une loi ne répond aux qualités requises par l'article 8, alinéa 2, de la Convention pour justifier une ingérence dans la vie privée qu'à condition de prévoir des limites, notamment dans le temps, aux mesures de surveillance et d'en organiser la fin ou l'extinction ; que la chambre de l'instruction a, en validant les géo-localisations contestées, violé les textes susvisés " ;


Attendu que, pour écarter le moyen de nullité pris du défaut de fondement légal de la mise en place, par les opérateurs de téléphonie, d'un dispositif technique, dit de " géolocalisation ", permettant, à partir du suivi des téléphones de M. X..., de surveiller ses déplacements en temps réel, l'arrêt retient, notamment, que cette surveillance, fondée sur l'article 81 du code de procédure pénale, répond aux exigences de prévisibilité et d'accessibilité de la loi et qu'elle a été effectuée sous le contrôle d'un juge constituant une garantie suffisante contre l'arbitraire ; que les juges ajoutent que cette ingérence dans la vie privée de la personne concernée était proportionnée au but poursuivi, s'agissant d'une association de malfaiteurs en vue de préparer des actes de terrorisme portant gravement atteinte à l'ordre public, et qu'elle était nécessaire au sens de l'article 8 § 2 de la Convention européenne des droits de l'homme ;


Attendu qu'en prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a fait l'exacte application du texte conventionnel invoqué ;


D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;


Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 34-1 § VI du code des postes et télécommunications, 77-1-1 et 99-3 du code de procédure pénale par fausse application, 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des Libertés fondamentales, défaut de motifs, manque de base légale ;


" en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure examinée jusqu'à la cote D 3304, rejetant ainsi la demande de nullité des réquisitions du contenu des adresses e-mail utilisées par M. X... et de l'ensemble des actes subséquents ;


" aux motifs qu'il résulte de l'examen des pièces de la procédure que des réquisitions ont été effectuées par les enquêteurs en date des 2 novembre 2011 (D 26) et 12 janvier 2012 (D 268) en enquête préliminaire sur autorisation du procureur de la République, et le 14 mars 2012 (D 958) sur commission rogatoire de Mme Z... délivrée le 8 mars 2012, sollicitant différents opérateurs de bien vouloir fournir les renseignements suivants relatifs à un certain nombre d'adresses mail : 
«- logs de connexion pour cette adresse de messagerie ;
- fiche d'inscription et tous renseignements concernant le créateur de l'adresse ;
- le détail de tous les contacts (adresse électronique et identités) qui apparaissent dans les e-mails ou dans la rubrique « contact » de la boîte aux lettres associées à ladite adresse électronique ;
- les coordonnées bancaires si la personne a souscrit à un service payant ;
- les détails, l'historique et les contenus de tous les messages envoyés et reçus, comprenant, également les messages éliminés en relation avec la même adresse précitée » ; qu'il était réceptionné les 12 janvier (D 268) et 28 février 2012 (D 27) les renseignements demandés en enquête préliminaire, transmis par voie électronique par la société Microsoft France ; qu'en raison du volume des données reçues, les policiers précisaient que celles-ci seraient enregistrées ultérieurement sur support informatique en vue de leur placement sous scellé ; qu'une copie de travail de l'intégralité de ces données était réalisée en vue de leur exploitation ultérieure qui ferait l'objet d'un procès-verbal distinct ; que le 21 mars 2012, il était procédé à une exploitation partielle de l'adresse électronique spitation @ hotmail. fr utilisée par M. X... concernant le formulaire de création, les courriers électroniques, ainsi que le carnet d'adresses ; que les enquêteurs relevaient que le 14 octobre 2011 était réceptionné un mail en provenance de l'adresse électronique C... 31100 @ live. fr, d'origine pakistanaise ; que ce courriel, dont ils précisaient qu'ils n'avaient pas le contenu, comportait neuf autres destinataires qui étaient précisément listés (D895) ; qu'il ne résulte pas de l'examen des pièces dont il est sollicité l'annulation que les dispositions par l'article 34-1 VI du code des postes et communications électroniques aient été enfreintes et que le contenu d'un quelconque courriel figure dans les pièces du dossier sous quelque forme que ce soit, les allégations du requérant relatives à une prise de connaissance par les enquêteurs des correspondances transmises par les opérateurs pour les utiliser, sans que ces échanges de communication n'aient pu être débattus contradictoirement, étant sans fondement ; que les articles 77-1-1 et 99-3 du code de procédure pénale permettent aux enquêteurs, tant en enquête préliminaire qu'au cours d'une information judiciaire, « par tout moyen, de requérir de toute personne, de tout établissement ou organisme privé ou public, ou de toute administration publique qui sont susceptibles de détenir des documents intéressant l'instruction, y compris ceux issus d'un système informatique ou d'un traitement de données nominatives, de lui remettre ces documents, notamment sous forme numérique, sans que puisse lui être opposée, sans motif légitime, l'obligation au secret professionnel » ; que Mohamed X... ne saurait se prévaloir d'une prétendue atteinte au droit au respect de sa vie privée et au secret de sa correspondance prévus par les articles 8 et 10 de la Convention européenne des droits de l'homme relatifs, qui ont été respectés en l'espèce ; qu'il convient en conséquence de rejeter ce moyen de nullité ;


" 1°) alors qu'il est constant qu'aux termes de l'article L. 34-1 VI du code des postes et télécommunications, les données conservées par les opérateurs de communications électroniques ne peuvent en aucun cas porter sur le contenu des correspondances échangées ou des informations consultées, de sorte que sont nulles des réquisitions tendant à l'obtention de telles informations, que ce soit en enquête préliminaire ou en cours d'instruction ; qu'en refusant d'annuler des réquisitions délivrées d'abord sur autorisation du procureur de la République en enquête préliminaire, puis sur commission rogatoire du juge d'instruction, tendant à la fourniture de renseignements relatifs à un certain nombre d'adresses mail, dont « les détails, l'historique et les contenus de tous les messages envoyés et reçus comprenant également les messages éliminés », peu important que ces réquisitions illégales en elles-mêmes aient été suivies des faits, la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés ;


" 2°) alors que l'article 77-1-1 du code de procédure pénale n'autorise que la remise de documents émanant d'un système informatique, ce qui exclut la communication de messages ; que la chambre de l'instruction a violé ce texte ;


" 3°) alors que l'accès au contenu même de messages reçus ou envoyés par un moyen électronique constitue une ingérence dans la vie privée qui ne peut être légalement instaurée que par une loi présentant des qualités suffisantes de clarté, d'accessibilité, de prévisibilité et émanant d'un organe compétent pour l'émettre ; que ne constituent pas une loi, au sens de l'article 8, alinéa 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les textes généraux des articles 77-1-1 et 99-3 du code de procédure pénale, relatifs aux pouvoirs généraux d'enquête des officiers de police judiciaire ; que la chambre de l'instruction a encore violé les textes susvisés ;


" 4°) alors qu'en l'absence d'autorisation expresse du Parquet pendant l'enquête préliminaire et de commission rogatoire expresse émanant du juge d'instruction pendant l'instruction, de procéder à de telles réquisitions, les mesures n'ont pas été placées sous le contrôle de l'autorité judiciaire au sens de l'article 8, alinéa 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui a encore ainsi été violé, d'autant plus en enquête préliminaire que le parquet ne présente pas les caractéristiques d'une autorité judiciaire au sens du texte précité ;


" 5°) alors que la chambre de l'instruction ne pouvait, sans contradiction, affirmer d'un côté qu'il ne résulte pas de l'examen des pièces que le contenu d'un quelconque courriel figure dans les pièces du dossier sous quelque forme que ce soit, et relever par ailleurs que les enquêteurs avaient réceptionné notamment un mail le 14 octobre 2011 ; que la circonstance que le contenu des courriels irrégulièrement reçus n'ait pas été repris dans une pièce de procédure, loin de valider celle-ci, n'en fait qu'en consacrer la nullité, la prise de connaissance des messages, interdite en elle-même, étant de surcroît dissimulée ; que la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés et les droits de la défense " ;


Attendu que, pour rejeter le moyen de nullité pris de l'irrégularité, au regard des dispositions de l'article 34-1, VI, du code des postes et télécommunications électroniques, des réquisitions délivrées aux fins d'obtenir des renseignements relatifs à des adresses électroniques en ce qu'il était demandé également aux détenteurs des données de fournir le contenu des messages envoyés et reçus, l'arrêt retient que, selon les mentions des procès-verbaux, et en l'absence de transcription d'un quelconque message en procédure, ce contenu n'a pas été porté à la connaissance des enquêteurs ; que les juges ajoutent qu'ainsi, il n'a pas été porté atteinte ni à la vie privée, ni au secret des correspondances à l'égard de M. X... ;


Attendu qu'en statuant de la sorte et dès lors que l'irrégularité invoquée n'a pas eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la personne concernée, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;


D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;


Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 706, 95, 100 § 2, 100-1, 100-3 à 100-7, 593 du code de procédure pénale, 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut de motifs, manque de base légale ;


" en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure examinée jusqu'à la cote D 3304, rejetant ainsi la demande de nullité des interceptions téléphoniques de deux lignes téléphoniques particulières utilisées par M. X..., et de l'ensemble des actes subséquents dont les écoutes de trois autres lignes obtenues à la suite des premières écoutes irrégulières ;


" aux motifs qu'il résulte de l'examen des pièces de la procédure que par deux décisions du 3 novembre 2011, le juge des libertés et de la détention a autorisé, au visa de l'article 706-95 du code de procédure pénale, l'interception des correspondances téléphoniques des lignes 06. 78. 06. 25. 78, attribuée à l'association CADUT et utilisée par M. X..., et 09. 52. 27. 88. 55 attribuée à Christy A... et utilisée par M. X... ; que ces décisions visaient des rapports du capitaine de police B..., sollicitant la délivrance d'autorisation d'interceptions de communications en date du 2 novembre 2011, et des requêtes du procureur de la République en date du 3 novembre 2011 aux fins d'autorisation d'interception, d'enregistrement et de transcription de correspondances émises par la voie des télécommunications, contenant chacun les éléments de faits précis et circonstanciés recueillis au fil des investigations, éléments à l'origine des demandes d'interception ; que reprenant par visa ces pièces, le juge des libertés et de la détention a précisé que les surveillances téléphoniques sollicitées étaient de nature à servir la manifestation de la vérité ; que ce magistrat a été régulièrement tenu informé par le parquet, conformément au dernier alinéa de l'article 706-95 du code de procédure pénale ; qu'il résulte de l'article 706-95 du code de procédure pénale que « Si les nécessités de l'enquête de flagrance ou de l'enquête préliminaire relative à l'une des infractions entrant dans le champ d'application de l'article 706-73 l'exigent, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance peut, à la requête du procureur de la République, autoriser l'interception, l'enregistrement et la transcription de correspondances émises par la voie des télécommunications selon les modalités prévues par les articles 100, deuxième alinéa, 100-1 et 100-3 à 100-7, pour une durée maximum d'un mois, renouvelable une fois dans les mêmes conditions de forme et de durée ; que ces opérations sont faites sous le contrôle du juge des libertés et de la détention » ; que selon les dispositions de l'article 100, alinéa 2, dudit code, la décision d'interception est écrite, qu'elle n'a pas de caractère juridictionnel et n'est susceptible d'aucun recours ; que dès lors, le juge des libertés et de la détention n'avait pas à motiver sa décision ; que les deux conditions à l'ingérence que constitue une écoute téléphonique, c'est-à-dire être « prévue par la loi » et « poursuivre un but légitime nécessaire dans une société démocratique », ont été en l'espèce respectées dès lors que les modalités des articles 100 à 100-7 du code de procédure pénale ont été respectées et que l'on se trouvait, en présence d'une infraction d'association de malfaiteurs en vue de préparer des actes de terrorisme entrant dans le champ d'application de l'article 706-73 15° du même code ; que le juge des libertés et de la détention a exercé un contrôle effectif des éléments d'enquête joints à sa décision tout en ayant apprécié leur légitimité, leur nécessité et leur proportionnalité et ce, contrairement à ce qui est allégué par le requérant, sans qu'il n'ait été porté une quelconque atteinte à l'exercice des droits protégés par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ;


" alors que le caractère effectif et concret du contrôle que doit porter l'autorité judiciaire sur les conditions de mise en oeuvre de l'ingérence dans la vie privée que constitue une écoute téléphonique ne peut être acquis que dans la mesure où la décision d'interception est motivée et s'explique sur lesdites conditions de mise en oeuvre ; que faute d'une telle motivation, l'appréciation de ces conditions par le juge des libertés et de la détention ne peut être purement et simplement présumée ; que la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés " ;


Attendu que, pour rejeter le moyen de nullité pris du défaut de motivation des décisions d'autorisation des interceptions de correspondances téléphoniques rendues par le juge des libertés et de la détention, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;


Attendu qu'en se déterminant ainsi, les juges ont fait une exacte application des textes légaux susvisés, qui ne prévoient pas une telle motivation, lesquels ne sont pas contraires aux dispositions conventionnelles invoquées dès lors que les écoutes téléphoniques constituent une ingérence nécessaire dans une société démocratique, pour lutter contre la délinquance, que ces mesures sont autorisées par un juge qui doit être tenu informé de leur exécution, qu'elles répondent à des exigences précises, énoncées par les articles 100 à 100-5 du code de procédure pénale, dont la méconnaissance peut être sanctionnée par la nullité ;


D'où il suit que le moyen doit être écarté ;


Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles 5 et 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 63-1, 63-3-1, 63-4, 63-4-2 du code de procédure pénale, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;


" en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure examinée jusqu'à la cote D 3304, rejetant ainsi la demande de nullité de la perquisition D 904 et des actes subséquents ;


" aux motifs qu'il résulte des pièces de la procédure que M. X... a été placé en garde à vue le 30 mars 2012 à 6 h 05 dans le cadre d'une commission rogatoire délivrée par Mme Z... le 8 mars 2012, pour des faits « d'association de malfaiteurs en vue de la préparation d'actes de terrorisme », ses droits lui étant notifiés à 6h20 ; que le même jour à partir de 8h00, son domicile, situé au... (44), a fait l'objet d'une perquisition ; que l'avocat de M. X... n'a pas assisté son client lors de cette perquisition ; que l'assistance de l'avocat en garde à vue n'est prévue par le code de procédure pénale que pour les auditions et confrontations ; que l'absence du conseil lors de cette phase d'enquête ne porte pas atteinte au principe de l'équité de la procédure prévu par l'article 6 de la Convention européenne dans la mesure où le gardé à vue n'a pas à consentir à la perquisition et qu'il n'est pas interrogé lors de cet acte, les objets saisis n'étant représentés à la personne que « pour reconnaissance », étant précisé que le droit de se taire lui avait été en outre notifié dans le cadre de sa garde à vue ; que la présence d'un conseil ne modifierait donc en rien le déroulement de la perquisition ; qu'il ne saurait être admis que la seule absence de l'avocat lors d'une perquisition ait pu influencer en elle-même, à ce stade de la procédure, le caractère équitable du procès ; que la conformité d'un procès aux exigences de l'article 6 de la Convention doit en principe être examinée sur la base de la procédure pénale dans son ensemble, à savoir une fois celle-ci terminée ;


" 1°) alors que la circonstance ¿ à la supposer exacte ¿ que le droit français puisse exclure la présence de l'avocat lors des perquisitions faites chez le gardé à vue, constitue une violation des articles 5 et 6 de la Convention européenne ; que ces textes ne peuvent donc recevoir application dans cette mesure ;


" 2°) alors que la personne gardée à vue ne peut être interrogée en dehors de la présence de son avocat ; que des interrogations répétées, au cours d'une perquisition, sur l'appartenance ou la propriété des objets découverts au domicile de cette personne, puis saisis par les officiers de police judiciaire, constituent un interrogatoire exigeant la présence d'un conseil et pouvant aboutir à des déclarations conduisant l'intéressé à sa propre incrimination ; qu'en validant les opérations de perquisition au cours desquelles, à de très nombreuses reprises, M. X... a été interrogé sur la propriété des objets trouvés à son domicile, la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés et les droits de la défense ;


" 3°) alors qu'en toute hypothèse, faute de vérifier si les questions posées à M. X... pendant la perquisition relevaient d'un interrogatoire nécessitant la présence de son conseil, la chambre de l'instruction a privé sa décision de toute base légale " ;


Attendu que, pour rejeter le moyen de nullité pris des réponses faites par M. X..., hors la présence de son avocat, aux questions qui lui étaient posées par les officiers de police judiciaire durant la perquisition, l'arrêt retient que l'assistance de l'avocat, au cours de la garde à vue n'est prévue par le code de procédure pénale que pour les auditions et confrontations ; que les juges ajoutent que l'absence de l'avocat lors de la perquisition n'a pas porté pas atteinte au droit de M. X... à un procès équitable, les objets saisis ne lui ayant été représentés qu'en vue d'une reconnaissance et non à l'occasion d'un interrogatoire et qu'il avait été informé de son droit de se taire ;


Attendu qu'en prononçant ainsi, conformément à l'article 54, dernier alinéa, du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction a fait l'exacte application des textes visés au moyen, lequel, dès lors, ne saurait être accueilli ;


Sur le sixième moyen de cassation, pris de la violation des articles 154, 63-9 du code de procédure pénale, 593 du même code, défaut de motifs, manque de base légale, excès de pouvoir ;


" en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure examinée jusqu'à la cote D 3304, rejetant ainsi le moyen de nullité de la prolongation de la garde à vue de M. X... ordonnée le 31 mars 2012 par le juge d'instruction de Nantes, tiré de l'incompétence territoriale de ce magistrat ;


" aux motifs qu'il est soulevé par mémoire, l'incompétence du juge d'instruction du tribunal de grande instance de Nantes en raison de l'abrogation des dispositions de l'article 154 du code de procédure pénale par la loi du 14 avril 2011, qui renvoie aux dispositions des articles 62-2 à 64-1 et 63 II prévoyant que la présentation peut être réalisée par l'utilisation d'un moyen de télécommunication audiovisuelle ; que l'article 154 prévoit que « Les dispositions des articles 62-2 à 64-1 relatives à la garde à vue sont applicables lors de l'exécution des commissions rogatoires. Les attributions conférées au procureur de la République par ces articles sont alors exercées par le juge d'instruction » ; que l'article 63-9 précise que « Le procureur de la République compétent pour être avisé des placements en garde à vue, en contrôler le déroulement, en ordonner la prolongation et décider de l'issue de la mesure est celui sous la direction duquel l'enquête est menée ; que toutefois, le procureur de la République du lieu où est exécutée la garde à vue est également compétent pour la contrôler et en ordonner la prolongation » ; qu'il résulte de ces dispositions que le juge d'instruction du Tribunal de grande instance de Nantes, a régulièrement prolongé la garde à vue de Mohamed X... le 30 mars 20 12 à compter du 31 mars 20 12 et que contrairement à ce qui est soutenu par le conseil du requérant qui interprète la volonté du législateur, le mécanisme de la visioconférence ne vient pas substituer une disposition abrogée, les termes du nouvel article 63-9 créé par la loi du 14 avril 2011 ne faisant que reprendre, sur ce point particulier, les dispositions antérieures ; qu'il n'y a en conséquence pas lieu à annulation de la prolongation de garde à vue ;


" 1°) alors que la garde à vue s'effectue sous le contrôle du magistrat (Parquet ou juge d'instruction) sous la direction duquel l'enquête est menée ; que la compétence territoriale du magistrat instructeur ne se présume pas ; que si l'article 154 du code de procédure pénale renvoie notamment à l'article 63-9 du même code en ce qui concerne le contrôle de la garde à vue, la prorogation de compétence accordée par ce dernier texte dans son deuxième alinéa au procureur de la République du lieu où est exercée la garde à vue ne saurait être, en l'absence de renvoi exprès à une telle prorogation de compétence au profit d'un magistrat instructeur, étendue en matière d'instruction ; qu'en retenant la compétence du magistrat instructeur de Nantes, sollicité par les officiers de police judiciaire pour obtenir la prorogation de la garde à vue de M. X..., concurremment avec celle du magistrat parisien, sous le contrôle duquel l'information était menée, la chambre de l'instruction a méconnu les règles susvisées et consacré un excès de pouvoir ;


" 2°) alors qu'en toute hypothèse, la prorogation de compétence prévue par l'article 63-9, alinéa 2, du code de procédure pénale, à la supposer transposable en matière d'instruction, ne peut être appliquée que dans la mesure où le magistrat instructeur, sous l'égide duquel l'information est suivie, accepte cette prorogation et que soit dévolu à un autre que lui le pouvoir de décider de la prolongation de la garde à vue ; qu'en l'absence de toute délégation confiée par les magistrats instructeurs à d'autres qu'eux-mêmes dans leurs commissions rogatoires, et de toute acceptation spécifique d'un transfert de leur propre compétence d'ordonner la prolongation de la garde à vue au profit du juge d'instruction nantais, ce dernier a excédé ses pouvoirs, et que la chambre de l'instruction a consacré cet excès de pouvoir ; que son arrêt doit être annulé " ;


Attendu que, pour déclarer régulière la prolongation de la garde à vue de M. X... par le juge d'instruction du tribunal de grande instance de Nantes, dans le ressort duquel se déroulait la mesure, l'arrêt retient qu'aux termes de l'article 154 du code de procédure pénale, les dispositions des articles 62-2 à 64-1 du même code relatives à la garde à vue sont applicables lors de l'exécution des commissions rogatoires et que les attributions conférées au procureur de la République par ces textes sont alors exercées par le juge d'instruction ; que les juges en déduisent que le second alinéa de l'article 63-9, selon lequel le procureur de la République du lieu où est exécutée la garde à vue est compétent, comme celui sous la direction duquel l'enquête est menée, pour la contrôler et en ordonner la prolongation, est applicable lorsque la mesure intervient en exécution d'une commission rogatoire, les magistrats concernés étant alors le juge d'instruction qui a délivré celle-ci et celui du lieu où la personne est gardée à vue ;


Attendu qu'en prononçant ainsi, et dès lors que l'article 154 du code de procédure pénale ne comporte aucune restriction au renvoi qu'il opère à l'article 63-9 de ce code, la chambre de l'instruction a fait une exacte application des textes susvisés ;


D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;


Sur le septième moyen de cassation, pris de la violation des articles 63- II, 154 du code de procédure pénale, 105 du même code, 5 et 6 § I et III de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 593 du code de procédure pénale, 63-1, 63-3-1, 63-4, 63-4-2 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, violation des droits de la défense ;


" en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure examinée jusqu'à la cote D 3304, rejetant ainsi la demande de nullité de la prolongation de garde à vue de M. X... décidée le 31 mars 2012, et de toute la procédure subséquente ;


" aux motifs d'abord que si le texte de l'alinéa 3 de l'article 63 II du code de procédure pénale édicte un principe de présentation, l'utilisation d'un moyen de télécommunication ne représente qu'une modalité de cette présentation physique et non, comme il est indûment soutenu, une première dérogation au principe ; que l'impossibilité de mise en oeuvre d'un tel dispositif n'a pas à être démontrée ; qu'en l'espèce, l'absence de présentation préalable de la personne en garde à vue était justifiée notamment par les investigations et auditions à mener par les enquêteurs dans le temps de la mesure, exigence difficilement contestable au vu de l'ampleur du dossier et de sa nature, de la simultanéité de nombreuses gardes à vue dans des régions différentes impliquant des nécessités de multiples auditions et investigations inhérentes au besoin de coordination de l'ensemble des enquêteurs sur le territoire national ; que ces éléments sont à apprécier indépendamment de la situation des autres gardés à vue ou de la durée de l'enquête préalable visant à caractériser des indices graves et concordants ; que le second motif relevé par le magistrat instructeur tenant aux contraintes relatives à l'activité de permanence de son cabinet, empêchant non seulement que le gardé à vue puisse lui être présenté mais aussi que ce magistrat ne se transporte dans les lieux de garde à vue, apparaît légitime au regard tant des autres affaires que le juge d'instruction se doit de gérer dans le cadre de cette permanence que de la gestion de ses propres procédures, sans qu'il soit nécessaire de justifier plus avant les nécessités du service dont il a la charge ; que les motifs visés par l'ordonnance de prolongation satisfont en conséquence aux exigences de l'alinéa 3 du § II de l'article 63 et qu'il n'y a donc pas lieu à annulation de cette décision ;


" 1°) alors que l'absence de présentation du gardé à vue au magistrat instructeur qui doit décider de la prolongation de la mesure, doit rester exceptionnelle et être motivée par des éléments précis, concrets et propres à la procédure en cours, justifiant de l'impossibilité de présentation au moment où elle aurait dû avoir lieu ; qu'ainsi, l'absence de recours à une présentation par voie de visioconférence doit être motivée ; qu'en l'absence de tout motif relatif à une prétendue impossibilité de l'organiser en l'espèce, l'ordonnance de prolongation Était nulle ;


" 2°) alors que ne constituent pas des éléments de nature à exclure la présentation du gardé à vue au juge d'instruction compétent, l'existence de mesures du même ordre menées en même temps sur le territoire national ; que les textes susvisés et les droits de la défense ont été violés ;


" 3°) alors que le principe selon lequel la privation de liberté doit être placée sous le contrôle de l'autorité judiciaire implique que l'impossibilité prétendue pour le juge d'instruction de se faire présenter physiquement le gardé à vue avant d'ordonner la prolongation ne puisse être justifié que par des éléments concrets, liés directement à la spécificité de la situation au moment de la prolongation, et non par des considérations générales et dépourvues de tout caractère spécifique lié à l'activité d'un cabinet d'instruction en général ; qu'en l'absence de toute précision sur la réalité de l'impossibilité pour le magistrat instructeur le 31 mars 2012 à 18h00 de visiter le gardé à vue, de se le faire présenter, des considérations vagues et générales sur « la gestion de ses propres procédures » étant impropres à justifier de cette impossibilité, et étant d'autant plus inadmissibles que la garde à vue s'inscrivait dans le cadre d'une procédure afférente à des faits de terrorisme et devait donc avoir une durée particulièrement longue, l'absence de présentation physique de l'intéressé au moment de la prolongation devait entraîner la nullité de cette mesure ; que la chambre de l'instruction a violé les textes précités et les droits de la défense ;


" 4°) alors que dans son mémoire régulièrement déposé et visé en date du 28 janvier 2013, M. X... faisait valoir de surcroît que l'ensemble de sa garde à vue avait été menée en violation de l'article 105 du code de procédure pénale, les résultats de l'enquête préliminaire, puis la découverte à son domicile, lors de la perquisition qui y a été menée en début de garde à vue, d'éléments matériels significatifs et d'un ensemble d'armes et de munitions dont il s'était déclaré propriétaire, constituant autant d'indices graves et concordants au sens de l'article 105 précité et interdisant qu'il soit entendu comme témoin ; qu'en s'abstenant totalement de répondre à ce moyen opérant, la chambre de l'instruction a méconnu l'étendue de son office et violé, outre les textes précités, les droits de la défense ;


" 5°) aux motifs ensuite qu'il n'est pas prévu par le code de procédure pénale que le conseil du gardé à vue formule des observations lors de la prolongation des mesures de garde à vue ; que cette prolongation n'est possible que si l'infraction que la personne est soupçonnée d'avoir commise ou tenté de commettre est un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement supérieure ou égale à un an, et si elle est l'unique moyen de parvenir à l'un au moins des objectifs mentionnés aux 1° à 6° de l'art icle 62-2 ; que l'absence d'observations du conseil, à ce stade de la procédure, ne porte pas atteinte au principe du respect d'un procès équitable dans la mesure où la décision de prolongation de la mesure de garde à vue, prise par le magistrat instructeur, est strictement encadrée par la loi et que les dispositions légales permettent d'assurer un équilibre entre le respect des droits de la défense et l'objectif de valeurs constitutionnelle et conventionnelle de recherche des auteurs d'infractions, assurant ainsi l'équilibre des droits des parties ; que les exigences du procès équitable apparaissent ainsi réunies et qu'il y a donc lieu de rejeter ce moyen de nullité ;


" 6°) alors que ne sont pas conformes aux exigences des articles 5 et 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales les dispositions du Code de procédure pénale qui organisent la prolongation de la garde à vue sans permettre au conseil, auquel le gardé à vue a demandé de l'assister, de présenter ses observations à ce stade de la procédure sur l'opportunité et les conditions de la prolongation ; qu'en validant une prolongation ordonnée sans qu'à aucun moment l'avocat assistant M. X... ait pu présenter des observations sur cette mesure, la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés " ;


Sur le moyen, pris en ses première, deuxième et troisième branches :


Attendu que, pour rejeter l'exception de nullité de la prolongation de la garde à vue ordonnée par le juge d'instruction du tribunal de grande instance de Nantes, sans présentation préalable de M. X..., l'arrêt, après avoir rappelé que la visioconférence n'est qu'une modalité de cette présentation, relève l'ampleur du dossier et la mobilisation des enquêteurs par de nombreuses investigations simultanées ; que les juges retiennent, notamment, que le magistrat instructeur a suffisamment exposé son manque de disponibilité en raison de la permanence qu'il devait assurer, sans qu'il fût nécessaire pour lui de justifier plus avant les nécessités du service dont il avait la charge ;


Attendu qu'en l'état de ces constatations, résultant de son appréciation souveraine du caractère exceptionnel des circonstances permettant de prolonger la garde à vue sans présentation préalable de la personne concernée, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;


D'où il suit que les griefs allégués ne sont pas fondés ;


Sur le moyen, pris en sa quatrième branche :


Attendu que le demandeur ne saurait se faire un grief de ce que la chambre de l'instruction s'est abstenue de répondre au moyen de nullité pris d'une violation alléguée de l'article 105 du code de procédure pénale, dès lors que ce moyen était irrecevable, au regard de l'article 173-1 du code de procédure pénale, comme présenté plus de six mois après la notification de la mise en examen ;


Sur le moyen, pris en sa cinquième branche :


Attendu que les dispositions de l'article 63 II du code de procédure pénale, qui ne prévoient pas que l'avocat de la personne gardée à vue soit entendu en ses observations préalablement à la décision sur la prolongation de cette mesure, ne sont pas contraires aux articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme qui n'exigent pas la présence de l'avocat à ce stade de la procédure, les droits de la défense de la personne concernée étant assurés par celui qu'elle a de s'entretenir avec un avocat à différents moments de la garde à vue et d'être assistée par ce conseil lors de ses auditions ;


D'où il suit que le moyen doit être écarté ;


Mais sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 12, 14, 41, 77-1-1 du code de procédure pénale, 593 du même code, défaut de motifs, Manque de base légale ;


" en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure examinée jusqu'à la cote D 3304, rejetant ainsi la demande de nullité des mesures prévoyant la géo-localisation de M. X... et des actes subséquents dans le cadre de l'enquête préliminaire ;


" aux motifs que la technique d'enquête de géo-localisation par suivi du téléphone mobile afin de surveiller les déplacements d'un individu ne fait l'objet d'aucun texte spécifique en l'état du droit français ; qu'il convient en conséquence d'analyser ce dispositif au regard des textes de procédure pénale en vigueur à ce jour ; que les articles 12, 14 et 41 du code de procédure pénale confient à la police judiciaire le soin de « constater les infractions à la loi pénale, d'en rassembler les preuves et d'en rechercher les auteurs » sous le contrôle du procureur de la République ; que les techniques de filatures et de surveillances effectuées par les policiers dans le cadre de leurs enquêtes trouvent leur fondement dans ces dispositions ; que les opérations querellées, dont la possibilité technique est par ailleurs notoirement connue des citoyens, donc prévisible, sans interception du contenu des conversations téléphoniques, sont de simples actes d'investigations techniques qui ne portent pas atteinte à la vie privée et au secret de correspondances ; qu'il n'existe aucun élément de contrainte ou de coercition, ni d'intrusion dans un véhicule ou dans un quelconque lieu privé ; que les investigations effectuées selon ce procédé sont moins susceptibles de porter atteinte aux droits d'une personne que des méthodes de surveillance par des moyens visuels ou acoustiques qui révèlent plus d'informations sur la conduite, les opinions ou les sentiments de la personne qui en fait l'objet ; que la base légale de la géo-localisation n'est donc pas contestable ; que l'exigence normative est donc remplie et qu'il est légitime qu'elle fasse l'objet d'une interprétation judiciaire ; que ces actes, qui n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 5 § 3 de la Convention européenne des droits de l'homme relatif au contrôle de la privation de liberté et relèvent donc bien de la compétence et des pouvoirs attribués au ministère public, ne sont pas contraires à l'article 8 de la Convention européenne, lequel prévoit des restrictions posées au principe par cet article, notamment pour la prévention des infractions ; que s'agissant néanmoins de surveillances secrètes par les autorités publiques, il convient donc de vérifier les circonstances de la cause, en particulier au regard de la nature, de l'étendue et la durée des mesures et des raisons de leur mise en place ; qu'en l'espèce, l'enquête préliminaire avait été ouverte par la section anti-terroriste du Parquet de Paris courant octobre 2011 suite à des informations parvenues à la DCRI selon lesquelles M. X..., fondateur du site « Forsane Alizza », « Les Cavaliers de la Fierté », aurait fédéré un certain nombre de personnes qui suivraient des entraînements physiques et un endoctrinement religieux pour se préparer au jihad ; qu'outre le caractère de propagande projihadiste de ce site, M. X... avait tenu à plusieurs reprises des propos légitimant la riposte armée, le droit à la légitime défense en réaction à l'islamophobie en France et qu'il était en relation avec plusieurs personnes connues pour leurs liens avec la mouvance terroriste internationale ; que l'utilisation de la technique de géo-localisation par le biais du téléphone portable a donc été justifiée par la nécessité de vérifier l'existence d'une éventuelle préparation d'actes criminels, en particulier des faits d'attentats terroristes sur le territoire national, de détentions d'armes ou de produits explosifs, d'en rechercher l'organisation, d'en identifier les participants et de prévenir leur commission et ce, de manière discrète et efficace, en raison du caractère clandestin de ce type de délinquance ; que les infractions de cette nature troublent de façon évidente l'ordre public par leurs conséquences notamment humaines, à travers l'utilisation d'armes et la détermination de leurs auteurs dont la dangerosité concerne non seulement les victimes directes de leurs méfaits mais aussi les personnes se trouvant à proximité, ainsi que les services de police intervenant pour faire cesser les infractions ou procéder à l'arrestation des auteurs ; qu'en conséquence, la mesure de géo-localisation a répondu à une finalité légitime proportionnée à la gravité des infractions commises ou suspectées au regard de l'ordre public, strictement limitée aux nécessités de la manifestation de la vérité ; que contrairement à ce qui est soutenu par le conseil du requérant, la durée de la mesure a été précisément fixée dans les réquisitions, à savoir une durée de 10 jours ; que les policiers ont donc agi dans l'exercice de leur mission ci-dessus rappelée et qu'il doit en conséquence être constaté que les réquisitions contestées n'ont méconnu ni les dispositions légales, ni les dispositions conventionnelles invoquées ;


" 1°) alors qu'une mesure dite de « géo-localisation » consistant à surveiller les déplacements d'une personne par le suivi de son téléphone mobile constitue une ingérence dans la vie privée de cette personne, qui ne peut être légalement effectuée que dans les conditions prévues par l'article 8, alinéa 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que l'ingérence doit donc être prévue par une loi présentant les qualités requises par la jurisprudence de la Cour européenne dans son interprétation de l'article 8, alinéa 2, indépendamment du caractère proportionné ou nécessaire de la mesure qui est par ailleurs et cumulativement requis ; qu'il est constant qu'aucune loi ne prévoit ni n'organise la surveillance des téléphones portables et de leurs déplacements, la « connaissance notoire » supposée des citoyens à cet égard ne pouvant pallier l'absence de loi suffisamment précise, accessible, prévisible et émanant d'un organe compétent pour la créer ; que ne répondent pas à ces exigences les textes très généraux des articles 12, 14 et 41 du code de procédure pénale, relatifs à la mission de la police judiciaire ; que la chambre de l'instruction a violé l'article 8, alinéa 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et les textes susvisés ;


" 2°) alors qu'une loi, au sens de l'article 8, alinéa 2, de la Convention, ne peut organiser une ingérence dans la vie privée des personnes qu'à la condition d'en placer la surveillance et l'exécution sous le contrôle de l'autorité judiciaire, ce que n'est pas le Parquet, qui n'est pas indépendant et qui poursuit l'action publique ; que la chambre de l'instruction a encore violé les textes précités ;


" 3°) alors qu'une loi ne répond aux qualités requises par l'article 8 alinéa 2 de la Convention pour justifier une ingérence dans la vie privée qu'à condition de prévoir des limites, notamment dans le temps, aux mesures de surveillance et d'en organiser la fin ou l'extinction ; que la chambre de l'instruction a, en validant les géo-localisations contestées, violé les textes susvisés " ;


Vu l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ;


Attendu qu'il se déduit de ce texte que la technique dite de " géolocalisation " constitue une ingérence dans la vie privée dont la gravité nécessite qu'elle soit exécutée sous le contrôle d'un juge ;


Attendu que, pour écarter le moyen de nullité pris du défaut de fondement légal de la mise en place, par les opérateurs de téléphonie, d'un dispositif technique, dit de " géolocalisation ", permettant, à partir du suivi des téléphones de M. X..., de surveiller ses déplacements en temps réel, au cours de l'enquête préliminaire, l'arrêt retient, notamment, que les articles 12, 14 et 41 du code de procédure pénale confient à la police judiciaire le soin de constater les infractions à la loi pénale, d'en rassembler les preuves et d'en rechercher les auteurs, sous le contrôle du procureur de la République ; que les juges ajoutent que les mesures critiquées trouvent leur fondement dans ces textes, et qu'il s'agit de simples investigations techniques ne portant pas atteinte à la vie privée et n'impliquant pas de recourir, pour leur mise en oeuvre, à un élément de contrainte ou de coercition ;


Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu le texte conventionnel susvisé ;


D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;


Par ces motifs :


CASSE et ANNULE, en ses seules dispositions relatives à la mesure de surveillance technique, dite de " géolocalisation ", pratiquée au cours de l'enquête préliminaire, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 28 février 2013, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;


Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,


RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;


ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par Mme Guirimand, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché le vingt-deux octobre deux mille treize ;


En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre."

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