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samedi 3 mai 2014

Article 1641 du Code civil et juge administratif

Voici une décision de la Cour Administrative d'Appel de Nancy qui applique l'article 1641 du Code civil à l'acquisition d'une épareuse par une Commune :


 

"Vu la requête, enregistrée le 13 février 2013, complétée par un mémoire enregistré le 28 mars 2013, présentée pour la commune de Saint-Claude, représentée par son maire, élisant domicile..., par Me Remond ;

La commune de Saint-Claude demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 1101611 du 20 décembre 2012 du tribunal administratif de Besançon en tant, d'une part, qu'il n'a fait que partiellement droit à ses conclusions indemnitaires dirigées contre la société Chevillard Haut-Jura du fait des désordres affectant l'épareuse qu'elle avait acquise, et, d'autre part, qu'il a mis à sa charge définitive les frais d'expertise ;

2°) à titre principal, de condamner la société Chevillard Haut-Jura à lui payer la somme de 39 891,38 euros TTC au titre de la garantie des vices cachés, assortie des intérêts moratoires à compter de la demande et de leur capitalisation, et la somme de 12 390 euros au titre des dommages-intérêts ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner la société Chevillard Haut-Jura à lui payer la somme de 39 891,38 euros TTC au titre de sa responsabilité contractuelle, assortie des intérêts moratoires à compter de la demande et de leur capitalisation, et la somme de 12 390 euros au titre des dommages-intérêts ;

4°) en tout état de cause, de condamner la société Chevillard Haut-Jura à lui verser une somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la responsabilité de la société Chevillard Haut-Jura est engagée au titre de l'article 1641 du code civil à raison des vices cachés de la machine achetée et de son caractère inadapté aux besoins de la commune ; la machine achetée ne présentait pas les conditions de fiabilité et de sécurité requises pour un usage normal ;

- le tribunal administratif a dénaturé les pièces du dossier, notamment les conclusions de l'expert, et a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une erreur de droit ;

- la responsabilité de la société Chevillard Haut-Jura peut être engagée, subsidiairement, sur le terrain de la responsabilité contractuelle, tant pour des fautes contractuelles que pour un défaut d'information et de conseil et loyauté ;

- elle a droit à la réparation de son préjudice initial, égal au prix actualisé de l'épareuse, et des préjudices consécutifs ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 septembre 2013, présenté pour la société Chevillard Haut-Jura, dont le siège social est sis ZAC de la Carronnée à Morbier (39400), par Me Loye ;

La société Chevillard Haut-Jura demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de la commune de Saint-Claude ;

2°) de condamner la commune de Saint-Claude aux dépens et à lui verser une somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la commune de Saint-Claude se contente de reprendre ses mémoires de première instance sans critiquer de manière particulière le jugement entrepris ;

- la livraison de l'épareuse litigieuse était conforme à la commande de la commune de Saint-Claude et l'épareuse livrée était exempte de vices cachés ;

- elle n'a pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité contractuelle ;

- elle a toujours accompli ses obligations tant en ce qui concerne la formation des chauffeurs que celles concernant l'obligation d'information, de conseil et de réparation du matériel ;

Vu l'ordonnance du 29 août 2013 du président de la 1ère chambre de la cour administrative d'appel de Nancy fixant la clôture de l'instruction de la présente instance au 19 septembre 2013 à 16 heures ;
Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code de justice administrative ;

 

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 avril 2014 :

- le rapport de Mme Steinmetz-Schies, premier conseiller,

- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,

- et les observations de Me Remond, avocat de la commune de Saint-Claude, ainsi que celles de Me Loye, avocat de la société Chevillard Haut-Jura ;
1. Considérant qu'en juillet 2008, la commune de Saint-Claude a acquis auprès de la société Chevillard Haut-Jura une épareuse en remplacement de l'ancien modèle en sa possession qui avait été affecté de plusieurs pannes ; que, le 10 juillet 2008, la commune a, à cet effet, adressé à l'entreprise un bon de commande établi sur la base d'un devis relatif à une épareuse de marque Rousseau et de type Veltha 560 L, seul modèle immédiatement disponible ; que la responsable du service technique de la commune avait apporté plusieurs précisions sur ledit devis quant à la nature de la commande, son mode de règlement et la nécessité d'une livraison impérative avant le 18 juillet 2008 sous peine d'annulation de la vente ; qu'à compter du mois de juin 2009, l'épareuse a rencontré plusieurs difficultés techniques qui, malgré l'intervention des sociétés Chevillard et Rousseau, n'ont pu être totalement réglées ; que la commune de Saint-Claude a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Besançon d'une demande tendant à prescrire une expertise ; que l'expert désigné par ordonnance du 20 juillet 2011 a rendu son rapport le 21 octobre suivant ; que la commune a alors saisi le tribunal administratif d'une demande tendant à la condamnation de la société Chevillard à l'indemniser de plusieurs préjudices en lien avec les défaillances de l'épareuse achetée ; que la commune fait appel du jugement du 20 décembre 2012 en tant qu'il ne fait que partiellement droit à ses conclusions indemnitaires et qu'il a mis à sa charge les frais d'expertise arrêtés à la somme de 6 767 euros ;

Sur la fin de non recevoir opposée par la société Chevillard :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours. " ;

3. Considérant que la requête de la commune de Saint-Claude qui comporte l'exposé de moyens tirés de la dénaturation des pièces du dossier, de l'erreur manifeste d'appréciation et de l'erreur de droit satisfait aux dispositions précitées de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; que, par suite, la fin de non recevoir opposée par la société Chevillard ne peut qu'être écartée ;

Sur l'engagement de la responsabilité :

En ce qui concerne le matériel :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 1641 du code civil : " Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus. " ; qu'aux termes de l'article 1642 du même code : " Le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même. " ; qu'aux termes de l'article 1644 du même code : " dans le cas des articles 1641 et 1643, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix, telle qu'elle sera arbitrée par les experts. " ; qu'aux termes de l'article 1645 dudit code : " Si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur. " ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'au mois de juillet 2008, au début de la période de fauche des voiries et chemins communaux, la commune de Saint-Claude a souhaité, en raison de plusieurs pannes affectant l'épareuse dont disposaient ses services techniques depuis sept ans, acquérir en urgence un nouveau matériel ; qu'elle a, pour ce faire, engagé des contacts avec la société Chevillard Haut-Jura, fournisseur de l'ancienne épareuse, qui a établi un devis pour une débrousailleuse neuve de marque Rousseau de type Veltha 560 L, seule machine disponible correspondant aux caractéristiques du tracteur, mentionnant ses principales caractéristiques techniques, son prix et les conditions de reprise de l'ancienne épareuse ; qu'un bon de commande, en date du 10 juillet 2008, signé par un adjoint au maire a été retourné à l'entreprise sur la base de ce devis pour l'acquisition de ce matériel sous la condition expresse d'une livraison le 18 juillet suivant avant 10 heures ; que la machine livrée dans les délais correspondait à ce qui était mentionné dans le devis ; que lors de cette livraison, qui s'est effectuée en présence du personnel technique de la commune et de la responsable de ce service, aucune observation n'a été officiellement émise ; que si la commune de Saint-Claude fait valoir que, le 23 juillet 2008, elle a contacté la société Chevillard pour lui signaler que la machine ne convenait pas à ses attentes, elle ne conteste pas qu'elle n'a donné aucune suite au nouveau devis présenté, le 28 juillet 2008, pour une débroussailleuse de type 560 PL, avec reprise de la machine précédemment vendue, mais pour un prix supérieur et une livraison qui ne pouvait intervenir avant le mois d'octobre suivant ; que, dans ces conditions, la commune de Saint-Claude n'est pas fondée à soutenir que le matériel livré ne correspondait pas à ce qu'elle avait commandé et que la société Chevillard aurait fait preuve à son égard de déloyauté ou de mauvaise foi au stade de la conclusion du marché ; que si la commune fait valoir que la machine livrée présente un caractère inadapté à ses besoins du fait de la topographie et serait, dès lors, impropre à l'usage auquel elle la destinait, il ressort des pièces du dossier qu'elle n'a pas donné suite à la nouvelle offre de la société Chevillard pour un matériel plus évolué dans les conditions précisées ci-dessus ; que si le matériel livré a, par la suite, fait l'objet de problèmes techniques, ceux-ci ne relèvent pas de l'existence de défauts cachés au sens des dispositions précitées de l'article 1641 du code civil ; que, par suite, la société Chevillard ne saurait être regardée comme ayant engagé sa responsabilité au titre de la garantie des vices cachés ;

6. Considérant, en revanche, que le matériel vendu bénéficiait d'une garantie constructeur d'un an portée à deux ans pour les pompes, le moteur, la distribution, mais hors les pièces d'usure ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'aux mois de mai et juin 2009, divers incidents techniques affectant l'épareuse ont été signalés à l'entreprise Chevillard ; que si certains ont été résolus, ceux portant sur les problèmes de fissures n'ont pu l'être malgré les interventions de l'entreprise et de la société Rousseau ; que le coût des réparations permettant de remédier à ces désordres a été chiffré par l'expert à la somme non contestée de 5 140 euros HT, soit 6 147 euros TTC ; que, par suite, il y a lieu de condamner la société Chevillard à payer cette somme à la commune de Saint-Claude ;

En ce qui concerne la formation prévue :

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le devis ayant donné lieu à la commande de l'épareuse prévoyait une formation des chauffeurs avec l'entreprise Rousseau ; que s'il n'est pas discuté que cette formation a été dispensée tardivement, la commune de Saint-Claude ne démontre pas que ce manquement aux stipulations contractuelles aurait entrainé un quelconque préjudice, au demeurant non chiffré, ou serait à l'origine directe des problèmes techniques rencontrés ;

En ce qui concerne les préjudices consécutifs :

8. Considérant que la commune de Saint-Claude fait valoir qu'elle a été dans l'obligation de louer une faucheuse pour assurer la campagne de fauche lors des saisons 2011 et 2012 dans la mesure où le différend survenu avec la société Chevillard n'était pas réglé ; qu'elle sollicite à ce titre le paiement d'une somme de 7 606 euros TTC ;

9. Considérant qu'au début de la campagne de fauche 2011, alors que les problèmes techniques dont était affectée l'épareuse litigieuse n'avaient pas été résolus et que l'expertise demandée était toujours en cours, la commune de Saint-Claude ne pouvait avoir recours qu'à un matériel de location pour assurer la fauche des voiries et chemin communaux dans des conditions normales ; qu'en revanche, en 2012, le recours à une nouvelle location doit être regardé comme la conséquence du refus de la commune de faire réparer son matériel et est sans lien avec les fautes commises par la société ; que, dès lors, la commune de Saint-Claude est seulement fondée à demander le remboursement du coût de location d'un matériel de fauche pour l'année 2011, soit une somme totale de 4 784 euros TTC ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'indemnisation accordée à la commune de Saint-Claude par le jugement attaqué du tribunal administratif de Besançon doit être portée à la somme de 10 931 euros TTC ;

Sur les dépens :

11. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserves de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties (...) " ;

12. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Chevillard et de la commune de Saint-Claude, chacune pour moitié, les frais d'expertise, liquidés et taxés par l'ordonnance du 28 novembre 2011 du président du tribunal administratif de Besançon à la somme de 6 767 euros ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Saint-Claude, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à verser à la société Chevillard la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la société Chevillard à verser à la commune de Saint-Claude une somme de 1 500 euros au titre des mêmes dispositions ;
D É C I D E :
Article 1er : La somme que la société Chevillard Haut-Jura a été condamnée à verser à la commune de Saint-Claude par le jugement du 20 décembre 2012 du tribunal administratif de Besançon est portée à la somme de 10 931 euros (dix mille neuf cent trente et un euros) TTC. Cette somme portera intérêts dans les conditions fixées par le jugement du tribunal.

Article 2 : Les frais d'expertise, arrêtés à la somme de 6 767 euros (six mille sept cent soixante sept euros) sont mis à la charge de la société Chevillard et de la commune de Saint-Claude, chacune pour moitié.

Article 3 : Le jugement du 20 décembre 2012 du tribunal administratif de Besançon est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : La société Chevillard Haut-Jura est condamnée à verser à la commune de Saint-Claude une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la commune de Saint-Claude et les conclusions de la société Chevillard Haut-Jura tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint-Claude et à la société Chevillard Haut-Jura."

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