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samedi 21 décembre 2013

Gifle et Convention Européenne des Droits de l'Homme

Une décision de la Cour qui juge qu'un policier qui donne une gifle ne viole pas l'article 3 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme :


En l’affaire Bouyid c. Belgique,
La Cour européenne des droits de l’homme (cinquième section), siégeant en une chambre composée de :
Mark Villiger, président,
Ann Power-Forde,
Ganna Yudkivska,
André Potocki,
Paul Lemmens,
Helena Jäderblom,
Aleš Pejchal, juges,
et de Stephen Phillips, greffier adjoint de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 22 octobre 2013,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE


1. A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 23380/09) dirigée contre le Royaume de Belgique et dont deux ressortissants belges, MM. Saïd Bouyid (« le premier requérant ») et Mohamed Bouyid (« le second requérants »), ont saisi la Cour le 28 avril 2009 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).
2. Les requérants sont représentés par Me Zouhaier Chihaoui et Me Christophe Marchand, avocats à Bruxelles. Le gouvernement belge (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. Marc Tysebaert, conseiller général, service public fédéral de la Justice.
EN FAIT


3. Nés respectivement en 1986 et 1979, les requérants résident dans la commune de Saint-Josse-ten-Noode, qui fait partie de l’arrondissement de Bruxelles-Capitale.
4. Les requérants sont frères. Ils habitaient avec leurs parents, leur frère et leurs deux sœurs à côté du commissariat de la police locale de Saint-Josse-ten-Noode. Ils se plaignent tous deux d’avoir été giflés par des agents de police – ce que conteste le Gouvernement –, l’un le 8 décembre 2003, l’autre le 23 février 2004, et soulignent que ces événements se sont produits dans le contexte de relations tendues entre leur famille et certains membres du commissariat.
A. Les événements des 8 décembre 2003 et 23 février 2004


1. Les événements du 8 décembre 2003


5. Les requérants indiquent que le 8 décembre 2003, vers 16 heures, alors que le premier d’entre eux se trouvait avec un ami dans la rue, devant la porte de l’immeuble dans lequel il habitait avec sa famille et, qu’ayant oublié ses clés, il sonnait afin que ses parents lui ouvrent, un policier en civil, A.Z., lui avait demandé de présenter sa carte d’identité. Le premier requérant n’avait pas obtempéré et avait demandé à l’agent de justifier sa qualité. Ce dernier l’avait alors empoigné par la veste – la déchirant – et l’avait conduit au commissariat. Le premier requérant avait été installé dans une salle, où il était resté seul avec l’agent A.Z., qui lui avait asséné une gifle alors qu’il protestait contre son arrestation.
Les requérants produisent un certificat établi le même jour à 19 heures 20 par un médecin généraliste, qui constate que le premier d’entre eux était « en état de choc » et présentait les lésions suivantes : un « érythème au niveau de la joue gauche (en voie de disparition) » et un « érythème au niveau [du] conduit auditif externe gauche ».
6. Le Gouvernement précise que, du fait du refus du premier requérant de montrer sa carte d’identité, l’agent A.Z. n’avait pas d’autre choix que de le conduire au commissariat pour procéder à son identification. Le premier requérant y avait alors fait un scandale en se déclarant victime d’une injustice et d’un contrôle abusif, et avait insulté un agent qui lui disait de se calmer. Il avait été autorisé à quitter le commissariat une fois son identité vérifiée et après avoir été informé par A.Z. qu’un procès-verbal allait être rédigé à son encontre pour rébellion, outrage et menaces verbales. Il était retourné au commissariat quelques minutes plus tard avec ses parents, accusant A.Z. de l’avoir frappé, ce que ce dernier a toujours démenti.
2. Les événements du 23 février 2004


7. Les requérants indiquent que, le 23 février 2004, vers 10 heures, alors que le second d’entre eux se trouvait au commissariat de Saint-Josse-ten-Noode et que l’agent P.P. procédait à son audition à propos d’une altercation dans laquelle sa mère et lui avaient été impliqués avec un tiers (et qui avait conduit au dépôt d’une plainte par ce dernier), P.P. lui avait asséné une gifle après lui avoir demandé de ne pas s’accouder sur son bureau. Il l’avait ensuite contraint à signer le procès-verbal en le menaçant de le placer au cachot.
Les requérants produisent un certificat médical établi le même jour par un médecin généraliste, qui constate une « contusion [à la] joue gauche » du second d’entre eux.
8. Le Gouvernement expose que le second requérant s’était montré très arrogant durant son audition : affalé sur sa chaise, il s’appuyait nonchalamment sur le bureau de P.P., rigolait sans raison et répondait laconiquement aux questions qui lui étaient posées. Il avait de plus fait plusieurs fois modifier le procès-verbal en affirmant que les policiers étaient payés pour ça, et avait menacé les policiers en partant en criant qu’ils auraient de ses nouvelles. Il souligne que, nonobstant l’attitude du second requérant, qui cherchait manifestement le conflit, P.P. avait su faire preuve de calme et de patience.
B. Le contexte dans lequel s’inscrivent ces événements


9. Selon les requérants, leur famille fait l’objet d’un harcèlement de la part de membres de la police de Saint-Josse-ten-Noode. Ils indiquent que les problèmes ont commencé en 1999, lorsque l’un d’eux suspecta leur frère N. d’avoir volontairement rayé sa voiture. Par la suite, ce dernier avait été accusé d’avoir menacé ce même agent et d’avoir commis des vols avec violence, faits dont il avait été acquitté par un jugement du tribunal de la jeunesse de Bruxelles du 21 avril 2000. Selon les requérants, cette affaire était montée de toutes pièces à titre de représailles par des membres de la police de Saint-Josse-ten-Noode.
10. Ils ajoutent que, le 24 juin 1999, le premier requérant, alors âgé de 13 ans, « [avait fait] l’objet de coups » de la part d’un autre policier, alors qu’il se trouvait dans le commissariat où il avait été conduit à la suite d’une bagarre sur la voie publique. Il avait eu le tympan perforé. Sa mère et l’une de ses sœurs, qui se trouvaient pendant ce temps dans la salle d’attente, avaient été secouées et molestées par des policiers.
11. Le 25 novembre 1999, l’une de leurs sœurs aurait fait l’objet dans la rue d’une agression verbale de la part d’un policier de Saint-Josse-ten-Noode et, le 11 mars 2000, leur frère N. aurait été fouillé, bousculé et verbalement agressé par des agents de police.
12. Ils indiquent ensuite qu’au cours de l’année 2000, un « dossier » « diligenté par la police de Saint-Josse-ten-Noode avait été ouvert contre N. auprès d’un juge d’instruction », lequel s’était soldé par un non-lieu. Cette même année, le deuxième d’entre eux avait été « signalé aux fins d’audition » et, alors que la police de Saint-Josse-ten-Noode avait annoncé le 23 juillet 2002 que sa « désignalisation » était en cours, il lui avait fallu effectuer de nombreuses démarches auprès du procureur du Roi et attendre mars 2005 pour qu’il en aille de la sorte, ce qui aurait été source de multiples désagréments.
13. Le 6 avril 2001 et le 12 juillet 2001 respectivement, leur frère N. et le second d’entre eux auraient fait l’objet d’agressions verbales de la part d’agents de Saint-Josse-ten-Noode.
14. Les requérants précisent qu’ils ont systématiquement rendu compte aux autorités judiciaires ou policières des incidents dont ils ont été victimes et ont déposé des plaintes.
C. Les plaintes relatives aux événements des 8 décembre 2003 et 23 février 2004, la constitution de partie civile, l’instruction et le non-lieu


15. Le 9 décembre 2003, le premier requérant déposa plainte auprès du comité permanent de contrôle des services de police (ou « comité P ») et fut entendu par un membre du service d’enquêtes.
Le second requérant fit de même le 23 février 2004. Il indiqua en particulier qu’il considérait que « l’attitude générale de la police de Saint-Josse vis-à-vis de [sa] famille [devenait] proprement intolérable et excessive au point [qu’ils songeaient] à déménager ». La mère des requérants fut aussi entendue par le service d’enquêtes du comité P à propos des faits dénoncés par le second requérant ; elle déposa également plainte, indiquant par ailleurs avoir elle-même été traitée avec peu d’égard par l’agent P.P.
16. Le 5 mai 2004, l’agent P.P. fut entendu par le directeur du contrôle interne de la police locale sur les faits dénoncés par le second requérant et sa mère. Il déclara notamment que le second requérant avait eu à son égard une attitude particulièrement irrespectueuse lorsqu’il avait procédé à son audition et que, s’il l’avait empoigné par le bras pour le faire sortir de son bureau, il ne l’avait pas giflé.
17. Le 17 juin 2004, les requérants se constituèrent partie civile des chefs de harcèlement, atteinte arbitraire à des libertés fondamentales, abus d’autorité, arrestation arbitraire et coups et blessures volontaires. Ils donnèrent un aperçu de l’ensemble de leurs difficultés avec la police de Saint-Josse-ten-Noode, et déclarèrent explicitement se constituer partie civile pour les événements des 8 décembre 2003 et 23 février 2004.
18. Les agents A.Z. et P.P. furent inculpés d’avoir, à l’occasion de leurs fonctions, usé de violences envers des personnes et, notamment, volontairement fait des blessures ou porté des coups, et pour avoir exécuté des actes arbitraires et attentatoires aux libertés et aux droits garantis par la Constitution.
19. Le 26 juin 2004, un juge d’instruction du tribunal de première instance de Bruxelles émit une apostille à l’attention du service d’enquêtes du comité P, l’invitant à prendre connaissance de la constitution de partie civile des requérants, à entendre ceux-ci pour leur faire préciser les éléments de leur plainte, à réaliser un rapport sur le comportement de la famille Bouyid, à dresser la liste des dossiers ouverts à sa charge et des plaintes déposées par elle et à préciser les suites données à ceux-ci.
20. Eu égard au fait qu’il avait déjà entendu les requérants lors du dépôt de leurs plaintes respectives (paragraphe 15), le service d’enquêtes du comité P ne procéda pas à une nouvelle audition des intéressés. Il adressa le 26 juillet 2004 au juge d’instruction un procès-verbal subséquent qui, se basant sur des documents transmis par le service de contrôle interne de la zone de police incluant Saint-Josse-ten-Noode, décrit l’évolution des relations entre la famille des requérants et la police de cette commune. Le procès-verbal fait ensuite le compte des dossiers à charge de membres de la famille, notant à cet égard que le premier requérant avait été mis en cause dans un dossier ouvert en décembre 2003 pour outrages, menaces et rébellion, et N. dans sept dossiers, ouverts entre octobre 1997 et juin 1999. Il relève ensuite qu’outre les plaintes des requérants dont il est question en l’espèce, trois plaintes judiciaires avaient été déposées par des membres de leur famille (deux devant le comité P, en juin 1999 et en juillet 2001, et une devant la « section jeunesse » en 1999) et deux plaintes avaient été traitées par le service de contrôle interne de la zone de police dont dépend Saint-Josse-ten-Noode. Enfin, reprenant un procès-verbal établi dans le cadre du dossier ouvert contre le premier requérant ainsi que les éléments révélés par les enquêtes administratives, il relève le caractère problématique des relations entre la police locale et la famille Bouyid, met en exergue « le comportement général » de cette dernière et souligne ceci :
« En synthèse et selon les policiers, la famille Bouyid (surtout les femmes et la mère en particulier) refuserait toute mise en cause des enfants et de la famille à l’occasion des exactions commises. Ceux-ci seraient ainsi confrontés dans leur comportement par cette attitude protectrice. Plus généralement, les membres de la famille adopteraient une attitude agressive et provocante vis-à-vis des forces de l’ordre.


Suite aux incidents avec le policier [B.], une assistante de concertation aurait échoué dans une tentative de conciliation suite à l’attitude intransigeante des femmes de la famille Bouyid.


En 1999 et 2000, la situation nécessita la désignation d’un aspirant officier de police comme médiateur auprès de cette famille. »


21. Le 3 août 2004, le juge d’instruction prit une ordonnance de soit communiqué et transmit le dossier au parquet.
22. Le 16 novembre 2004, l’agent A.Z. fut entendu par un officier du service d’enquêtes du comité P à propos des événements du 8 décembre 2003. Il déclara notamment qu’il ne connaissait pas encore le premier requérant lorsqu’il l’a aperçu à la porte d’un immeuble, dans des circonstances suspectes selon lui.
23. Par un réquisitoire du 10 novembre 2005, le procureur du Roi requit le non-lieu au motif que « l’instruction ne permet[tait] pas d’établir que les faits présent[aient] un crime, un délit ou une contravention et ne fourni[ssait] aucun indice justifiant l’accomplissement de nouveaux devoirs ».
24. Les requérants furent informés que le règlement du dossier interviendrait devant la chambre du conseil du tribunal de première instance de Bruxelles le 2 mars 2006. Le 1er mars 2006, ils adressèrent au juge d’instruction une requête en vue de l’accomplissement de vingt actes d’instruction complémentaires. Cette demande entraîna l’ajournement sine die de l’affaire devant la chambre du conseil.
25. Le 7 mars 2006, le juge d’instruction ordonna deux des mesures requises et rejeta le reste de la demande aux motifs qu’il concernait des faits antérieurs aux deux faits dont il était saisi et que les devoirs sollicités n’étaient pas nécessaires à la manifestation de la vérité. En conséquence, récapitulant tous leurs griefs à l’encontre de la police de Saint-Josse-ten-Noode, les requérants et d’autres membres de la famille adressèrent au juge d’instruction une demande d’ « extension de partie civile », laquelle fut toutefois rejetée. Les deux devoirs complémentaires ont été exécutés le 25 avril, le 15 mai et le 24 mai 2006.
26. Par une ordonnance du 27 novembre 2007, la chambre du conseil, adoptant les motifs du réquisitoire, maintenu par le procureur du Roi, dit n’y avoir lieu à poursuivre.
27. Les requérants interjetèrent appel de cette ordonnance.
28. Par un réquisitoire du 3 décembre 2007, le procureur général requit la confirmation de l’ordonnance entreprise.
29. Le 5 février 2008, les requérants et d’autres membres de leur famille se constituèrent partie civile pour l’ensemble des faits dont le juge d’instruction avait estimé ne pas être saisi (paragraphe 32, ci-dessous).
30. Le 9 avril 2008, la chambre des mises en accusation de la cour d’appel de Bruxelles, après avoir refusé de joindre le dossier concernant les événements du 8 novembre 2003 et du 23 février 2004 avec le nouveau dossier, ouvert suite à la constitution de partie civile du 5 février 2008, confirma l’ordonnance par un arrêt ainsi rédigé :
« (...)


Attendu que les faits de la cause peuvent se résumer comme suit :


- le 8 décembre 2003, l’inculpé [A.Z.] aurait eu un comportement policier illégal à l’égard de la partie civile Bouyid Saïd que celle-ci décrit comme suit : lors d’un contrôle devant son domicile, le policier [A.Z.] l’aurait attrapée par sa veste qu’il déchira ; elle fut ensuite entraînée vers le commissariat tout proche où elle aurait été giflée de la main droite par ce policer ;


- le 23 février 2004, l’inculpé [P.P.] aurait eu un comportement policier illégal à l’égard de la partie civile Bouyid Mohamed que celle-ci décrit comme suit : alors qu’elle avait arrêté son véhicule devant son domicile, afin de permettre à sa mère de décharger les courses, elle eut une altercation avec le conducteur du véhicule qui suivait ; elle fut convoquée au commissariat de police suite à la plainte qui aurait été déposée par ce dernier ; lors de l’entretien, Bouyid Mohamed aurait été giflé par l’inculpé [P.P.] (voir l’attestation médicale (...)) et menacé par lui de le mettre au cachot s’il ne signait pas sa déclaration qu’il souhaitait cependant modifier ;


- depuis mars 1999, la famille Bouyid connaîtrait d’énormes difficultés avec certains membres de la police de Saint-Josse-ten-Noode, date à laquelle l’agent de police [B.] soupçonne Bouyid Saïd d’avoir griffé sa voiture, ce qui fit naître une certaine tension et un acharnement de la part de la police à l’égard de cette famille ;


- il existerait une provocation constante de la part de la police de Saint-Josse-ten-Noode rendant la vie de la famille Bouyid insupportable ;


Attendu que tant le service de contrôle interne de la police de la zone de police [concernée] que le service d’enquêtes du comité P ont mené une enquête approfondie en rapport avec les faits dénoncés par les parties civiles ;


Qu’il résulte de l’ensemble des éléments de l’instruction, et notamment des déclarations divergentes des parties en cause, qu’il n’existe aucune charge à l’égard des inculpés de nature à justifier leur renvoi du chef des préventions libellées au réquisitoire du procureur général, à la période infractionnelle retenue ;


Que les déclarations des inculpés, qui nient les faits qui leur sont reprochés, sont cohérentes ; qu’il peut, à cet égard, être fait référence au rapport détaillé concernant le comportement général de la famille des parties civiles rédigé par le comité P, qui donne des éclaircissements quant au contexte général de cette affaire ;


Attendu que les parties civiles n’apportent devant la cour, chambre des mises en accusation, aucun élément nouveau, pertinent et convaincant qui n’aurait pas été porté à la connaissance du premier juge, susceptible de révéler l’existence de la moindre charge dans le chef des inculpés justifiant leur renvoi devant la juridiction de fond ;


Que l’instruction n’a pas davantage mis en évidence suffisamment d’éléments constitutifs d’une infraction pénale qui aurait été commise par les inculpés à l’occasion des faits qui leur sont reprochés ;


Attendu en outre, qu’il n’apparaît pas du dossier que les dispositions de l’article 37 de la loi du 5 août 1992 sur la fonction de police n’ont pas été respectées ;


Que, comme le souligne tant le réquisitoire du procureur du Roi du 10 novembre 2005 que celui du procureur général, ainsi que l’ordonnance de la chambre du conseil, les faits de la cause ne présentent en l’espèce ni crime, ni délit, ni contravention ;


(...). »


31. Le pourvoi formé par les requérants – sur le fondement notamment des articles 3, 6 et 13 de la Convention – fut rejeté le 29 octobre 2008 par la Cour de cassation.
La Cour de cassation considéra qu’en estimant que la plainte dans le dossier qui était soumis à la chambre des mises en accusation ne concernait que les événements du 8 décembre 2003 et du 23 février 2004, celle-ci n’avait pas donné à la constitution de partie civile une interprétation inconciliable avec ses termes. Elle considéra également que le législateur s’en était remis à la conscience des membres des juridictions d’instruction concernant l’appréciation du caractère suffisant ou insuffisant des charges réunies par l’instruction. Il s’ensuivait que, dès lors que les conclusions des parties civiles contestaient ou alléguaient l’existence en fait de charges suffisantes, la juridiction d’instruction y répondait par la simple constatation que pareilles charges existaient ou n’existaient pas.
D. La constitution de partie civile concernant les événements antérieurs et la suite qui y a été donnée


32. Le 5 février 2008, six membres de la famille Bouyid, dont les deux requérants, s’étaient constitués partie civile devant un juge d’instruction du tribunal de première instance de Bruxelles au sujet de l’ensemble des faits qu’ils reprochaient à des agents de police de Saint-Josse-ten-Noode, en particulier les faits antérieurs aux événements du 8 décembre 2003 et du 23 février 2004 (paragraphes 9 à 13 ci-dessus).
Cette constitution de partie civile donna lieu à la comparution de six policiers devant le tribunal de première instance de Bruxelles, siégeant au fond. Par un jugement du 30 mai 2012, le tribunal déclara l’action publique éteinte par prescription. Il ne ressort pas du dossier qu’il aurait été interjeté appel de ce jugement.
EN DROIT


I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 3 DE LA CONVENTION


33. Les requérants se plaignent du fait que des agents de police leur ont asséné une gifle alors qu’ils se trouvaient dans le commissariat de Saint-Josse-ten-Noode. Ils estiment avoir été victimes d’un traitement dégradant. Ils se plaignent en outre de l’instruction conduite à la suite de leurs plaintes, qu’ils jugent ineffective, incomplète et partiale et dont ils dénoncent la durée. Ils invoquent les articles 3, 6 § 1 et 13 de la Convention.
La Cour, maîtresse de la qualification juridique des faits, constate que ces griefs se confondent et juge approprié d’examiner les allégations des requérants uniquement sous l’angle de l’article 3 de la Convention, lequel est ainsi libellé :
« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »


A. Thèses des parties


1. Le Gouvernement


34. Le Gouvernement invite la Cour à conclure au défaut manifeste de fondement de cette partie de la requête. Il soutient tout d’abord qu’il n’est pas avéré que les requérants se sont vus infliger une gifle par des agents de police. Il concède que, s’il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’un individu qui prétend être victime d’un traitement contraire à cette disposition doit en principe démontrer l’existence de celui-ci au-delà de tout doute raisonnable, il en ressort également que toute blessure survenue alors qu’une personne se trouve sous le contrôle de policiers donne lieu à cet égard à de fortes présomptions de fait : il appartient alors au gouvernement défendeur de fournir une explication plausible sur l’origine des blessures et de produire des preuves faisant peser un doute sur les allégations de l’intéressée. Il estime cependant que les autorités judiciaires confrontées à une telle situation se doivent de concilier ce principe avec la présomption d’innocence dont bénéficient les agents mis en cause. En l’espèce, rien ne prouverait que les lésions établies par les certificats médiaux produits par les requérants ont été causées par une gifle infligée par des policiers. Le Gouvernement souligne tout particulièrement que les policiers concernés ont toujours contesté s’être comportés de la sorte, et que l’instruction n’a mis en lumière aucun élément contredisant leur position. Selon lui, les requérants ont déposé plainte dans le but de discréditer ces derniers ; il en veut pour preuve le fait – mis en exergue par l’enquête de personnalité réalisée par le service d’enquêtes du comité P – que les membres de la famille Bouyid ont déposé plusieurs plaintes contre la police de Saint-Josse-ten-Noode, et que ces plaintes sont toujours intervenues dans un contexte de confrontation avec celle-ci.
35. Le Gouvernement ajoute qu’à supposer que gifles il y ait eu, il conviendrait de tenir compte du fait qu’elles s’inscriraient dans le contexte de la tension existant entre la police de cette commune et les membres de la famille des requérants, due au comportement outrageant et provocant de ces derniers. Par ailleurs, observant que les certificats médicaux produits par les requérants font état d’un érythème pour l’un et d’une contusion pour l’autre et que les intéressés n’ont pas eu besoin d’un suivi psychologique ou médical et n’ont pas enduré un arrêt de travail, il suggère que le traitement dénoncé n’atteint pas le seuil de gravité requis pour tomber sous le coup de l’article 3.
36. Enfin, il estime que les modalités de l’enquête conduite à la suite des plaintes des requérants correspondent aux exigences de cette disposition.
2. Les requérants


37. Les requérants rappellent pareillement qu’il résulte de la jurisprudence de la Cour que lorsqu’un individu se trouve privé de liberté, l’utilisation à son égard de la force physique alors qu’elle n’est pas rendue strictement nécessaire par son comportement porte atteinte à la dignité humaine et constitue, en principe, une violation de l’article 3, et que toute blessure survenue dans un tel contexte donne lieu à de fortes présomptions de fait, de sorte qu’il appartient au gouvernement défendeur de fournir une explication plausible sur l’origine de celle-ci. Ils renvoient en particulier aux arrêts Salman c. Turquie [GC] (no 21986/93, CEDH 2000‑VII), Esen c. Turquie (no 29484/95, 22 juillet 2003), Rivas c. France (no 59584/00, 1er avril 2004), Toteva c. Bulgarie (no 42027/98, 19 mai 2004) et Aydın et Yunus c. Turquie (nos 32572/96 et 33366/96, 22 juin 2004). Soulignant que ces principes s’appliquent en leur cause dès lors qu’ils fournissent des attestations médicales établissant qu’ils ont présenté des lésions après avoir été sous le contrôle de la police, ils soutiennent que le Gouvernement ne produit aucun élément susceptible de renverser la présomption. Selon eux, de tels éléments devraient résulter notamment d’une « enquête effective ». Or l’enquête conduite en l’espèce ne présenterait pas cette qualité, dès lors en particulier que les enquêteurs ont omis de confronter les requérants aux policiers mis en cause, qu’aucune contre-expertise médicale n’a été ordonnée, que leur demande de devoirs complémentaires a été presque entièrement rejetée alors que les devoirs en question étaient nécessaires à la manifestation de la vérité, et que l’ordonnance de soit communiqué a été prise avant la réception par le juge d’instruction d’un procès-verbal d’audition dont il avait pourtant ordonné la jonction au dossier. A cela s’ajouterait le fait que, dans son rapport relatif à sa visite effectuée en Belgique du 18 au 27 avril 2005, le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants indique que le risque pour une personne d’être maltraitée pendant sa détention par les forces de l’ordre ne peut être écarté. Par ailleurs l’enquête de personnalité effectuée par le service d’enquêtes du comité P, basée sur des procès-verbaux issus du commissariat de Saint-Josse-ten-Noode et conduite à charge, ne contribuerait en rien à expliquer l’origine de leurs blessures. Quant à la question du respect de la présomption d’innocence dont bénéficiaient les agents en cause, elle serait à cet égard dénuée de pertinence. Les requérants concluent que, le Gouvernement ne parvenant pas à renverser la présomption qu’ils se sont vus infliger une gifle par des agents de police, il est avéré qu’une gifle leur a effectivement été infligée.
38. Les requérants soulignent ensuite que les faits se sont déroulés dans un contexte de tension entre les membres de leur famille et le commissariat de Saint-Josse-ten-Noode, mais que l’enquête n’a pas permis d’établir de manière neutre ce contexte.
39. S’agissant de l’appréciation des gifles sous l’angle de l’article 3, les requérants indiquent que cet usage de la force physique à leur encontre ne répondait à aucune nécessité. Ils ajoutent que le seuil de gravité de l’article 3 était atteint dès lors qu’il ressort des certificats médicaux qu’ils produisent que les gifles en question étaient assez fortes pour provoquer une contusion et des ecchymoses, que, de surcroît, l’un d’entre eux était mineur, et qu’ils se sont sentis humiliés par cette atteinte à leur intégrité physique. Ils insistent sur le fait qu’il n’est pas admissible qu’un policier fasse preuve de violence à l’encontre d’un individu qui se trouve sous son contrôle, même si celui-ci se comporte avec insolence.
40. Enfin, pour les raisons précédemment indiquées, ils réaffirment ne pas avoir bénéficié d’une enquête effective.
41. Ils persistent en conséquence dans leur conclusion de violation de l’article 3 dans son volet matériel comme dans son volet procédural.
B. Appréciation de la Cour


1. Sur la recevabilité


42. La Cour constate que cette partie de la requête n’est pas manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention. Elle relève par ailleurs qu’elle ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de la déclarer recevable.
2. Sur le fond


43. La Cour rappelle que les allégations de mauvais traitements contraires à l’article 3 doivent être étayées par des éléments de preuve appropriés. Pour l’établissement des faits allégués, la Cour se sert du critère de la preuve « au-delà de tout doute raisonnable », une telle preuve pouvant néanmoins résulter d’un faisceau d’indices, ou de présomptions non réfutées, suffisamment graves, précis et concordants (voir, notamment, Irlande c. Royaume-Uni, 18 janvier 1978, § 161 in fine, série A no 25, Labita c. Italie [GC], no 26772/95, § 121, CEDH 2000‑IV, et Creanğa c. Roumanie [GC], no 29226/03, § 88, 23 février 2012).
44. Sur ce dernier point, la Cour a précisé que lorsque les événements en cause, dans leur totalité ou pour une large part, sont connus exclusivement des autorités, comme dans le cas des personnes soumises à leur contrôle en garde à vue, toute blessure survenue pendant cette période donne lieu à de fortes présomptions de fait. Il incombe alors au Gouvernement de fournir une explication satisfaisante et convaincante (voir, par exemple, l’arrêt Salman, précité, § 100), en produisant des preuves établissant des faits qui font peser un doute sur le récit de la victime (voir l’arrêt Rivas précité, § 38, ainsi que, notamment, Turan Çakır c. Belgique, no 44256/06, § 54, 10 mars 2009 et Mete et autres c. Turquie, no 294/08, § 112, 4 octobre 2012). La Cour estime qu’il en va de même dans le cadre d’une vérification d’identité dans un commissariat ou, comme en l’espèce, d’un simple interrogatoire dans un tel lieu.
45. Un traitement est « dégradant » s’il humilie ou avilit un individu, s’il témoigne d’un manque de respect pour sa dignité humaine, voire la diminue, ou s’il suscite chez l’intéressé des sentiments de peur, d’angoisse ou d’infériorité propres à briser sa résistance morale et physique (voir, notamment, M.S.S. c. Belgique [GC], no 30696/09, § 220, CEDH 2011, se référant à Kudła c. Pologne [GC], no 30210/96, § 92, CEDH 2000-XI, et Pretty c. Royaume-Uni, no 2346/02, § 52, CEDH 2002-III).
46. Lorsqu’un individu est privé de sa liberté ou, plus généralement, se trouve confronté à des agents des forces de l’ordre, l’utilisation à son égard de la force physique alors qu’elle n’est pas rendue strictement nécessaire par son comportement porte atteinte à la dignité humaine et constitue, en principe, une violation du droit garanti par l’article 3 (voir, notamment, Ribitsch c. Autriche, 4 décembre 1995, § 38, série A no 336, Mete et autres, précité, § 106, et El-Masri c. ex-République yougoslave de Macédoine [GC], no 39630/09, § 207, CEDH 2012).
47. Toutefois, pour tomber sous le coup de cette disposition, un mauvais traitement doit atteindre un minimum de gravité. L’appréciation de ce minimum est relative par essence ; elle dépend de l’ensemble des données de la cause, notamment de la durée du traitement et de ses effets physiques ou mentaux ainsi que, parfois, du sexe, de l’âge, de l’état de santé de la victime, etc. (voir, en particulier, Irlande c. Royaume-Uni, précité, § 162, et Jalloh c. Allemagne [GC], no 54810/00, § 67, CEDH 2006-IX). Parmi les autres facteurs à considérer figurent le but dans lequel le traitement a été infligé ainsi que l’intention ou la motivation qui l’ont inspiré (voir par exemple, El-Masri, précité, § 196).
48. Il s’ensuit qu’il existe des violences qui, bien que condamnables selon la morale et très généralement aussi – mais pas toujours (voir Campbell et Cosans c. Royaume-Uni, 25 février 1982, § 30, série A no 48, et Costello-Roberts c. Royaume-Uni, 25 mars 1993, § 32, série A no 247‑C) –selon le droit interne des États contractants, ne relèvent pas de l’article 3 de la Convention (Irlande c. Royaume-Uni, précité, § 167 ; voir aussi le paragraphe 181 du même arrêt).
49. En l’espèce, les requérants allèguent qu’une gifle a été infligée à chacun d’eux alors qu’ils se trouvaient dans le commissariat de Saint-Josse-ten-Noode. Ils produisent des certificats médicaux à l’appui de leur version des faits. Le Gouvernement, pour sa part, estime qu’il ne ressort pas du dossier que les lésions qu’ils ont subies seraient la conséquence d’une gifle infligée, à l’un ou à l’autre, par un policier. En particulier, les certificats médicaux produits ne démontreraient pas que les lésions qu’ils constatent ont une telle origine. Le Gouvernement souligne par ailleurs que les policiers concernés ont toujours farouchement nié avoir ainsi agi. La Cour juge toutefois inutile de se prononcer sur l’existence ou non des faits allégués par les requérants. Elle estime en effet qu’à les supposer avérés, les actes dénoncés par les requérants ne constitueraient pas, dans les circonstances de la cause, des traitements contraires à l’article 3 de la Convention.
50. La Cour souligne d’emblée que des policiers qui frappent des personnes qu’ils interrogent, pour le moins, commettent un manquement déontologique et font preuve d’un déplorable manque de professionnalisme. Elle se rallie à la recommandation faite par le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants à l’occasion de sa visite en Belgique en 2005 : face aux risques de maltraitance de personnes privées de leur liberté, les autorités compétentes doivent faire preuve de vigilance en ce domaine, particulièrement s’agissant de mineurs (rapport au Gouvernement belge, CPT/Inf (2006) 15, § 11).
51. En l’espèce toutefois, à supposer que gifle il y ait eu, il s’agissait dans les deux cas d’une gifle isolée, infligée inconsidérément par des policiers excédés par le comportement irrespectueux ou provocateur des requérants, et qui ne visait pas à leur extorquer des aveux. Elle serait de plus intervenue dans le contexte d’un climat tendu entre les membres de la famille des requérants et les policiers de leur quartier. Dans de telles circonstances, même si l’un des requérants n’avait alors que 17 ans et s’il est compréhensible que, dans l’hypothèse où les faits se seraient déroulés comme les requérants le disent, ils éprouvent un fort ressentiment, la Cour ne saurait perdre de vue qu’il s’agissait chaque fois d’un acte isolé, posé dans une situation de tension nerveuse et dénué de tout effet grave ou durable. Elle estime que des actes de ce type, bien qu’inacceptables, ne sauraient être considérés comme générant un degré d’humiliation ou d’avilissement suffisant pour caractériser un manquement à l’article 3 de la Convention. Autrement dit, en tout état de cause, le seuil de gravité mentionné ci-dessus n’est pas atteint en l’espèce, de sorte qu’aucune question de violation de cette disposition ne se pose, que l’on envisage celle-ci sous son angle matériel ou sous son angle procédural.
52. La Cour en déduit que, dans les circonstances de la cause, il n’y a pas eu violation de l’article 3 de la Convention.
II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION


53. Les requérants se plaignent d’une violation de leur droit à un procès équitable résultant du fait que le juge du fond n’a pas été saisi. Ils invoquent l’article 6 § 1 de la Convention, lequel est ainsi libellé :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) et dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) ».


54. La Cour constate que ce grief s’apparente à la revendication d’un droit pour la victime d’une infraction de faire poursuivre ou condamner pénalement des tiers. Or l’article 6 § 1 ne garantit pas un tel droit (Perez c. France [GC], no 47287/99, § 70, CEDH 2004‑I).
55. Il s’ensuit que cette partie du grief est incompatible ratione materiae avec les dispositions de la Convention et doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.


PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,


1. Déclare la requête recevable quant au grief tiré de l’article 3 de la Convention et irrecevable pour le surplus ;


2. Dit qu’il n’y a pas eu violation de l’article 3 de la Convention.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 21 novembre 2013, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Stephen Phillips Mark Villiger
Greffier adjoint Président
Au présent arrêt se trouve joint, conformément aux articles 45 § 2 de la Convention et 74 § 2 du règlement, l’exposé de l’opinion séparée du juge Power-Forde.
M.V.
J.S.P.

OPINION CONCORDANTE
DE LA JUGE POWER-FORDE


(Traduction)


C’est avec quelques hésitations et doutes que j’ai voté comme la majorité dans cette affaire. J’admets, en définitive, que n’importe quelle gifle n’atteint pas le seuil requis pour qu’il y ait constat de violation de l’article 3. Le contexte, les personnalités et les circonstances sont autant d’éléments à prendre en compte dans l’appréciation à livrer. Cette affaire, qui porte sur une gifle assénée par des agents de police à des jeunes gens qui étaient entre leurs mains se rapproche fort, vu les circonstances propres à l’espèce, des limites de la conduite prohibée par l’article 3.
Les faits révèlent un contexte marqué depuis 1999 par des tensions et des mauvaises relations entre les services de police et la famille des requérants. Dès lors, il est étrange que le premier requérant ait été interpellé alors qu’il essayait de rentrer chez lui et ait été conduit au commissariat pour une vérification d’identité. Eu égard au « contexte », on aurait pu s’attendre à ce que son identité et son lieu de résidence exact fussent déjà connus de la police. Il est compréhensible que l’incident ait pu susciter chez le premier requérant une certaine frustration et une certaine colère.
Les requérants affirment que pendant leur passage au commissariat, à des dates distinctes, chacun d’eux a été giflé, une fois, par un agent de police. Des rapports médicaux, établis pendant les périodes où ils ont été détenus, ont été soumis. Ces documents confirment l’existence de contusions et d’un état de choc. Ils corroborent les allégations des requérants. La police n’a fourni aucune explication plausible pour expliquer les lésions – aussi minimes soient-elles – que les requérants ont subi au commissariat.
S’il est vrai que n’importe quelle gifle n’atteint pas le seuil requis en vertu de l’article 3, il est vrai également que les agents de police, dans cette affaire, ont franchi une très grave limite en frappant les requérants, tous deux bien jeunes à l’époque des faits. Si je puis admettre, avec quelques hésitations, que le seuil requis en vertu de l’article 3 n’a pas été atteint, ma voix concordante ne doit pas être interprétée comme indiquant, de quelque manière que ce soit, qu’une telle conduite de la part de la police puisse jamais être admise ou excusée. Elle ne le peut pas. Malgré l’insolence, l’arrogance et l’ « attitude » irrespectueuse dont certains jeunes gens peuvent faire preuve, ils ne doivent pas être agressés lorsqu’ils sont aux mains de la police.

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