Un arrêt posant le principe selon lequel il appartient à l'assureur, dont l'obligation est recherchée non par le seul assuré mais par des tiers au contrat, de produire la police dont il admet l'existence.
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis, 21 novembre 2008) qu'à la suite de travaux de terrassement réalisés par M. X... sur un terrain voisin du sien, M. Y... l'a fait assigner en réparation des désordres occasionnés à son fonds, que M. X... a appelé en garantie l'entrepreneur ayant réalisé les travaux et son assureur la société CEA assurances et réassurances ;
Sur les premier et deuxième moyens, réunis, ci-après annexés :
Attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés que M. X..., n'avait pu ignorer l'existence des travaux de terrassement réalisés sur le terrain voisin compte tenu de leur ampleur et de la durée de leur réalisation et de l'impossibilité de faire accéder les engins de travaux publics à sa propriété sans passer sur celle de M. Y..., la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes a pu en déduire que M. X... avait commis une faute personnelle, indépendante de celle commise par M. Z..., ayant entraîné une atteinte intolérable au droit de propriété constituant un préjudice dont elle a souverainement apprécié l'étendue ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le troisième moyen :
Vu l'article 1315 du code civil ;
Attendu que pour rejeter les demandes formées à l'encontre de la société CEA assurances et réassurances, l'arrêt retient que cet assureur réitère qu'il n'est qu'assureur en responsabilité civile décennale professionnelle du constructeur et que M. X... ne fait pas la démonstration contraire d'une assurance de l'entrepreneur en responsabilité civile ordinaire ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il appartenait à l'assureur, dont l'obligation était recherchée non par le seul assuré mais par des tiers au contrat, de produire la police dont il admettait l'existence, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il réforme le jugement portant condamnation de la société CEA assurances et réassurances, l'arrêt rendu le 21 novembre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis, autrement composée ;
Condamne M. X... aux dépens engagés par M. Y... ; condamne la société CEA assurances er réassurances aux autres dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. X... à payer à M. Y... la somme de 2 500 euros ;
Condamne la société CEA assurances et réassurances à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ; rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit juin deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par Me Foussard, avocat aux conseils pour M. X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a condamné seuls, in solidum, MM. X... et Z... à payer à M. Y... la somme de 20.000 € à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QUE « c'est par des motifs pertinents que la Cour adopte que le premier juge a énoncé que la faute de M. X... et de M. Z... était patente ; qu'en effet, constituait une faute le fait de traverser le terrain d'autrui avec des engins de terrassement sans se soucier de l'autorisation du propriétaire et, a fortiori, d'y réaliser un chemin d'une longueur de 200 mètres et d'une largeur de 5 mètres destiné à permettre l'accès au terrain contigu en vue d'y réaliser des travaux de construction ; que le premier juge ajoutait que ce comportement, qui constituait une voie de fait, était manifestement abusif ; que de même doit être adoptée la motivation au terme de laquelle cette faute peut être reprochée à l'entrepreneur, M. Z..., qui aurait pu à tout le moins s'inquiéter de l'identité du propriétaire de la parcelle en cause et de son autorisation mais également au maître de l'ouvrage, M. X..., qui n'a pu ignorer l'existences de ces travaux de terrassement, compte tenu de leur ampleur et du temps qu'il a fallu pour les réaliser et d'autre part de l'impossibilité qu'il y avait de faire accéder les engins de travaux publics à sa propriété sans passer par celle de M. Y... ; que l'existence antérieure d'un chemin de berger, si elle était démontrée, ne saurait enlever au passage des gros engins de terrassement sur le terrain d'autrui sans autorisation sa nature de faute ; que la décision déférée sera donc confirmée sur ce point (…) ; que de même, s'agissant du préjudice, le premier juge a, à juste titre, retenu qu'il était constitué par une atteinte intolérable au droit de propriété ; que le lien de causalité entre la faute, le dommage était évident ; que le préjudice devait être indemnisé à hauteur de 20.000 euros en tenant compte de ce que le terrain en cause n'était ni occupé ni construit ; que la nature semblait avoir repris ses droits ; qu'une inondation des habitations situées en contrebas de la parcelle par suite d'une modification des lieux ne s'était pas produite ; que le remède pour remettre le terrain dans son état antérieur, soit casser le chemin, évacuer les déblais, nettoyer et replanter, risquant d'être pire que le mal ; qu'en conséquence, cette motivation étant adoptée, il y a lieu de confirmer le montant de 20.000 euros allouée à titre de dommages et intérêts et réparation du préjudice (…) » (arrêt, p. 3 et 4) ;
ALORS QUE, premièrement, l'entrepreneur exerce son activité en toute indépendance vis-à-vis du maître de l'ouvrage qui n'est pas comptable de son comportement ; que l'entrepreneur, tenu d'exécuter le travail, décide néanmoins librement de la façon dont il va y procéder ; qu'en l'espèce, le fait de traverser le terrain de M. Y... avec des engins de terrassement sans l'autorisation de ce dernier constituait une faute reprochée à M. Z... en sa qualité d'entrepreneur ; que cette faute ne pouvait être reprochée parallèlement à M. X... en sa qualité de maître de l'ouvrage dans la mesure où l'entrepreneur conservait une indépendance lui permettant d'exécuter son travail en toute liberté et sans recevoir aucun ordre de la part du maître de l'ouvrage ; qu'en retenant néanmoins la faute de M. X..., les juges du fond ont violé l'article 1787 du Code civil ;
ALORS QUE, deuxièmement, à supposer que les juges du fond aient voulu dire que M. X... s'était rendu coupable d'une faute d'abstention, motif pris de qu'il aurait eu connaissance des travaux de terrassement et de l'impossibilité de faire accéder les engins de travaux publics à sa propriété sans passer par celle de M. Y..., ils auraient dû caractérisé en quoi son intervention aurait pu éviter le dommage, ce dernier n'ayant, en sa qualité de maître de l'ouvrage, aucun pouvoir de contrôle et d'injonction sur M. Z... ; qu'en s'abstenant de la faire, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 1787 du Code civil ;
Et ALORS QUE, troisièmement, M. X... faisait valoir dans ses conclusions d'appel que toutes les dispositions avaient été prises pour permettre au chantier de se dérouler exclusivement sur sa parcelle sans passer par celle de M. Y... ; qu'il résultait des extraits du cahier des charges qu'un passage secondaire avait été créé au bas de la parcelle de M. X... comme indiqué sur les plans et par les photographies produites (cf. conclusions d'appel, p. 4, § 3 à 5) et qu'une partie de sa parcelle en friche avait été aménagée pour créer un passage (conclusions d'appel, p. 5, § 6 et p.8, avant dernier §) ; qu'en décidant néanmoins qu'il était impossible pour les engins de travaux publics d'accéder à la propriété de M. X... sans passer par celle de M. Y..., sans répondre à cette argumentation péremptoire, les juges du fond ont entaché leur décision d'un défaut de réponse à conclusions et violé, ce faisant, l'article 455 du Code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a condamné seuls, in solidum, MM. X... et Z... à payer à M. Y... la somme de 20.000 € à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QUE « de même, s'agissant du préjudice, le premier juge a, à juste titre, retenu qu'il était constitué par une atteinte intolérable au droit de propriété ; que le lien de causalité entre la faute, le dommage était évident ; que le préjudice devait être indemnisé à hauteur de 20.000 euros en tenant compte de ce que le terrain en cause n'était ni occupé ni construit ; que la nature semblait avoir repris ses droits ; qu'une inondation des habitations situées en contrebas de la parcelle par suite d'une modification des lieux ne s'était pas produite ; que le remède pour remettre le terrain dans son état antérieur, soit casser le chemin, évacuer les déblais, nettoyer et replanter, risquant d'être pire que le mal ; qu'en conséquence, cette motivation étant adoptée, il y a lieu de confirmer le montant de 20.000 euros allouée à titre de dommages et intérêts et réparation du préjudice (…) » (arrêt, p. 4, § 1, 2 et 3) ;
ALORS QUE M. X... faisait valoir que le passage de la tracto-pelle sur le terrain de M. Y... s'était effectué sur les traces d'un chemin préexistant dont seuls les bords avaient été légèrement rabotés pour laisser passer l'engin, que la nature avait repris ses droits et avait à nouveau envahi le terrain et recouvert ledit chemin, ne laissant découvrir aucune trace du passage de l'engin ; qu'en l'espèce, en s'abstenant de s'interroger sur les caractéristiques particulières du terrain litigieux, et notamment sur l'état du terrain avant la réalisation du dommage, afin de déterminer si ces caractéristiques n'étaient pas de nature à exclure le préjudice, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a jugé que seuls MM. X... et Z... devaient être condamnés in solidum à réparer le préjudice subi par M. Y..., à l'exclusion de la Société CEA ASSURANCES ET REASSURANCES ;
AUX MOTIFS QUE « le premier juge a énoncé que la Société CEA ASSURANCES ET REASSURANCES était intervenue volontairement en la cause en qualité d'assureur en responsabilité civile de M. X... en ses conclusions du 22 mai 2006 ; qu'en réalité, en ces conclusions, l'appelante rappelle à titre liminaire qu'elle intervient en qualité d'assureur de M. Z..., constructeur, au titre de la police d'assurance « responsabilité civile décennale – professionnelle » ; qu'elle réitère, en cause d'appel, qu'elle n'est qu'assureur en responsabilité civile décennale professionnelle du constructeur ; que M. Y..., M. X... ne font pas la démonstration contraire d'une assurance de M. Z... en responsabilité civile ordinaire par l'appelante ; qu'en conséquence, la décision déférée sera infirmée sur ce point : seuls MM. Z... et X... seront condamnés in solidum à réparer le préjudice subi par M. Y... (…) » (arrêt, p. 4, § 4 à 8) ;
ALORS QUE, premièrement, il incombe à l'assureur qui invoque une exclusion de garantie de démontrer la réunion des conditions de fait de cette exclusion ; qu'en l'espèce, en décidant le contraire, les juges du fond ont renversé les règles relatives à la charge de la preuve et violé l'article 1315 du Code civil ;
Et ALORS QUE, deuxièmement et en toute hypothèse, à partir du moment où l'assureur participe activement à la procédure, il se doit de produire aux débats la police d'assurance ; qu'en l'espèce, en décidant que M. X..., qui était tiers au contrat d'assurance, ne faisait pas la démonstration du contenu de la police d'assurance souscrite par M. Z... auprès de la Société CEA ASSURANCES ET REASSURANCES, les juges du fond ont violé l'article 1315 du Code civil, ensemble le principe de l'égalité des armes.
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